Née en il y a environ cinq ans, Sortilegia est une formation orchestrée par seulement deux membres, Haereticus à la batterie, et surtout Koldovstvo, une Russe d’origine répondant au nom d’Anastasia, désormais installée au Canada, véritable veuve noire de ce projet morbide. J’avais eu l’occasion de les voir lors d'une de leurs rares apparitions live à Bruxelles en décembre 2014, leur prestation m’avait quelque peu bluffé tant l’atmosphère de mort avait envahi la salle tout au long du set, avec cette frontwoman dans un état second.
Plutôt clandestin à ses débuts avec deux démos en format cassette (Pestilent Black Sorcery & Rehearsal MMXII) à tirage très limité, Sortilegia a tapé dans l’œil de l’excellent label allemand Ván Records (Urfaust, The Ruins of Beverast, Árstíðir Lífsins…) qui leur a permis de sortir leur premier album « Arcane Death Ritual ».
La première chose qui surprend lorsque l’on a l’objet entre les mains, c’est cette prédominance du blanc dans le digipack, avec pour couverture une gravure signée de l’artiste croate Marko Marov (Vatra I Sumpor), très mystique avec cette éclipse dominant une sorte de tombeau abandonné d’où jaillit une lumière. Croyez-moi, cette mise en bouche visuelle est la représentation parfaite de l’ambiance régnant tout au long de la cinquantaine de minutes qui composent cet Arcane Death Ritual.
Comme bien souvent, l’album s’introduit par une piste ambiante histoire de donner le ton ; ici, nous avons le droit à de longues notes inhospitalières qui se répètent, avec des martellements dignes d’une marche mortuaire : nous voilà plongés dans un rituel macabre dont vous ne parviendrez pas à vous défaire par la suite. Lorsque retentit le Black Metal dès le second morceau, l’atmosphère devient brutalement hostile. La guitare et la batterie s’associent pour provoquer une certaine asphyxie avec cette sonorité plutôt sale et crue, pas loin de la saturation. La reverb est largement utilisée dans le mixage, pour donner un caractère profond à la production ; les larsens sont présents au début de chaque morceau pour renforcer le caractère old-school et dépouillé de l’art développé par Sortilegia. D’ailleurs, l’enchainement des riffs ne suit pas toujours une rigueur millimétrée, c’est parfois bancal, pourtant cet effet contribue à renforcer l’aspect spontané, franc et direct de la musique des nord-américains. Les riffs sont constamment assassins, les notes sont ciselées, tranchantes, de même que la voix, déshumanisée, davantage apparentée à des crises de démence et autres incantations lycanthropiques. L’objectif recherché est atteint, les compositions sont déstabilisantes, mettent mal à l’aise, ont une saveur funèbre et présentent même un côté épileptique. En ce sens, cet opus me rappelle le « Satanic Reich » de leurs compatriotes de Supremacy, on y retrouve plus ou moins les mêmes sensations. Après, il est de mon devoir de dire que la demi-heure passée, l’auditeur risque d’avoir l’impression de tourner en rond ; d’une part parce qu’il faut avoir l’oreille habituée au son « raw » (amateurs de prod’ impeccables, fuyez) et d’autre part car les morceaux ont tendance à être similaires entre eux. En ce qui me concerne, n’étant pas particulièrement rebuté par ces deux points, je bois les sept titres comme du petit lait. Enfin, pour l’anecdote, sur l’interlude ambiant « Verbum Potentis », on retrouve en guest le norvégien HBM Azazil (vocaliste chez Mare, Vemod, Dark Sonority…cette fine fleur de la scène Nidrosienne) ce qui donne une idée dans laquelle des écoles joue nos deux canadiens…
Sans sortir l’album de la décennie, Sortilegia défend de façon honorable sa place acquise chez Ván Records, en proposant une œuvre malsaine, noire, cérémonielle et profondément abyssale.
Tracklist :
1. Ad Fulgens Portam
2. Per Atrum Ignem
3. Ingrediemur Nocte Noctis
4. Lux Frigoris
5. Mors Atra Lunae
6. Verbum Potentis
7. Limen Tenebrae Lucis