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Embodiment of Morbidity - A Retrospective of Finnish Death Metal (Part. 2)

lundi 16 novembre 2015
Sleap

Live reporter et chroniqueur occasionnel dans divers genres (principalement extrême).

Pour ceux qui ne l'auraient pas encore parcourue, la première partie de cette rétrospective est disponible ici !

Embodiment of Morbidity

 

Abordons maintenant l'autre principal courant très présent en Finlande à cette époque : le Death Grind (et le Death'n'Roll dans une moindre mesure). À la différence de l'école finlandaise de Death Metal décrite dans la partie 1, ce second style n'est pas vraiment né dans les contrées de Finlande. En effet, les nombreux combos de l'époque ayant choisi d'emprunter le chemin boueux du GoreGrind à la fin des années 80 n'étaient inspirés par nul autre que Carcass. Mais à l'inverse des Suédois de General Surgery ou Regurgitate, la plupart des groupes du pays vont bien vite développer leur propre personnalité et ainsi se démarquer des nombreux clones du mythique trio de Liverpool.

Le GoreGrind est donc le principal ingrédient de cette recette finlandaise, mais celui-ci va peu à peu se mélanger à l'école FinnDeath naissante, ainsi qu'à une touche de Rock'n'Roll pour un résultat des plus atypiques. Voici donc les acteurs majeurs de ce second courant si particulier...

Xysma

Actif dès 1988 sous le nom de Repulse, le combo de Turku sort sa première demo tape sous son nouveau patronyme Xysma en avril 1989. Il s'agit alors d'une des toutes premières sorties dans la veine Carcass-like. On y retrouve ces déferlantes de blast accompagnées de riffs gras au possible et de dégueulis vocaux, ainsi qu'un groove des plus délectables. Le groupe parachève son art sur la sortie suivante, Above the Mind of Morbidity, EP d'une vingtaine de minutes paru chez l'éphémère label ComeBack Records. La production s'y fait moins chaotique et les compos bien plus travaillées (dépassant cette fois-ci les 2 minutes). En ce début d'année 1990, ce second enregistrement s'impose comme l'une des meilleures sorties GoreGrind de l'époque. La violence quasi-inédite de ces deux réalisations attire l'attention des américains de Seraphic Decay qui sortent quelques mois plus tard l'EP Fata Morgana enregistré aux AMR Studios. C'est avec cette sortie que Xysma commence à intégrer les premiers éléments FinnDeath à son GoreGrind initial. Le quatuor y incorpore pour la premier fois des leads ''à la finlandaise'' et même quelques nappes de clavier. Les morceaux adoptent également une structure plus Death Metal tout en conservant bien sur le coté Grind. Mais les Finlandais n'arrêtent pas là leurs expérimentations...

Le groupe décide de ne pas faire les choses à moitié et se rend donc cette même année aux Sunlight Studios de Stockholm pour la capture de son premier full-length. Aux cotés de Darkthrone, Xysma est le premier groupe non-suédois à enregistrer chez Tomas Skogsberg. Tout comme le groupe suscité, les Finlandais ne vont pas adopter le son crusty et tronçonnant des nombreuses formations suédoises passées par là. On retrouve néanmoins dans le riffing un petit coté crépitant indiquant tout de même la ''patte'' Skogsberg. Muni d'un artwork énigmatique (photographie surexposée des Moaïs de l'ile de Paques) et d'un nom qui l'est tout autant (Yeah), ce premier album de Xysma surprend par la diversité de ses influences. Le Death Metal occupe la place la plus importante avec ces guitares grasses, cette rythmique furieuse et ces vocaux dégoulinants comme sur le puissant Importance of the Dimensionless Mirage. Le délicieux groove Carcassien et les éructations GoreGrind typiques sont toujours présents, en témoigne l'excellent Above the Horizon, mais les Finlandais piochent également dans d'autres registres totalement différents. Des accents Rock de Why Am I ou On the Hill of Desecration aux interludes et outro acoustiques type Uranus Falls ou CCPT 2 en passant par la rengaine catchy No Name en milieu d'album... Yeah est un véritable melting pot !

