Ulver + Zweizz
Le Trabendo - Paris
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Pour ce 26 mars 2011, le simple fait d’avoir raté, faute de disponibilité, le concert d’Ulver à la Cigale en février 2010 me dégoûtait déjà à l’avance. Un choix plus ou moins discutable en juin dernier m’ayant conduit à opter pour Fear Factory plutôt que pour le trio Norvégien au Hellfest a confirmé mes craintes et mon erreur du moi de juin : Ulver ne jouera plus le set si intense qui caractérisait ses apparitions, traversant la discographie électronique du combo. Car à l’approche de cette toute première fois, la nouvelle selon laquelle le groupe ne jouerait que les morceaux de l’album à paraître, The war of the Roses, me laissait fort dubitatif, ayant entretenu l’espoir d’entendre les morceaux qui m’ont tant parlé depuis près de 10 ans.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, et fermement décidé à ne pas laisser passer l’occasion de voir l’un de mes groupes fétiches en live, c’est avec joie –quoique teintée d’appréhension- que Madame et moi nous sommes dirigés vers le Trabendo. Étant arrivés en avance, et pour l’anecdote, Garm a multiplié les allers-retours, traversant le maigre public présent à l’extérieur de la salle à cette heure sans sourciller, la mine patibulaire, qui a dissuadé les quelques âmes faisant le poireau devant la salle de quémander une photo ou une dédicace de billet.
Une longue attente s’instaure, rencontre avec les ouvriers d’U-Zine dont la palme du plus prolifique reviendra à John qui fly en moins de temps qu’il n’en faut à un métalleux pour siffler une bière et voilà que l’anonyme première partie, Zweizz investi les lieux.
Serait-ce une cuvette à chiotte que l’on aperçoit sur le devant de la scène ? Ah mais tout à fait ma bonne dame, et même qu’une caméra est placée à l’intérieur. Un mec fagoté en tenue de sport so-kitsch, parfaite représentation d’un Carlos exhumé affublé d’un cycliste rose fluo et d’un haut blanc en résille, le tout sous acides, l’espèce de bouillie sonore délivrée en l’espèce m’aura autant fait sourire que chier (sans allusion aucune à la fameuse cuvette), ce qui m’a conduit à fumer quelques clopes à l’extérieur, à l’instar de 90% du public. On me souffle à l’oreille que la caméra dans les chiottes aura permis d’admirer l’anus et le scrotum du bonhomme, le bougre d’allumé s’étant posé dessus tout cycliste baissé, simulant défécation et vomissements, ce qui a du fédérer énormément de monde à n’en pas douter. Peut-être intéressant, le noise peut avoir ses charmes, mais clairement pas dans ce contexte et encore moins avec cette mise en scène qu’un Freud aurait pris grand plaisir à analyser. Terriblement dispensable, tout juste bon à raconter l’anecdote un soir de neige à vos petits-enfants.
Puis, Ulver.
Nombreux furent ceux pour qui l’interprétation complète du prochain album, assez court (50 minutes et des poussières) supposait une seconde partie de set orientée vers les morceaux de leur discographie passée, un rapide coup d’œil à une affiche posée en régie indique que les loups norvégiens joueraient près d’une heure et demie en a d’ailleurs rassuré plus d’un. Les enfoirés veinards ayant assisté au live donné à la cigale quant à eux, estimaient à juste titre que des places assises auraient été plus à propos pour pénétrer dans l’univers d’Ulver, et pour ma part, sans croire vraiment que le Trabendo puisse adopter cette configuration, j’entretenais cet espoir, vainement, la salle et son agencement un peu obtus n’ayant ce soir pas bougé d’un iota. Logique.
En ce qui me concerne, connaissant bien le rapport que j’entretiens avec Ulver, je n’étais pas convaincu d’être envoûté par l’écoute live de War of the Roses. Ulver étant de ces groupes qui ne s’assimilent pas en une ou deux écoutes, période Black Metal incluse soit dit en passant, et étais presque certain de m’emmerder un poil au court du set, nonobstant le fait que j’attendais de les voir en live depuis des piges, et leur nouvelle venue en contrées gauloise comme l’arrivée du messie. On est fan ou on ne l’est pas merde.
Timidement, un chiotte évacué plus tard, les lumières se tamisent, et Ulver investi la scène étroite du Trabendo, sous les applaudissement timides de la horde pourtant conséquente de chevelus amassées ce samedi soir. Difficile, eu égard à l’attitude terriblement distante d’Ulver, de savoir comment accueillir un groupe qui redouble d’attitude mystérieuse et d’une musique qui ne l’est pas moins. Garm, et sa fidèle bouteille de pinard se dirige tranquillement vers ses machines, et annonce l’orientation de la set list de ce soir, celle à laquelle tout le monde s’attendait, tentant vaguement de donner un sens d’exclusivité et de privilège au fait d’entendre pour la première fois le galette à paraître.
