Un mec qui écrit des trucs.
J'avais un peu de mal avec 6:33. Le précédent album avec Strobl ne m'avait pas plus emballé que ça, pas franchement Metal, bordélique et au final assez hermétique dans sa théâtralité. Genre wokay ça défonce objectivement mais alors paie ta fracture à tiroirs impossible à domestiquer qui a finalement réussi à juste simplement me gaver. Du coup bon, j'ai mis un bon moment à m'atteler à ce nouvel opus, gardant un souvenir du groupe comme n'étant juste pas trop pour moi. En fait, le déclic a été simple : le Metalorgie Fest et la prestation live que j'attendais pour le coup beaucoup, curieux du rendu. Bon sang cette baffe. Gros cocktail totalement aberrant qualifiable de Stupeflip / Tim Burtons's Bordel Metal que j'attends que de revoir pour en profiter encore plus. Parce que bon. Juste après ça j'ai pas eu d'autres choix que me ruer sur ce petit dernier et redécouvrir les yeux plein d'étoiles leur discographie complète qui m'ouvrait enfin ses portes, permettant de m’immerger dans cet univers théâtral et bariolé combinant humour gras mais fin et doux sociopathes. Et on va pas avoir peur de le dire : "Deadly Scenes" est une réussite totale et écrase bien le précédent pour moi.
Bref, exit le leader de Carnival In Coal, cette fois nos Parisiens sont seuls et Rorschach assure en solo au micro (et c'est un putain de monstre). On se retrouve donc avec une belle suite de compositions qui s'articulent autours d'un concept des péchés capitaux (Deadly Scenes, Deadly Sins, hahaha jeu de mots humour humour rire) avec un gros pet au casque comme toute la jolie scène française sait le faire. Pour balancer vite une comparaison que seuls les vrais comprendront, on est stylistiquement proche du premier Ufych Sormeer, avec donc ses grosses inspirations Devin Townsend, mais transposées dans l'univers complètement fou d'un... J'en sais rien en fait parce que ça change à chaque morceau, on va dire Mr Bungle dans le doute vu que ça englobe tout. Bref, vous êtes prêts à embarquer ? Pour le coup, autant des fois on part dans un trip expérimental bizarre et tordu, autant on a de sacrés gros tubes auxquels se raccrocher. Le précédent contenait la ballade romantique pour psychopathe "I Like It", maintenant dites bonjours aux deux joyaux que sont "I'm A Nerd" et "Black Widow", ou les deux pièces maîtresses auxquelles tout le monde peut se raccrocher et sonnant tout simplement irrésistibles.
"I'm A Nerd" ou le délire Burton poussé à l'extrême, hymne de la nouvelle génération aux cœurs sautillants, refrain scintillant, et final tout simplement jouissif avec ce mur de basses ultra groovy de sa race, pour un rendu une nouvelle fois proche du Maestro Canadien, improbable mélange de "Infinity" et "Deconstruction" dont on ne peut qu'être fier. Et pis l'autre bah voilà. "Black Widow", le single, le machin décadent baroque qui nous embarque dans un château hanté de velours rouge, toujours délicat et possédé, nous contant une histoire glauque à fond tout en retenue et avec un refrain tellement craquant qu'on partirait en voyage de noces avec. Et on a bien besoin de ces deux mastodontes pour s'ancrer solidement au milieu des bizarreries les encadrant. L'ambiance régnant ici est juste indescriptible de loufoquerie, comme le groupe a toujours su le faire. Bien qu'au niveau du style on soit loin de la violence kaléidoscopique de "Orphans of the Good Maneers", le premier opus de nos Parisiens. Toujours pas de batterie (BAR power), une orgie de samples et de claviers, et des guitares cette fois très en retrait, on se demande même parfois si on écoute bien un album de Metal jusqu'à ce qu'un gros blast et growl nous ramène sur le droit chemin.
Entre un titre d'ouverture religieux et joyeux, le gros dawa semi-tribal bizarre mais jouissif "The Walking Fed", et un titre final fleuve en forme de conte tapant les treize minutes et faisant visiter pas mal de contrées musicales, on a de quoi faire. Le tout orchestré de main de maître, produit de manière claire (bien que manquant de puissance mais qu'importe c'est pas le sujet) et avec une performance vocale juste bluffante de justesse, de nuances et de délire. On reste toujours dans le dosage le plus juste, chaque morceau se détachant du reste et choppant sa propre ligne directrice, proposant sa dose de psychotropes sans pour autant perdre le fil. On y retrouve même au final des morceaux assez classiques comme le Jazzy "Ego Fadango" qui incarne à lui seul l'album global ou un moins convaincant à mes oreilles "Lazy Boy", bourré de qualités mais au refrain gavant et sonnant pour le coup vraiment trop comme du sous-Townsend. Mais bon, pas assez pour gâcher le plaisir, tant tout ça sonne frais et mené de main de maître.
Donc voilà. Vous voulez du gros Metal cartoonesque, des histoires de serial killers pour enfants à problèmes, de la drogue et des trucs qui sortent de l'ordinaire, 6:33 est fait pour vous. C'est même par cet album qu'il est au final le plus aisé de commencer, car il reste le truc le plus cadré qu'ils nous aient refourgué tout en ayant de jolis problèmes de comportement. Bref, coup de cœur live pour ma part qui s'est poursuivi jusqu'au bout en studio, de quoi fermer leur gueule à tous ces crevards qui gueulent qu'on a rien en Metal en France parce qu'ils connaissent rien d'autre que Gojira et Dagoba. Les sept péchés capitaux ont ici leur héraut, et comme on aurait pu aisément le prédire, il est juste bon à interner, pour le pire mais surtout le meilleur.
7:44 : A mi-chemin entre une relecture de Seven sous acides et le bad-trip au Pays des Merveilles, pour petits et grands tant qu'ils sont déviants.