Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)
La première immersion dans un album commence par sa pochette. Ou devrait. Il est vrai qu’aujourd’hui tout étant quasi disponible immédiatement, on a malheureusement tendance à ne plus prendre le temps de s’attacher aux détails. En tout cas, celle du premier opus de Silver Machine n’est pas négligée et nous renvoie explicitement à Sa Majesté des mouches un roman de William Golding paru en 1954 qui relate l’histoire de jeunes garçons de la haute société anglaise qui se retrouvent livrés à eux-mêmes - sans adultes - après que leur avion qui devait les emmener en Australie se soit écrasé sur une île déserte en plein océan Pacifique. Leur confrontation et surtout leur transformation face à la nature sauvage et impitoyable rend ce roman captivant. Un roman qui a donc inspiré ce jeune groupe de Jonzac. Jeune ? Pas vraiment si on sait que Silver Machine s’est formé en 2012 et qu’on retrouve au sein du lineup des membres ou ex de Offending, Annthennath, Sael ou encore Reverence. Des formations bien connues dans l’underground hexagonal qui offrent un background clairement Black/Death Metal mais pourtant…
Silver Machine se présente comme un groupe de Heavy Metal / Hard Rock traditionnel inspiré par les grands noms des années 70 et 80. Encore un me direz-vous ? Détrompez-vous. Dès la première écoute, l’impression d’avoir un nouveau récital d’un ersatz d’Iron Maiden ou Judas Priest est totalement inexistante. Et pour cause, le quatuor poitevin laisse à d’autres jeunes loups les gimmicks et livrent huit titres qui flirtent assidûment avec le bon vieux Hard Rock, le proto-Heavy Metal et même - par certains aspects - le Metal progressif. Non sans quelques clins d’oeil bien sûr !
"Il comprit tout à coup le caractère fastidieux de la vie où tout sentier représente l'imprévu et dont une part importante se passe à surveiller ses pas. "
On ressent une véritable maturité dans l’approche musicale. Hybride, mais inspiré. Une approche qui n’est pas sans me rappeler le groupe américain Hammers of Misfortune. Ce qui me plait beaucoup c’est la qualité des compositions. On a affaire ici à un album avec un véritable fil rouge où il est difficile de passer les morceaux. C’est le genre d’album qui demande un effort d’attention pour en saisir toutes les subtilités. Des premiers riffs de “The Sound of The Shell” aux passages plus lents et ténébreux de “Shadows and Tall Trees”, on s’enfonce dans cet album comme dans le bouquin. Ce glissement de l’insouciance à la réalité abrupte des barrières morales et sociales qui se brisent. Le retour à l’état sauvage qui met à nu les rapports humains avec pour narrateur le vocaliste Brice, très convaincant et expressif. Pas du tout dans un registre suraigu, mais toujours en phase avec les compositions alors que la paire de guitaristes fait la part belle aux mélodies et aux rythmiques accrocheuses en débordant vers des rivages un peu plus complexes/progressifs. Sans oublier quelques passages plus légers et planants ("Shadows and Tall Trees"). Le point culminant étant le morceau “View to a Death” avec une ambiance qui s’assombrit au fil du morceau et donne un sentiment de fatalisme renforcé par ce “Nooooooooooooo” évocateur à mi-parcours. La suite du morceau gagne en intensité et me laisse l’impression d’un groupe qui sait où il veut amener l’auditeur : vivre la musique comme une expérience. Et c'est réussi si on s'attache justement aux détails. Il faut parler également de la production qui donne de la chaleur et du relief à l’ensemble (la basse intelligemment distillée est bien présente).“Cry of the Hunters”, le dernier morceau est le gros pavé de l’album (13 minutes au compteur). Sûrement le plus ténébreux et ambitieux même si on retrouve ces éléments Heavy/Hard Rock accrocheurs qui apportent de l’énergie à l’ensemble. On se sent embarqué dans un dernier voyage où apparaîssent quelques soli magnifiques et nostalgiques.
Silver Machine parvient donc avec cet excellent premier album (autoproduit !) à s’élever déjà bien haut, fort d’une grande aisance dans la composition alors que l'exercice d’un concept album est souvent bien périlleux. Pas de tube imparable ou de refrain qui reste dans la tête, “juste” un album cohérent mais varié qui mélange diverses influences avec pour base un véritable amour du Heavy et du Hard Rock d’antan.
Et quand on sait qu'ils préparent déjà le suivant, on ne peut que se réjouir !
Tracklist:
1. The Sound of the Shell (3:26)
2. Fire on the Mountain (4:31)
3. Painted Faces (White Clay, Red Blood) (3:27)
4. Beasts from Water and Air (4:38)
5. Shadows and Tall Trees (6:23)
6. Gift for the Darkness (5:51)
7. View to a Death (7:54)
8. Cry of the Hunters (12:56)