Du Black Metal occulte…on pourrait penser à un pléonasme, et pourtant il s’agit bien d’un style à part, représenté par cette poignée de groupes poussant le vice à son paroxysme, basé sur des atmosphères baignant dans l’obscur, l’ésotérisme et le mystère, le tout de façon exacerbée. Hetroertzen et Dødsengel en sont de dignes représentants ; la réalisation du présent split apparaît alors comme une évidence même. Pour les fins amateurs de cette scène se révélant encore underground, ces deux formations sont considérées comme des monuments en la matière, chacune ayant sorti des pièces maîtresses dans leur genre : « Exaltation of Wisdom » pour Hetroertzen, complètement occulte ; « Mirium Occultum » pour Dødsengel, démentiel au possible.
Sur le papier, on ne peut cacher que cette association a de la gueule. La galette a d’ailleurs été produite par Lamech Records, bon pourvoyeur de groupes de cette école-là (moins que Terratur Possessions et World Terror Committee cela dit). L’objet se présente sous la forme d’un digipack bien classe, au pourtour dans les tons du marron-ocre, avec des gravures mystiques, renfermant en son sein les paroles présentées de façon assez cérémonielle, presque religieuse.
Après l’entrée en matière visuelle, passons au cœur du sujet, la musique. L’œuvre s’articule autour de quatre titres, partagés équitablement entre les deux entités. C’est à Hetroertzen que revient le privilège de lancer les hostilités. Les chiliens d’origine introduisent « Ardetha » par une plage ambiante plongeant l’auditeur dans les tréfonds de l’univers tourmenté du quatuor, c’est menaçant et l’odeur de mort se fait de plus en plus sentir ; après quelques poisseuses secondes où le Black Metal fait timidement son apparition, sur un tempo assez lent et hostile, c’est sur la quatrième minute que la griffe d’Hetroertzen vient vous serrer pour ne plus vous lâcher, empêtrés que vous êtes dans ce labyrinthe d’où ne jaillit aucune lumière. Tout est oppressant, le rythme suffoquant, les guitares acérées et cette voix de Frater D à mi-chemin entre les incantations messianiques et les cris écorchés. Sur l’offrande suivante « Blood For The Egregore », rebelote, les suédois d’adoption nous servent leurs compositions abyssales, appuyées par une production permettant de bien distinguer chacun des instruments, avec ce brin de reverb pour souligner cet aspect « gouffre sans fond » d’où semblent émaner les mélodies du combo. Deux titres d’excellente facture proposés par les quatre individus, fidèles à eux-mêmes, un rituel malsain.
Au tour des norvégiens de Dødsengel de prendre le relai. Auteurs de productions régulières depuis 2009, le duo avait sorti un split avec Nightbringer en 2013, consécutif à leur dernier album en date, « Imperator », assez audacieux avec ses deux heures trente de musique ! C’est donc sur « By The Hands Of Nihil » que les scandinaves abordent leur partie. Un morceau plutôt mid-tempo assez torturé et étouffant, une sorte d’épopée sinueuse dont la quête n’aboutit finalement pas. Sans doute son principal défaut, un titre qui a du mal à décoller, trop écrasant et finalement quelque peu différent de ce propose le groupe d’habitude. Pourtant, le morceau suivant « The Consecration of Man » sort encore davantage des sentiers battus par les deux âmes nordiques, encore plus lent que son prédécesseur mais cette fois-ci les mélodies nous enferment dans des catacombes où se déroule une cérémonie clandestine…les premières minutes contribuant à cette lente descente souterraine, tandis que sur la seconde partie du titre, la cadence devient pachydermique tout en développant une atmosphère des plus occultes avec ces soli désespérants et claustrophobiques. L’ambiance se veut intimiste, le maître de célébration tient la lame de couteau, s’apprête à exécuter son rite dont l’épilogue ne pourra être que tragique…telles sont les images qui me hantent à chaque écoute de ce titre. D’ailleurs, la voix de Kark m’impressionne toujours autant, avec son timbre empli de démence, maladif, schizophrénique, bien qu’inférieur à ce qu’on pouvait entendre sur Mirium Occultum. C’est sur ces notes que Dødsengel nous laisse là, gisant sur le sol et notre propre sang…
Pour ce split, Hetroertzen et Dødsengel ont fait honneur à leur réputation en proposant des compositions plutôt convaincantes, mettant mal à l’aise l’auditoire du début à la fin, preuve d’une certaine réussite dans ce projet.
Tracklist :
Hetroertzen - Ardetha
Hetroertzen - Blood for the Egregore
Dødsengel - By the Hands of Nihil
Dødsengel - The Consecration of Man