Xysma parvient donc en cette année '90 à combiner la violence du Grind et l'atmosphère glauque du Death finlandais tout en y incorporant ce groove Rock'n'Roll qui annonce sa prochaine orientation musicale. Tête de proue du mouvement Death Grind en Finlande avec ses premières réalisations, le combo de Turku réussit également à figurer parmi les toutes premières formations Death'n'Roll avec ce Yeah d'avant-garde. Le groupe continuera encore plus loin dans cette voie avec son second full-length First & Magical de '93 pour finalement délaisser peu à peu le Death Metal au profit du Punk Rock pour le reste de sa carrière. Mais ces trois premières réalisations en cette seule année 1990 auront suffit à Xysma pour lancer, aux cotés de Disgrace, tout un courant musical dans le paysage extrême finlandais de ce début des 90s.

Disgrace

Avec une formation en 1987, Disgrace est l'un des tout premiers groupes de la sphère Death Metal finlandaise (et le tout premier de Turku, aux cotés de Xysma). Il n'emprunte cependant le chemin du Death Grind qu'avec sa seconde demo Inside the Labyrinth of Depression parue en Octobre 1990. Son Death Metal, jusqu'alors assez chaotique et sombre, pioche de plus en plus dans le registre Carcassien (et plus particulièrement dans le mythique Symphonies of Sickness). Cette demo tape, d'une qualité aussi exemplaire que celle d'Above the Mind of Morbidity de leurs voisins Xysma, attire également l'attention de Seraphic Decay Records (qui savaient décidément flairer les bons coups à l'époque)... Cela débouche sur l'enregistrement de Debts of God aux AMR Studios, EP 4 titres sorti en format 7'' courant 1991 puis en split-CD avec Abhorrence mais également Goreaphobia, Acrostichon, Toxaemia et Minch.

Le succès de cette dernière sortie encourage le groupe à signer avec une autre écurie française du moment, Modern Primitive, pour la sortie de son premier full-length, Grey Misery, début '92. Tout comme pour le Yeah de Xysma, l'artwork énigmatique représente lui aussi des monolithes, et les thèmes abordés s'éloignent également du simple propos gore bas du front. L'enregistrement se fait aux TTT Studios de Timo Tolkki (décidément, lui aussi avait du flair malgré sa carrière Power Metal !). En plus de bénéficier d'un son rugueux et d'une atmosphère cradingue, tous les instruments sont parfaitement bien mixés. Mention spéciale au son de basse absolument terrible ! Les 4 titres de la demo Inside the Labyrinth of Depression sont encore mieux travaillés sur ce premier album, et le reste des compositions l'est tout autant. Éructations Carcassiennes tantôt d'un guttural dégoulinant, tantôt plus sèches et éraillées, groove délectable et passages très dansants (Abtruse Myth ou And Below Lies Infinity), accélérations Grind surpuissantes, et même quelques soli (Obscurity in the Azure). L'ambiance glauque du disque est complétée par des samples de voix chuchotées ou modifiées lors de certains interludes (Unity's Interlude Dyes Blind Tomorrow ou Abtruse Myth).

Tout comme pour Xysma, ce premier full-length de Disgrace, qui marque l'apogée de la première période du groupe, n'acquiert malheureusement pas la reconnaissance méritée à cause d'un trop petit label à la carrière éphémère. Grey Misery demeure cependant l'un des albums les plus emblématiques de cette jeune scène Death Grind finlandaise. Bien que les relents Rock soient moins discernables que sur le Yeah de son voisin, Disgrace s'orientera finalement lui aussi vers un registre Punk Rock dès le milieu des années 90.

Mordicus

Le groupe Mordicus se forme en 1989 à Joensuu, un an après Phlegethon. Mais il faut attendre 1991 pour la sortie de leur première demo tape Abominations of the Earth. L'école finlandaise de Death Metal, alors en plein essor, marque profondément la musique de Mordicus. On y retrouve déjà certains leads de guitare qui ne sont pas sans rappeler Abhorrence (notamment dans Last Instant 'Till the End ou dans le titre éponyme). Après quelques autres demos, les Finlandais ont l'occasion de signer avec Skin Drill Records, sous division du label Seraphic Decay (oui, encore eux !) pour la sortie de leur premier 7'' Three Way Dissection. Enregistré au Gingerbreadhouse, cet EP bénéficie d'une bien meilleure production, ce qui permet au groupe de mieux travailler l'atmosphère et le rendu. Les 3 titres montrent donc une certaine maturité niveau composition et sont même peaufinés de quelques samples d'ambiance. On constate par ailleurs une alternance vocale de plus en plus Carcassienne.

