Equilibrium @ Toulouse
Le Métronum - Toulouse
Anciennement responsable du webzine U-zine.org. Actuellement chroniqueur éclectique et live reporter basé à Toulouse.
Aussi curieux que cela puisse paraître, alors que SPM Prod nous gratifie régulièrement d’un concert folk metal, il faut remonter en mars 2015 pour trouver le dernier avec Finntroll et sa tournée spéciale centrée autour de l’album Nättfödd. Il n’y avait eu depuis lors que bien peu d’occasions de se mettre quelque chose sous la dent. On avait bien compté la présence de Trollfest et d’Eluveitie à l’Xtreme Fest albigeois, mais si les Norvégiens s’en étaient bien tirés malgré une curieuse setlist, les Helvètes avaient clairement déçus.
Pour toutes ces raisons, quand SPM Prod a annoncé une date toulousaine rassemblant Equilibrium, Heidevolk et Finsterforst, on avait été plus qu’enthousiastes. Pensez-vous donc : une tournée avec trois groupes ayant sorti des albums excellents, de véritables références dans leurs genres respectifs. Et puis… on a pris du recul. Et c’est à partir de là qu’on s’est dit qu’en fait, ça sentait sévèrement le cadavre en putréfaction, et que sous ce beau plateau de trois groupes, il y avait bien des choses à raconter. Et accrochez-vous, parce que ça va être dense !
FINSTERFORST
Rien qu’à l’évocation du nom du groupe, je frissonne. De très loin l’un des groupes de la scène folk metal que j’ai respecté le plus longtemps (oui, la phrase est au passé, on va y venir) avec Moonsorrow, musicalement très proche. Et pour cause, les Allemands de Finsterforst ont réussi l’exploit, en pleine vague folk pouet pouet bière, de sortir deux monolithes noirs : Weltankraft et … zum Tode Hin. Deux albums exceptionnels : sombres, intenses, majestueux. Très introspectifs, les titres sont de véritables fresques épiques à l’image de Untergang, mastodonte de plus de 21 minutes, transportant d’émotion en émotion. Bref, des albums magnifiques, imposant le respect, notamment de par l’intelligente utilisation de l’accordéon au milieu de lignes de guitare tendant plus vers le black. Bon voilà, ça c’était avant. Et c’était cool. Depuis, le groupe allemand a sorti deux autres albums, Rastlos et Mach Dich Frei sans réel intérêt. Notons tout de même la diminution progressive de l’utilisation de l’accordéon tout au long de ces deux opus. Et nous arrivons doucement à l’année 2016, là où tout a basculé.
Le 22 août 2016, Napalm Records, le label de Finsterforst, annonce la sortie d’un EP en diffusant une vidéo préview avec quelques extraits des 10 titres en question. Et cet EP… s’intitule… #YØLØ. Attention, pas “Yolo” hein !! Les mecs ont poussé le vice à utiliser le O diacrité de l’alphabet féringien (ou danois, ou norvégien, les trois l’utilisent) pour donner un côté nordique au tout (on rappelle au passage que Finsterforst sont allemands). Et comme s’il fallait rajouter une dernière couche au tout, ils y ont foutu un hashtag. Bon, que l’album ait un nom de merde, c’est une chose. On a donc maté la pochette (oui, oui c’est l’image ci-dessous), et… je vous laisse apprécier.
On s’est ensuite penché sur la tracklist dudit EP. Nos yeux ont brûlé lorsque que l'on a lu « Wrecking Ball (Miley Cyrus cover) ». On a eu un fond d’espoir en se disant que ça serait p’têt fun d’avoir une version Epic Black d’un titre aussi connu. Et à l’écoute, on s’est rendu compte que Finsterforst avait effectivement bien changé. On a même touché le fond sur la reprise de Beat It de Michael Jackson quand on a entendu… DE LA DUBSTEP. Oui oui, il y a bien un passage de dubstep sur un EP de Finsterforst.
Alors avant de passer pour un gros con réactionnaire (« ouais mais mec, faut voir ça comme un délire sur un EP »), autant on adore Babymetal pour le délire, et objectivement cet EP est même bien branlé. Oui oui, loin d’être mauvais même, les reprises sont cools, le passage de dubstep m’a vraiment fait marrer, les reprises sont cools et certains titres sont plus dispensables. Mais merde… voir le nom de Finsterforst, respecté pour son intégrité, sortir un tel produit, c’est non. Tant qu'à y être, pourquoi pas Kampfar qui reprend Hakuna Matata ou Falkenbach qui reprendrait du One Direction... N’est-ce qu’un délire ponctuel ? Le groupe cherche-t-il à s’attirer les faveurs du public folk metal festif en passant pour « cool » (au vu du dernier clip se passant dans un bar, la question est légitime) ? C’est quoi la prochaine étape ? Intégrer le twerk dans le metal ? Ah non, Mastodon l’a déjà fait sur le clip de The Motherload. Un clip entièrement tourné au téléphone portable ? Ah non, c'est Skálmöld qui l'a fait dernièrement. Est-ce ça, la vision du futur de G. Orwell ? Des perches à selfie dans un circle pit ? Faudra dabber dans le pit ?
