Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Il y a des groupes dont on croise le nom un paquet de fois avant de poser une oreille dessus, et pour ma part Feared fait partie de cette catégorie. Et pourtant, il y a des arguments poids lourds niveau line-up : le guitariste Ola Englund de The Haunted (également à l'œuvre chez Six Feet Under il y a quelques années), Kevin Talley qui frappe aussi chez Suffocation et Daath, et qui a fait partie de Dying Fetus, Chimaira, Misery Index et Six Feet Under. Rien que les CV de ces deux-là laissent rêveur, mais s'ajoutent aussi Jocke Skog (ex-Clawfinger, Aeckel) à la basse et Mario Santos Ramos (Demonoid) au chant. Arguments de poids, je vous le disais. Mais tout cela n'avait jamais suffit à me mettre un peu de leur son dans les oreilles, jusqu'à présent, avec Synder, leur sixième album.
C'est le morceau éponyme qui nous accueille, petite intro assez réussie qui pose une ambiance vaguement mélancolique jusqu'à ce que démarre le premier vrai morceau. Et là boum, du thrash/death rentre-dedans, énervé comme The Haunted mais plus lourd et plus épais. Your Demise c'est trois minutes d'agression frontale avec du pouka/pouka agrémenté de quelques blasts à la batterie pendant de Englund lâche des riffs assassins. Le chant est clairement death, bien en volume avec quand même quelques nuances bienvenues. Of Iron And Ashes ajoute une petite touche plus mélodique par moment, où encore une fois le rapprochement avec The Haunted est inévitable. Mais le spectre musical ne s'arrête pas aux Suédois, on retrouve une pointe de Lamb Of God parfois, le chant étant de temps en temps dans le style Blythe (My Own Redemption), très articulé et rageur. Techniquement, c'est, comme on pouvait s'y attendre vu les carrières des zicos, parfait. Le jeu de batterie est vraiment précis, de petits breaks bien sentis jalonnent l'album et les parties plus death metal rendent la brutalité presque fine.
Mais Synder comporte quand même pas mal de défaut, notamment la deuxième partie de l'album. Si la première moitié est vraiment très bonne, alternant bastonnage rapide avec quelque plans plus mid-tempo, l'ensemble garde une énergie puissante qui fait remuer les cervicales avec la bave aux lèvres, l'envie d'en découdre dans un pit logée dans l'estomac. Mais après Dygder, interlude toute calme au piano, ce sont les mid-tempos qui prennent le dessus et l'énergie dantesque du début s'estompe un peu. By Silent Screaming ne remet pas la couche de violence qu'on attend après une accalmie, laissant la fureur retomber. Il y a bien Wolf At The End Of The World et Dying Day qui remettent le couvert, mais c'est presque tout. Cette deuxième partie laisse même un arrière goût de manque d'inspiration, avec l'ajout complètement gratuit d'effets d'orchestration sortis de nulle part qui n'apportent pas grand chose à la musique. Ça sent presque le remplissage en post prod' voyant que les compos s'essoufflent un peu à la longue. La fougue et la puissance du début d'album sont devenues des souvenirs sur des titres comme My Own Redemption où émerge un chant clair pas mauvais mais juste complètement hors contexte sur lequel s'enchaîne un solo tout mélodique et assez cliché. Feared semble muter en cours d'album, sans explication et sans préavis, le côté ultra énervé s'étiole petit à petit.
Synder est donc un album en demi-teinte. Une première partie tout en folie et en agression alors que la suite fait place à des morceaux assez convenus et pas vraiment intéressants. La production est très moderne, très costaude, ce qui rend les passages mid-tempo de la deuxième partie encore plus balourds quand elle servait la fureur des premiers titres. Et puis ce recours totalement artificiel aux arrangements symphoniques reste le gros point noir de l'album, vraiment le type de démarche qui cache un manque d'idée, méthode de feignant pour donner un peu consistance à des morceaux en manque de matière. Avec cet album, Feared nous met quelques mandales bien senties, mais se discrédite complètement sur la fin. Dommage.
Tracklist de Synder :
01.Synder
02.Your Demise
03.Of Iron And Ashes
04.Caligula
05.My Grief, My Sorrow
06.Dygder
07.By Silent Creaming
08.Wolf At The End Of The World
09.My Own Redemption
10.Dying Day
11.War Feeding War
12.The Narcissist
13.Godless Devotion