Ces débuts prometteurs se soldent donc par la parution du premier et unique full-length du groupe, Dances from Left, en juin '93. À l'époque, la scène finlandaise est déjà réputée pour ses thèmes insolites, mais ce disque de Mordicus repousse les limites de l'étrange avec une pochette et un titre des plus inhabituels. Mais musicalement, le groupe démontre également toute sa singularité au sein de la scène FinnDeath avec des influences assez variée. Enregistré par Ahti Kortelainen aux Tico Tico Studios, cet album jouit d'une production puissante et d'un rendu à la fois granuleux et clair. Riffing lancinant voire mélancolique et passages plombants (Blood Under Ice), leads angoissants (Eternia), rengaines catchies (Christicide), soli travaillés (I Bleed to See, Eternia, Cybernetic Summer), les compositions sont extrêmement riches. Mais le tout est en plus soutenu par une assise Death Metal lourde ponctuée d'accélérations ou de parties goovies typiquement Grind. L'alternance des vocaux (arrachés vs. gras) rappelle particulièrement Carcass, tout comme l'urgence Grind et le groove de certains passages (Eternia en particulier). Les magnifiques instrumentaux Cybernetic Summer et Flames Beneath My Sleep aux délicats passages acoustiques apportent un cachet supplémentaire à cet album déjà très complet.

Tout comme le premier full-length de Xysma, ce Dances from Left ajoute ce qu'il faut de relents Carcassiens à son Death Metal, mais y incorpore également une richesse de composition encore rarement atteinte à l'époque (autant au niveau des ambiances que de la qualité d'exécution). Le combo de Joensuu sortira quelques demos durant la fin des 90s et enregistrera même un second album qui ne verra finalement jamais le jour. Mordicus se sépare donc peu de temps après, laissant derrière lui cet unique full-length, ultime sortie de la fameuse écurie française Thrash Records qui, elle aussi, fermera ses portes quelques temps plus tard après une série d'EPs et CDs s'arrachant désormais à prix d'or sur le net (MegaSlaughter, Carbonized, Convulse, Sentenced, Epitaph, Excruciate, Wombbath, etc).

Lubricant

Tout comme Convulse, Lubricant se forme à Nokia en 1988 sous un nom en sigle de 3 lettres et évolue dans un registre Speed Metal jusqu'en 1990. Mais à la différence de la bande à Rami Jämsä, Lubricant dévoile son amour pour Carcass dès ses premières demos de '90 et '91. Thèmes médicaux et noms tarabiscotés de maladies en tout genres, vocaux tantôt rugueux et écorchés, tantôt gras et dégoulinants, passages furieux et moments plus groovies... Bref, le quatuor s'inscrit parfaitement dans le courant instauré par Xysma quelques temps plus tôt. C'est la demo Swallow the Symmetric Swab qui marque un tournant dans la courte carrière de Lubricant. Capturée en novembre '91 aux MSL Studios (ayant produit le World without God de Convulse quelques mois plus tôt), cette dernière demo tape bénéficie d'un enregistrement de qualité. Les compositions se font par ailleurs plus groovies et catchies que par le passé. Cette attitude Rock'n'Roll se confirme lors du quatrième titre Inflammatorius Pulmonectomia avec ces fameux bruits de canards lors du break (il s'agissait à l'origine d'un mot particulièrement difficile à prononcer, le groupe a donc décidé de le remplacer par un simple caquètement).

