Conan + Samothrace
Le Ferrailleur - Nantes
Non.
Dolorès : Quand on m'a annoncé que Samothrace passerait par Nantes en cette fin de mai, en ouverture de Conan, j'ai cru que j'allais pleurer de joie. Je ne sais pourquoi c'était le genre de groupe que j'imaginais ne jamais voir sur scène, surtout en n'ayant aucun nouvel album à présenter pour le moment. Et les voilà, d'abord annoncés aux Doomed Gatherings que j'ai malheureusement loupés cette année, puis à la maison, au Ferrailleur. A l'inverse, Conan est toujours une énorme claque en live mais ce n'est pas un groupe que j'apprécie autant en studio. C'est avec plaisir que je les revois à Nantes, deux ans après leur passage dans la même salle, et un an après les Doomed Gatherings.
Samothrace
Dolorès : Autant dire que j'avais hâte de voir le Doom massif et mélodieux de Samothrace prendre vie en salle, bien que la setlist ne contienne que trois titres, donnant la priorité à ceux du dernier album « Reverence To Stone » (sorti en 2012, quand même).
J'ai été plus que surprise de la disposition de la scène, qui reflétait déjà la prestation à venir. Pour planter le décor, la batterie sera primordiale et monumentale tout au long du set. Que ce soit physiquement ou musicalement, par ses cymbales à hauteur étonnante, son maestro qui occupe tout l'espace central de ses frappes de géant ou ses rythmiques au premier plan dans les morceaux joués. Ce qui m'a le plus déconcertée a été le décalage entre les titres, joués en studio et en live. Sur album, quand la plupart mettent l'accent sur la lourdeur du riff, ou le feeling de la basse, même si la batterie frappe juste et subtilement, elle est loin d'être autant centrale qu'elle ne l'a été pendant le concert.
En réalité, c'est sans doute la première fois, pour ce genre musical, que j'ai l'impression de voir riffs, chant, arpèges et basse accompagner, entourer la batterie d'une aura aqueuse, la porter, sans que ce ne soit l'inverse. A ses frappes sèches et précises, répondait le feeling plus libre et chaud de la guitariste, qu'on retrouvera un peu plus tard dans la soirée pour les mêmes qualités à la basse, avec Conan. Les montées en puissance prennent encore davantage d'intensité en live, notamment celle de « Cacophony » et sa tension insoutenable avant l'explosion qui te prend bien aux tripes, seul titre représentant le premier album « Life's Trade ». Bien que les musiciens aient l'air tout sauf sympathiques (on ne citera pas à nouveau le batteur au jeu menaçant, et son joli tatouage « Death to false metal » sur le torse), on admire la véritable harmonie qui se dévoile devant nos yeux. Sans jamais se regarder, même pendant les ralentissements ou les pics qui demandent une précision d'ensemble, on se retrouve fascinés devant les échos constants entre basse et guitares, que cela soit dans la violence massive de ces lourds blocs de riffs ou dans les questions-réponses d'arpèges et de mélodies.
On pourrait regretter quelques soucis pour entendre la voix, mais très sincèrement, elle est selon moi loin d'être l'élément le plus pertinent. Elle ne donne que très rarement de l'intensité à l'ensemble, ne se démarque pas bien du reste, se contente d'accompagner par de lents et puissants râles. Elle a plus un rôle de fond, apportant de la consistance, et cela se confirme bien en live. D'ailleurs, le chanteur et guitariste Bryan Spinks se fait assez discret, en comparaison des autres.
Merci aux Stoned Orgies pour ce grand moment (bien que trop court), ça faisait longtemps qu'un show au Ferrailleur ne m'avait pas retournée à ce point.
Balin : Sans répéter tout ce que vient de vous raconter ma comparse Dolorès, bien que je valide à peu près tout ce qu'elle vient de dire, j'étais moi aussi extrêmement heureux de pouvoir voir le quatuor américain de Samothrace sur les planches à Nantes. Pour ceux qui ne connaissent pas ce groupe, il s'agit d'une formation créée en 2006 dans le Kansas (désormais relocalisé à Washington) et qui évolue dans une sphère stoner/doom que je qualifierais d'aérée et massive à la fois. Pour la comparaison, je rapproche ce groupe d'un Yob pour de nombreux éléments (travail sur le son et les leads en particulier, growl pachydermique, alternance entre de longs arpèges et des climax d'intensité, univers à la fois mystique et très conscient à propos du monde qui nous entoure, logo), les deux groupes se différenciant principalement là où Yob se veut parfois violent et agressif alors que la musique de Samothrace demeure vaporeuse et et majoritairement mélodique (même s'ils bénéficient d'un son de papa).
Le son sera d'ailleurs le principal reproche que je ferai de ce concert car s'il s'améliore par la suite, le manque de guitare lead sur A Horse of Our Own (qui constitue le coeur même de la musique et encore plus de ce morceau) me gâche un peu le spectacle. Tout s'arrange pour l'unique extrait de Life's Trade, premier album de la formation (2008), joué ce soir, Cacophony. Bryan Spinks, frontman du groupe, nous incite fortement à nous réveiller, espèce humaine totalement larguée encore en 2016, avant d'annoncer le dernier titre de la soirée, l'ultime When We Emerged tiré du dernier opus, Reverence to Stone (2012) pour un final aussi lourd que transcendant.
Trois titres, aussi géniaux soient-ils, c'est tout de même court, très court. Surtout pour un dimanche soir où uniquement deux groupes se succèdent avec un début des concerts à 19h30... Mais ainsi soit-il, je suis reconnaissant à l'orga pour avoir fait venir ce fabuleux groupe chez nous et attends impatiemment la sortie d'un nouvel album !
