Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Depuis la sortie de Soma en 2004, le line-up de Eths n'a cessé de bouger entre deux albums ; la transition entre III et le dernier né, Ankaa, ne fait pas exception à la règle : changement de batteur et surtout de chanteuse. Rachel Aspe a donc remplacé Candice, se faisant la main (ou plutôt la voix) d'abord en tournée, dont un passage au Hellfest, ainsi que sur un EP sorti en 2014, Ex Umbra In Solem. Avec un seul titre inédit, le dit EP ne disait pas grand chose sur la place que pourrait prendre Rachel dans le groupe, son chant s'inscrivant dans les plates- bandes déjà tracées par Candice. Il faut donc attendre 2016 et la sortie de Ankaa pour en savoir un peu plus sur le renouveau de Eths. Pour cet album, le groupe est passé en format quatuor, avec un seul membre du line-up originel, Staïf (guitare), qui s'est occupé d'à peu près tout : compo, production, paroles. A noter également que les parties batterie ont été enregistrées avec le mercenaire en chef des batteurs européens : Dirk Verbeuren. Le contexte, c'est fait, passons à la suite.
L'album s'ouvre sur Nefas, dont l'intro laisse entrevoir une ambiance un peu film d'horreur avant un retournement total dès le premier cri de Rachel : mandale indus ultra moderne et ultra bourrine en plein dans le plexus. Jamais un album de Eths n'avait cogné aussi dur dès le début, c'est la grosse branlée pendant quelques instants, avant que la fureur ne laisse place aux ambiances inquiétantes et torturées qui sont l'apanage du groupe depuis ses débuts. C'est d'ailleurs sur ce point que III pêchait un peu : un son carré mais trop clinique, bien moins personnel que sur les précédents albums. Pas de ça ici, Ankaa est plein de passages bien pensés, de trouvailles bien foutues : le chant orientalisant sur Nihil Sine Causa et Sekhet Aaru ou les ambiances bien lugubres de Seditio et Nixi Dii. D'autres passages en revanche ne sont pas aussi réussis : le pont electro bizarre de Nihil Sine Causa sonne un peu faiblard, un peu cheap comme disent les jeunes. C'est toujours le risque qu'un groupe prend en allant chercher des éléments nouveaux : un plantage est toujours plus facile quand on sort de sa zone de confort. Ce qui n'empêche pas d'autres passages placés eux aussi sous le signe de l'electro/indus de sonner tout à fait bien (Vae Victis ou Alnitak). Difficile de dire pourquoi ça fonctionne ou pas, toujours est-il qu'Eths n'a pas perdu sa volonté de diversité et de curiosité.
Changement de personnel oblige, on porte une attention particulière au chant sur ce nouvel album. Autant le dire sans détour : Rachel s'en sort carrément bien. Par rapport à Ex Umbra In Solem, elle sort de son rôle de copie vocale un peu trop conforme de Candice pour mettre plus de sa personnalité dans le chant. Son timbre de voix se différencie nettement cette fois, dévoilant à la fois sa puissance dans le growl et une belle aisance dans le chant clair. Sur Seditio, toute la palette vocale est explorée et c'est vraiment maîtrisé d'un bout à l'autre : hurlements massifs et fermes quant l'ambiance se fait agressive, chant adoucit et mélodieux pour le refrain. Dans les très bonnes réussites en chant clair, il y a également l'intro toute pernicieuse de Vae Victis, ou l'ensemble de Kumari Kandam, performances bluffantes quand on sait que la voix claire n'était pas le point fort de Rachel avant son intégration dans le groupe.
Avec Ankaa, Eths s'ancre de manière encore plus évidente qu'auparavant dans une volonté de modernité : que ce soit dans le son, dans les compos ou dans les arrangements, tout sur cet album sonne moderne. Côté arrangements, les éléments electro/indus déjà mentionnés participent à ce mouvement, mais dans les riffs on trouve également des passages d'inspiration djent, des mises en places bien tordues et des cassures rythmiques nettes. Et sur une échelle plus gobale, les structures des morceaux sont travaillées, moments de flottements inatendus, intro et outro toujours soignées, on est loin du classique couplet/refrain/pont (même si on trouve de ça aussi, sur Hari notamment). L'album est en revanche un poil trop long à mon goût, un ou deux morceaux de moins ne l'aurait pas desservi. Ankaa s'essoufle un peu en fin de parcours, mais rien de rédibitoire non plus.
Malgré les mouvements incessants de line-up, Eths tient le coup. Ankaa est un album solide, bien foutu, avec certains des morceaux les plus réussis du groupe depuis ses débuts. Les quelques défauts sont vite oubliés tant l'ensemble est de qualité.
Tracklist de Ankaa :
01. Nefas
02. Nihil Sine Causa
03. Amaterasu
04. Seditio
05. Nixi Dii
06. Vae Victis
07. HAR1
08. Sekhet Aaru
09. Kumari Kandam
10. Alnitak
11. Alnilam
12. Mintaka