Bref, c’est donc sceptique que l’on aborde la prestation des Allemands, leur seconde sur Toulouse après leur première partie de Trollfest (le fameux « concert Papayou »). Malheureusement, ce qui était prévisible a bien eu lieu. La setlist du soir (et plus globalement sur cette tournée) s'axe essentiellement autour de l'EP au nom si douloureux et autour du dernier album du groupe, Mach dich frei. Alors qu'en penser ? A considérer que l'EP n'est qu'un délire, alors pourquoi autant le mettre en avant sur scène ? Et quitte à rigoler un bon coup, pourquoi ne pas avoir privilégié les reprises, forts sympathiques on doit l'admettre, de Miley Cyrus ou Michael Jackson ? Au final, ce sont sûrement ceux qui ne connaissent pas le groupe et qui le découvre sur scène ce soir qui ont probablement le plus apprécié le moment. En effet, avec un wall of death sur Zeit für Hass et un circle pit sur #YØLØ, le groupe offre quelques jolis moments dans le pit. Notons deux points enfin : l'absence notable de l'accordéoniste du groupe (le bougre s'étant senti inutile, il a quitté le navire en début d'année), et les back-vocals de Mach Dich Frei! sur bande audio alors qu'il serait tellement simple de juste les chanter ! Bref, la douleur a duré 35 minutes. Quant à la déception d'avoir à enterrer un groupe que l'on a tant estimé, c'est éternel.
Setlist Finsterforst :
Bottle Gods
Zeit für Hass
Auf die Zwölf
#YØLØ
Mach Dich Frei!
HEIDEVOLK
Pour Heidevolk, la situation est un peu différente. La formation néerlandaise, un peu à l’instar des Féringiens de Týr ou des Islandais de Skálmöld a basé une grande partie de ses compositions autour des voix. En effet, les titres de folk/viking metal de Heidevolk sont surtout faits pour être chantés tels des hymnes, le groupe utilisant énormément le double-chant des chanteurs originels Joris Boghtdrincker et Mark Splintervuyscht (ils comptent triple au Scrabble ceux-là). C’est à cette époque que la formation batave a sorti ses meilleurs albums, à l’image de Walhalla Wacht, qui, s’il bénéficiait d’une production moyenne, avait le charme de l’authenticité.
Seulement voilà, depuis 2010, le line-up de Heidevolk a énormément bougé, et cette instabilité a eu des impacts non négligeables sur la composition. C’est bien simple, sur six musiciens à l’heure actuelle, seule la base rythmique (Joost Vellenknotscher à la batterie et Rowan Roodbaert à la basse) date de l’époque pré-2010, et seul Vellenknotscher est encore là en tant que membre fondateur. Ainsi, un changement aussi profond n’a pas été sans conséquence. Le son de guitare a clairement changé, les voix également, et avec eux, c’est toute l’identité du groupe qui a évoluée. Et c’est ainsi qu’en 2012 sort le médiocre Batavi et en 2015 Velua, à peine au-dessus, troquant même le viking metal du groupe vers un terrain plus death-mélo. Le problème de ces deux derniers opus ? Des titres relativement convenus, et aucun morceau ne sortant réellement du lot.
Comme on l'avait déjà constaté plus tôt cette année au Ragnard Rock Festival, avec un line-up instable et un nouvel album plus que passable, impossible de faire des miracles. Pourtant, Heidevolk sera sans nul doute le meilleur groupe de la soirée. Car si les nouveaux titres (Vinland, Winter Woede, …) semblent presque fades, on peut toujours compter sur les anciens morceaux pour remettre une bonne dose d'ambiance. La preuve, les slammeurs s'en donnent à coeur joie ! Gloire donc aux Nehalennia, Saksenland, ou encore Vulgaris Magistralis de nous offrir encore ce petit quelque chose qui rend le concert spécial ! Pour leur première date à Toulouse, Heidevolk marque des points, s'exprimant même parfois en Français lors de l'explication des paroles de Vulgaris Magistralis. Autre point notable, à l'inverse de Finsterforst, le groupe fait dans la sobriété, misant clairement sur l'efficacité au lieu de la démonstration. Cela n'empechant pas le groupe d'occuper tout l'espace scénique, Heidevolk nous offre là le meilleur du groupe ! Après des années de galère, on sent enfin poindre une belle unité : de là à s'imaginer que le prochain album cassera la baraque, il y a une marche, mais le groupe semble enfin avoir toutes les cartes en main pour rebondir ! Aouh !