Cook: A l'inverse de mes compagnons nantais Balin et Dolorès, je n'ai pas été saisi par la prestation des ricains de Samothrace... Deux choses rentrent en compte quant à mon appréciation de ce live: Premièrement, je n'avais jamais posé une oreille sur ce quatuor, découverte totale donc et je pense que même en s'immergeant complètement dans leur show, il est bien difficile d'apprécier autant les moments planants, de pouvoir différencier interlude et chanson, j'ai donc rapidement perdu le fil et décroché à plusieurs reprises, malgré un intérêt particulier pour la technique déployée par les musiciens.
Deuxièmement, la fatigue du Samedi soir prenait parfois le dessus, et certains moments, pourtant bien intenses et accrocheurs ne m'emportaient pas à 100% ...
Je reste donc curieux de réécouter et réellement découvrir ce groupe sur album, pour pouvoir apprécier davantage lorsqu'une autre occasion se présentera de les (re)découvrir sur scène.
Setlist :
- A Horse Of Our Own
- Cacophony
- When We Emerged
Conan
Balin : Honnêtement, je ne compte plus le nombre de fois où j'ai vu Conan (six ou sept fois), et j'en ai un peu rien à faire étant donné que je n'écoute plus ce qu'ils font en studio (deux morceaux du dernier opus m'auront suffi malgré une tentative d'évolution dans leur musique, du blast, des changements de tempo plus réguliers, etc), mais il faut bien avouer qu'en live, ça fonctionne toujours autant. Je ne sais pas si le groupe est trop victime de son succès et lasse avec le temps à cause d'un rythme de passage trop soutenu sur nos planches françaises, mais la salle est d'ailleurs loin d'être complète ce soir. Bon c'est vrai on est dimanche et on arrive à la fin du mois, certes, mais quand même.
Première remarque, Chris Fielding, bassiste de la formation n'est pas présent ce soir et est remplacé par Renata Castagna, guitariste de Samothrace pour l'occasion. De plus exit le style racaille/loubard des débuts, la capuche, la casquette et le baggy descendu aux genoux a fait place aux cheveux longs bouclés de Jon Davis. Exit également l'attitude nihiliste sur scène et ça, ça m'emmerde. Bah ouais, moi j'aimais beaucoup l'absence de contact avec le public, cela renforçait la lourdeur de la musique et faisait vraiment entrer l'auditeur dans une atmosphère guerrière. Nous avons droit désormais à des "bonsoirs", "comment ça va ?", "merci beaucoup" entre chaque titre... Pour un groupe de War/doom, ça le fait moyen non ?
Enfin bref, ce ne sont que des détails, mais qui comptent finalement. Pour la setlist, le groupe va logiquement se concentrer sur son dernier opus et jouer pas moins de cinq titres sur les six de Revengeance ! Je vous parlais un peu plus haut de quelques évolutions, certes, mais ça reste globalement la même soupe hein ! Un son de mammouth, comme toujours, avec une voix très aigue bourrée de delay et de reverb (un peu plus criarde qu'à l'accoutumée cependant) et des breaks de batterie qui font mouche à chaque fois (ce nouveau batteur est d'ailleurs meilleur que le précédent). Petite nouveauté, la bassiste de l'occasion chante sur quelques parties et je dois confesser ne pas trop avoir apprécié cet ajout, sa voix grave et monotone ne collant absolument pas avec celle de Jon Davis.
Pour le reste, nous avons droit aux classiques du groupe avec Hawk as Weapon, Foehammer, Total Conquest et Battle in the Swamp, mais malheureusement aucun titre du premier album, mon favori... Il est où Satsumo là ?! Donc en soit un bon concert malgré quelques éléments qui m'ont un peu embêté, mais je pense sérieusement que le groupe va finir par s'essoufler avec un tel rythme de tournée... Ou peut-être pas, les modes et les passions sont totalement imprévisibles, n'est-ce pas ? ...
Cook : Conan. Rien qu'à l'écoute de ce nom, des envies de destruction massive m'envahissent (surtout par les temps qui courent)... Quoi de mieux pour décompresser de la semaine à venir qu'un live bien marécageux, suitant la rage et la hargne? Ayant suivi l'évolution du trio depuis leur superbe Blood Eagle, j'ai surtout été conquis par le dévastateur Horseback Battle Hammer.
Leur dernier né n'a pas à rougir puisqu'il apporte un véritable renouveau au groupe, agrémenté de parties saccadées et efficaces au possible, Revengeance remplissait le contrat et il me tardait de le découvrir sur scène.
Cependant, tout comme mon confrère Balin, j'ai été assez déçu de découvrir l'absence de capuche, de bassiste et de réserve envers le public.Autant j'avais bien apprécié voir la guitariste de Samothrace au sein de son groupe, autant l'absence de Chris Fielding fera cruellement baisser en qualité la prestation délivrée ce soir-là.
Mais bon, passé l'effet de surprise, la lourdeur des riffs viendra vite faire ployer nos cous et distendre nos cordes vocales à l'annonce de titres comme Thunderhoof, ou encore Foehammer. Après une heure de boue, c'est donc vraiment satisfait et repu que je ressors du Ferrailleur, les oreilles encore bourdonnantes du son délivré par les désormais célébres amplis Green. Pour conclure, même remarque que Balin: où sont passés Satsumo ou encore Krull ?...
Setlist :
- Hawk as Weapon
- Throne of Fire
- Thunderhoof
- Revengeance
- Foehammer
- Earthenguard
- Total Conquest
- Every Man is a Enemy
- Battle in the Swamp
Merci aux Stoned Orgies pour cette belle soirée, et on n'oublie pas le deuxième "Doomanche" avec Bongripper + Ghold le 29 mai !