Cramé de musique depuis 15 ans / cinéphile / retrogamer / vieux con / hater notoire. Ah, et je bosse chez les fous. Je le deviens peut être, à force.
Chroniquer une œuvre musicale n’est jamais facile. Les formations, collaborations, artistes et sorties en tous genres ont beau être légion, rien ne nous certifie que les mots que nous utilisons sont justes, suffisants, s’ils rendent ne serait-ce qu’à moitié hommage aux sentiments que nous éprouvons lors de l’écoute, et si au final, une fois le travail terminé, nous pouvons juger que nous avons été honnêtes avec nous-mêmes.
La tâche se corse davantage quand une seule œuvre est l’unique représentante de la discographie d’un groupe. Comme une étoile solitaire dans un ciel noirissime ou une bouteille jetée à la mer, cette offrande saura-t-elle bénéficier d’une visibilité suffisante ? Saura-t-elle être un témoin « honnête » d’un travail passionné entre plusieurs âmes créatrices ?
Grey Waters est un duo Australien composé de D. aux guitares et à la basse (que les amateurs de Black Metal connaissent peut-être déjà pour son travail dans Woods Of Desolation) et de l'infatigable Tim Yatras à la batterie, au chant et aux claviers (officiant également dans les excellents Autumn’s Dawn, Germ et ayant œuvré pour une bonne quinzaine d’autres groupes, dont le planant Austere). Formé courant 2006, les deux hommes mettent quatre années à accoucher de ce « Below The Ever Setting Sun », sorti donc en 2010.
Posons nos yeux sur l’artwork… Une photographie représentant un double contraste intéressant : l’urbanisme en arrière-plan, flouté, presque vaporeux entouré par la mer au premier ainsi qu’un soleil couchant encadré de nuages noirs menaçants. Comme si le décor était planté, comme si nous allions osciller entre la clarté et la nuit, entre douceur et colère.
Cet EP commence par un « Prélude » aux claviers qui, malgré ses notes « simplistes », remplit son travail d’introduction à merveille pour enchaîner sur « Say Goodbye », première véritable chanson proposée. L’influence Katatonia époque « Discouraged Ones » semble évidente : hybride rock/metal dépressif aux relents doomy, riffs lancinants, quasi hypnotiques, basse discrète (peut-être trop en retrait ?), batterie riche en charley et en rides, là pour accompagner le mouvement et non pour blaster. Les claviers, feutrés mais judicieux, viennent souligner le travail en apportant une touche constante d’onirisme. Les vocaux de Tim, en chant clair, bien plus hauts perchés que ceux d’un Jonas Renkse, manqueront quelquefois de justesse (opinion personnelle) mais donnent justement ce petit côté chaleureux, voire « vulnérable » qui illustre parfaitement la tourmente que cherche à dépeindre l’album. Le groupe garde un (petit) pied dans le Black Metal (comme l’atteste le CV des musiciens) via quelques chants qui seront là carrément hurlés (le passage à 3’05). On est définitivement pas là pour rigoler.
Le reste de la galette s’occupera de bien consolider les ambiances déjà installées. « Below The Ever Setting Sun », chanson éponyme et pour moi le meilleur morceau, regorge d’atouts : à 1’17, des chœurs (masculins) cristallins s’associent à un lead magnifique alternant aigus et graves, pour ensuite enchaîner sur un break planant aux riffs éthérés (un petit côté Shoegaze à la Alcest/Amesoeurs/Les Discrets) qui accentue davantage cette impression de fragilité, de malaise constant. La rage à laissé place à quelque chose qui s’apparente à de la candeur.
Le spectre de Katatonia (et de leur album sus-cité) revient nous tutoyer sur « The Truth In Your Eyes » (on croirait entendre la chanson « Deadhouse » !). Etant fanatique de ce groupe, et particulièrement de cet album, je ne masque pas mon plaisir. Les lignes de guitare sont une fois encore particulièrement pernicieuses, hypnotiques : à l’antithèse même de la technique, simples, efficaces. Le break à 2’41 est à se damner, ni plus ni moins.
L'EP se termine avec le morceau « Broken », cultivant toujours cette dualité entre quiétude et colère. Les vociférations typiquement Black viennent répondre aux plans plus typés Rock dans un jeu de « questions réponses » particulièrement jouissif, jusqu'à cette « explosion » à 3’43 où l’harmonie semble atteindre son paroxysme, transportée par des chœurs toujours plus chaleureux.
Cinq morceaux (dont une intro) pour un peu plus de vingt minutes de musique : voila tout ce qu’il restera, hélas, de Grey Waters (le groupe ayant splitté en 2012). Ultime témoignage de leur discographie, ce « Below The Ever Setting Sun » n’en est pas moins une petite pépite. Alliant la rage d’un Black Metal (dépressif ou pas), le monolithisme des riffs typés Doom et un feeling aux frontières du Rock, le duo Australien saura sans peine vous transporter dans son univers fait de contrastes. A vous de vous laisser emporter et de vous laisser noyer dans ces « eaux grises »…
Tracklist :
1. Prelude
2. Say Goodbye
3. Below The Ever Setting Sun
4. The Truth In Your Eyes
5. Broken