Lubricant décroche donc un deal avec les allemands de Morbid Records pour la sortie d'un EP 6 titres début '93. Avec une pochette et un nom très inhabituels, ce Nookleptia confirme le penchant de ces groupes finlandais pour l'étrange et le dérangeant. Et certaines compos le sont presque tout autant, à l'image des curieux passages en voix claire de Thrombose et Laceration of Vasoconstrictive Emotion. Pour le reste, l'orientation musicale du quatuor se fait plus claire. Le combo de Nokia pratique maintenant un Death'n'Roll assumé ponctué de relents Carcassiens plus rares. La rythmique opère de nombreuses ruptures nettes qui relancent le tempo de plus belle pour un groove quasi-omniprésent. Le riffing est toujours entrainant, en témoigne la rengaine catchie de Declaration of Galloping Consumption, l'accélération ultra dansante à la fin de Expulsive Gastroscopia et beaucoup d'autres passages du disque. Malgré des élans blasts ravageurs (Monohemerous Joy, Thrombose, Expulsive Gastroscopia) et des vocaux toujours aussi évocateurs, l'influence early-Carcass se fait tout de même moins marquée qu'auparavant. Cela dit, le célèbre trio de Liverpool s'orientera lui aussi vers un registre Death'n'Roll avec Swansong quelques années plus tard, donc la similitude avec Lubricant (et consorts) est finalement toujours d'actualité.

Mais à l'inverse de Xysma, Disgrace ou même Convulse, le quatuor préfère se séparer en cette année '93 plutôt que de continuer dans un registre complètement différent sous le même nom. Lubricant sera néanmoins parvenu à s'imposer parmi les formations finlandaises notables de ce courant Carcass-like du début des 90s, et ce en à peine 4 ans d'existence.

Pakeni

Dans la masse de groupes finlandais ayant emprunté le chemin de Xysma (Carcass-worship → Death'n'Roll → ?), Pakeni est un cas des plus typiques. Le nom du groupe est en effet un jeu de mots sur Carcass (le mot « pakeni » étant un synonyme du mot « karkas » en finnois), l'influence est donc évidente dès le départ.

Mais le combo de Turku va bien vite incorporer beaucoup d'éléments divers à son style initial. Ses deux premières demos de '92 et '93 montrent déjà un certain goût pour l'expérimental malgré le coté Carcass-worship de base. On retrouve donc les références au fameux groupe (comme l'intro de Onomatopoetic Fraud, clin d'œil évident à Corporal Jigsore Quandary) mais également des sonorités Indus, voire Nu Metal sur les réalisations suivantes. Après l'EP très Death'n'Roll Detergent Bubble Bath (paru chez Morbid Records), l'utilisation de samples et de modifications studios se fait plus fréquente. Le tout abouti sur la parution d'un unique full-length en 1999 chez Napalm Records America (sortant la même année le Hell Eternal de Setherial).

Mais le style beaucoup trop hasardeux de Pakeni ainsi que le succès relatif de cet album entrainent le split du groupe quelques temps plus tard.

Voilà les principaux groupes de cette seconde école finlandaise que je voulais aborder. Les plus curieux d'entre vous peuvent néanmoins aller découvrir les ObfuscationNecrobiosis et autres Godfall, bien que plus anecdotiques...

 

La Finlande, en plus de développer sa propre école de Death Metal, est donc également le lieu de naissance de beaucoup de formations Death Grind et Death'n'Roll durant cette première partie des années 90. Mais, malgré les nombreuses similitudes avec Carcass, ces combos finlandais de l'époque développent eux aussi leur propre identité (musicale et thématique) qui les démarquent déjà de toute la masse Death Grind classique.

Il subsiste néanmoins au sein de cette scène déjà très variée quelques irréductibles groupes de Death Metal qui ne rentrent dans absolument aucune case. Ce sera l'objet du troisième et dernier article de cette rétrospective. Plus courte, puisque moins fournie, cette dernière partie sera centrée sur la veine plus technique de cette scène finlandaise. Il sera question d'un groupe en particulier (les plus friands d'entre vous savent surement déjà duquel il s'agit)... Par ailleurs, le fameux live report du Finnish Death Metal Maniacs ainsi que l'interview des organisateurs seront également disponibles à la fin de cette troisième partie.

Partie 3.

Live report.

Interview.