Drogué alcoolique aimant les amplis qui vomissent des basses bien grasses.
On ne présente plus Sleep, groupe américain à la renommée internationale, figure emblématique de la scène stoner rock. C'est en 1998 après quatre ans de composition et sept années après la sortie du culte Holy Mountain que le trio californien présente à son nouveau label London Records l'une des différentes versions de leur morceau d’une heure : Dopesmoker. La maison de disques, mécontente du résultat, refuse de sortir l'album. Le disque à l'unique piste est alors diffusé par différents labels, dans différentes versions, parfois sous le nom de Jerusalem. Nous nous intéresserons ici à la réédition de Southern Lord Records de mars 2012. Alors allongez-vous, relaxez-vous, préparez-vous à plus d'une heure de stoner/doom assourdissant.
Dès les premières secondes, la couleur de l’album est clairement annoncée par la guitare de Matt Pike surchargée en fuzz et en basses. Le son est plus doom que jamais, plus sombre et oppressant. Le stoner n’est pas renié, on en retrouve plusieurs des principales caractéristiques, à commencer par le thème de l’album.
Pendant une heure donc, on vit au rythme de ce qui pourrait être considéré comme un gros trip transposé musicalement. Al Cisneros, bassiste et chanteur, le dit lui-même, la consommation de cannabis a eu une place importante dans la conception de l’album. Et cela se ressent, rien qu’avec le titre. Autant musicalement que dans les paroles, on vit une sorte de voyage cosmique vers des lieux éloignés. Les paroles sont à ce sujet assez explicites dès le début (« Drop out of life with bong in hand » / « Laisse-toi mourir le bang à la main »). Le chant est alors lent, rauque, grave et sombre. Le tout est planant à souhait. Rien de ce qui est joué n’est bien compliqué, mais chaque instrument est à sa place et exécute habilement ce qui lui est demandé. A plusieurs reprises, le tout sonne comme une grosse jam sous stupéfiants. Tout se déroule de manière calculée mais spontanée. Les riffs s’enchaînent, tous aussi lourds les uns que les autres. Tous sont caractérisés par la même lenteur, simplicité, et répétitivité abrutissante.
C’est d’ailleurs ce qu’on pourrait reprocher à cet album : à moins d’être passionné par le stoner ou le doom, ou bien de fumer de l’herbe (ou consommer autre chose, ça ne me regarde pas), l’album est assez peu accessible. A la première écoute, on ne peut qu’avoir l’impression d’un unique riff de moins d’une minute mis en boucle pendant une heure orné de quelques variations légères. Et même pour un public averti, le potentiel de l’album ne se cerne pas dès la première écoute. Pour cela il faut tenir jusqu’à la fin du morceau, car bien que la structure ne varie que très peu, l’album possède une progression bien existante, une lente montée en puissance. On a tout de même droit à un peu de répit de temps en temps, notamment durant quelques minutes pendant une envolée psychédélique loin de la distorsion, faisant penser à OM (projet d’Al Cisneros et du batteur Chris Hakius). Malgré la longueur et la monotonie, on ne se lasse pas de l’album et on profite de chaque note.
Le morceau reste fidèle à lui-même jusqu’à la fin. Après un morceau de cette durée, on aurait presque préféré un outro plus en douceur.
Je ne m’attarderai pas sur la version live du morceau Holy Mountain présente sur cette édition du disque, tant la qualité de l’enregistrement est médiocre. En parlant de réédition, on ne peut qu’apprécier le magnifique artwork d’Arik Roper refait intégralement spécialement pour cette version de l’album.
Dopesmoker est une référence incontestée du stoner et du doom. Le principal reproche pouvant lui être adressé est sa constance. Ce choix artistique ne sera pas apprécié de tous. Mais une fois rentré dans la musique, on ne veut plus qu’une chose : que jamais cela ne s’arrête.
Tracklist :
1. Dopesmoker
2. Holy Mountain Live @ The I-Beam SF, CA, 1994