Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
C'est avec Oh Sensibility, leur premier album, que j'avais découvert Domovoyd, groupe finlandais officiant dans le doom psyché à tendance cosmique. Et pour un premier album, c'était une belle surprise, ce qu'il fallait de lourdeur, accompagnée de quelques moments vraiment planants, et même si la cohérence de l'ensemble n'était pas optimale, chaque écoute est un plaisir. Et les voici qui reviennent en 2015, avec un deuxième album, un éponyme, ce qui est toujours un symbole fort, c'est avec cet album que le groupe veut dévoiler son essence propre.
Ce sont les seize minutes de Domovoyage qui nous accueillent sur ce deuxième album, et c'est directement au chapitre perdition dans les brumes spatiales qu'on entame le voyage. Un son tout traînant, mélange dissonant de violons où se greffent des bruits étranges, petits grésillements et autres bizarreries, c'est une bande son de bad trip qui accouche des premières notes de guitares. Arrivé là, l'atmosphère s'apaise, plus de douceur, une basse bien ronde joue une ligne ondoyante sur un rythme de batterie posé pendant que les guitares gonflent, mettant de plus en plus de vigueur dans leurs accords fuzzés. Voilà la méthode Domovoyd, déjà présente sur Oh Sensibility, des constructions de morceaux très lentes, très progressives, où chaque reprise ajoute un élément jusqu'à ce que le spectre soit complet, avant de déconstruire le tout pour remonter une nouvelle séquence. Pour rester sur Domovoyage, la seconde partie fait intervenir le chant, moins crié qu'auparavant, sur un riff bien énergique où le groupe s'amuse une fois de plus à placer tout un tas d'éléments psychés et difficilement explicables par des mots.
Avec sa structure très variée et surprenante, ce morceau d'ouverture donne une clé de lecture pour la suite : attendez-vous à tout. Parce que oui, les ruptures inattendues seront nombreuses, les moments où vous ne saurez plus quoi penser de ce que vous écoutez également et la teneur en THC de l'ensemble oblige à une certaine ouverture d'esprit. D'un côté, il y a les morceaux plutôt classiques où l'on comprend ce qu'il se passe et où l'on veut nous amener, de l'autre, il y a, ... , le reste. Dans la première catégorie se classe, Ambrosian Perfume, morceau assez entêtant avec un riff répété à l'extrême surimprimé encore une fois d'effets divers pour un rendu toujours aussi perché. Et quand la lourdeur a son mot à dire, elle prend bien les commandes du vaisseau et Domovoyd sait y faire en la matière, leur son de gratte est bien puissant, avec moins de fuzz que sur Oh Sensibility, mais plus de hargne. Se classe également dans cette catégorie la très efficace Mystagogue, morceau plus condensé et plein d'énergie, ainsi que Amor Fati, un peu sur le même format mais avec une construction plus alambiquée.
Et puis on a la deuxième catégorie, celle où le groupe est susceptible de perdre pas mal de monde en route, avec en premier lieu Caustic Afterglow, plage faite de nappes psychés sur laquelle se pose un discours initiatico-mystico-spatial déclamé par une voix grave, celle d'un sage que j'imagine vivre quelque part entre Pluton et ses lunes. Domovoyage était déjà une première étape assez costaude à franchir pour entrer dans cet album ; la sortie est au moins aussi difficile. Là encore, on tape dans le morceau à rallonge, mais cette fois, toute logique dans la construction semble perdue. Démarrage soudain après plusieurs minutes de volupté enfumée, rupture sans préavis pour replonger dans de la haute voltige psyché, Vivid Insanity met tout en œuvre pour égarer l'auditeur. Pourtant, même si on ne sait pas où le groupe amène, tout est si finement fait qu'on le suit volontiers dans les méandres de ses idées fumeuses, les passages doux vous apaisent et les pointes de colère n'en sont que plus impressionnantes.
Bien que pas toujours complètement clair dans ses propos, Domovoyd parvient à faire un album solide qui sens la maîtrise des ambiances et des progressions lentes. Quelques énigmes restent insolubles après plusieurs écoutes, mais c'en est presque agréable, une part de mystère qui subsiste aux confins de l'univers, n'est-ce pas ce qui pousse l'Homme à réfléchir toujours plus avant ?
Tracklist de Domovoyd :
1. Domovoyage
2. Ambrosian Perfume
3. Caustic Afterglow
4. Mystagogue
5. Amor Fati
6. Vivid Insanity