Setlist Heidevolk :
Intro (Dageraad)
Winter woede
Opstand der Bataven
De toekomst lonkt
Saksenland
Urth
Drankgelag
Een met de storm
Nehalennia
Vinland
Velua
Herboren in vlammen
Vulgaris Magistralis (Normaal cover)
Outro (Veleda)
EQUILIBRIUM
On reprend l’histoire de Heidevolk, un petit coup de copier/coller, et on a exactement la même histoire pour Equilibrium. Sauf qu’Equilibrium avait à l’époque réussi un exploit. En 2005, en plein milieu de l’explosion de la bulle folk metal, on voit débarquer ce jeune groupe allemand avec l’album Turis Fratyr et l’utilisation du clavier comme jamais aucun groupe ne l’avait alors utilisé. Le rendu : un viking metal épique, riche et totalement imprévisible. La formation avait récidivé deux ans plus tard avec un album plus mature, plus construit, plus sombre peut-être et moins foufou mais tout aussi audacieux que leur premier opus : Sagas. Et si on doit retenir une seule chose de cet album, véritable pierre angulaire du genre, c’est probablement son dernier titre, Mana, fresque épique instrumentale de 16 minutes qui transporte l’auditeur dans des contrées d’heroic-fantasy, sur des mélodies intégrant parfois de la flûte de pan.
Seulement voilà, de la même manière que pour Heidevolk, le line-up explose. En 2010, le groupe change de batteur et de chanteur. En 2014, c’est au tour de la bassiste et du guitariste lead. Bref, sur le line-up originel, il ne reste plus que René Berthiaume (guitare et clavier), tête pensante du groupe et principal compositeur à qui l'on doit le son si caractéristique de la formation. Notons par ailleurs qu’à ce petit jeu de chaises musicales, le groupe s’en sort plutôt bien en ayant désormais dans ses rangs Marcus Riewaldt (enfin titularisé au poste de bassiste permanent après deux ans), qui a fait ses armes pendant 10 ans chez Suidakra, et Dom Cray, anciennement chez les excellents Bavarois de Wolfchant.
Voilà bien des années que je n'avais pas eu l'occasion de voir le groupe en salle ! Si évidemment, nous étions attentifs au dernier passage du groupe au Hellfest, il faut remonter en 2009 pour me rappeller du groupe sur scène en club ! Quoi qu'il en soit, au bout de quelques titres, le constat sera évident : si le groupe peine à sortir des albums digne de ce nom, sur scène, les allemands savent encore distiller la bonne dose pour en sortir le meilleur. Avec une setlist évidemment tournée pour moitié autour du nouvel album, on retiendra quand même quelques hymnes comme Born to Be Epic, et son break fort sympathique ou encore Erwachen, qui ouvrira le bal. Côté public, si les slammeurs s'en donnent à coeur joie, on notera l'affrontement de deux équipes de Human Surfboard sur des styles bien distincts (les challengers défiant les champions en titre !). Sur scène, outre le vocaliste Robse, c'est surtout René Berthiaume qui attirera les regards. En effet, c'est lui l'âme du groupe, le seul capable de composer ce genre de titre avec l'ambiance si caractéristique d'Equilibrium. Preuve en est, la reprise du thème de Skyrim, qui fait toujours son petit effet en live ! Après un tour en coulisse, le groupe reviendra pour un long rappel de 5 titres, dont la doublette Der Sturm / Heimwärts extraits des vieux albums du groupe et qui font toujours bien mal sur scène ! Bref, loin d'être percutant sur album ces dernières années, les Allemands ont montré qu'ils demeuraient une référence sur scène ! Et c'était loin d'être acquis ! Bravo messieurs !
Setlist Equilibrium :
Sehnsucht
Erwachen
Katharsis
Waldschrein
Heimat
Karawane
Blut im Auge
Prey
Born to Be Epic
Uns'rer Flöten Klang
Himmelsrand (Skyrim Theme Cover)
Nordheim
Unbesiegt
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Rise Again
Freiflug
Der Sturm
Heimwärts
Eternal Destination