February MMX prend place, et les balances également. Des basses un poil trop présentes sans être assourdissantes ne terniront pas pour autant l’audibilité des morceaux, condition sine qua none à l’appréciation juste de la musique d’Ulver. Assez efficace, et laissant supposer une orientation plus 'pop', le morceau, jeté sur internet en pâture aux fans désireux d’entendre du nouveau matériel du groupe quelques temps plus tôt, trouve une plus grande légitimité en live, la douceur intrinsèque de cette compo s’intensifiant par son exécution en direct, secondée dans cette optique par les fameux visuels projetés en fond de scène, d’une grande qualité, et imageant toujours avec pertinence le message parfois obscur d’Ulver.
Puis la découverte s’installe et l’écoute se veut plus attentive, bien qu’inconfortable. D’une attitude très distante, Ulver semble évoluer dans son propre univers, et semble laisser le choix au public. Soit les vibrations des intenses Providence ou autre September IV (cette montée à la basse nom de dieu) invitent à l’immersion, soit elles décrochent très vite l’attention. Et c’est en cela que ce concert fût si particulier. Une moitié du public n’aura pas accroché à la découverte abrupte des nouveaux morceaux, d’autres, dont je fais partie, se seront laissés hypnotisés par le son, la mélancolie pudique qui se dégage de War of the Roses. Certains hurleront au scandale par rapport à l’apparente distanciation du groupe vis-à-vis de leur musique (pinard, clope etc…), d’autres percevront la démarche, et à chacun sur un tel concert, appartient son ressenti.
Et c’est ainsi que nous arrivons au terme du set War of the Roses, avec Stone Angels. Un quart d’heure de musique atmosphérique, où Garm tapote ses machines, un peu ailleurs, pendant que Daniel O'Sullivan (qui prend définitivement une place prépondérante dans le groupe) récite un texte dont il me tarde déjà de connaître l’intégralité des paroles. Le morceau divisera la foule, certains seront achevés par sa langueur, d’autres seront conquis par sa beauté et son atmosphère pessimiste, et par ailleurs, ce morceau finira par m’arracher une larme.
Le très attendu Hallways of Allways suscite la première véritable réaction du public, tout enchanté qu’il est d’entendre enfin des sons de cloches connus et le titre prend une dimension encore plus poignante que sur album, plus rythmé et hypnotique, puis s’achève. Trop vite.
A peine une heure de concert, un album que personne ne connaissait ou vraiment très peu, qui augure un mix assez savant de Blood Inside et de Shadows of the Sun un titre extrait de l’extraordinaire Perdition City. Aucune communication. Un retour farouche sur scène, un salut. Rideau.
Voilà pourquoi le concert n’a pas pu faire l’unanimité. Ulver n’a pas donné le live que tout le monde attendait. Ils ont joué peu, ils ont joué nouveau, ils ont joué bien.
Mais ils n’ont pas donné satisfaction à quiconque attendait autre chose d’Ulver. Un bis de la Cigale.
Faisant néanmoins partie de cette catégorie qui exigeait une traversée intense d’anciens morceaux, je n’ai pas pour autant été déçu, ni même désappointé. Certes, un concert d’une heure à peine reste totalement touche-couille. OK, l’attitude est prétentieuse et un peu élitiste, mais m’est avis, comme le dirait un ami que Garm doit se dire que les gens présents ce soir là sont les mêmes qui considèreront toujours Ulver comme un groupe de vendus sur youtube. Et quand bien même ce ne serait pas le cas, beaucoup auraient été déçus de voir Ulver haranguer la foule ou même opter pour un rappel, trop communément effectué pour qu’un groupe qui semble vouloir nager à contre-courant s’y plie. La démarche sied à la musique.
Je souscris à cette vision et ai vécu l’un des concerts les plus bouleversants de ma vie. Une sorte de cocon s’est créé pendant une heure autour de moi, j’étais seul avec ces mecs. Et d’ailleurs, je peine encore à m’en remettre. Pour moi extraordinaire, sentiment conditionné sans doute par le fait que c’était la première fois que j’assistais à leur live. Mais qu’importe et en dépit des critiques, j’ai vécu une expérience inoubliable.
Setlist :
February MMX
England
September IV
Norwegian Gothic
Island
Providence
Stone Angels
Rappel :
Hallways of Always