Stolen Babies + Poison The Well + The Dillinger Escape Plan
L'Elysée Montmartre - Paris
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Agités du bulbe et esprit lunatique (dont je fais joyeusement parti) s’étaient donnés rendez-vous ce soir-là à l’Élysée Montmartre, très vite transformée en antre de la démesure et du vice expérimental. Sorte de colloque fou fou fou, réuni autour d’une déraison peu commune, et prêt à s’adonner à toutes les coquetteries sonores, aussi empirique soient-elles.
Des politesses bien débutées par les Américains de Stolen Babies, dignes rejetons de Sleepytime Gorilla Museum, tant leurs postures et leurs mimiques rappellent l’esprit de ces agités, chef de file d’un mouvement peu ordinaire. Aguicheurs et peu raisonnables, les bambins d’un autre âge nous ont livré une prestation honnête et régulière, marquée par les excellentes interprétations de leur premier album There Be Squabble Ahead. Une patte théâtrale, savante et autant d’orchestrations intelligentes orchestré par un duo basse-batterie, tapageur à souhait sur le single « Push Button ». Don Gilmore se chauffant les paumes avant de passer sous la tornade Dillinger et un bassiste volontairement trop fort, comme pour supporter une guitare bien effacée.
Quelques tirlipinpons et effets de jupons plus tard, nous voilà déjà à la fin d’un set bien animé, malgré un son parfois confus (« Spill ») et un manque certain d’expérience scénique exprimé par les titres de fins de set « Filistata » et le doucereux «Lifeless » pourtant bien amené par la pétillante Dominique.
Des étincelles, il y en aura eu durant ce concert. Et les premiers à avoir réellement allumer la mèche furent le quintette Poison The Well, américains saillants que l’on a plaisir à retrouver sur leur fracassant Versions, album relativement bien représenté ce soir. (le single Letter Thing accueilli à bras-ouverts).
Rugueuse et modeste, appliquée et foutraque, la musique de ce poison livré en intraveineuse fait mouche, tout en assurant un fidèle passage de relais aux allumés de la bande à Greg Puciato. La symbiose des compositions est sans équivoque et le coté progressif arrive même à émouvoir. Reste que l’étape du live demeure délicate à certains passages hurlés, l’originalité et la diversité commençant notamment à manquer après trente minutes de rébellion sonore. On en vient même à quémander des extraits d’Opposite To December, grand absent de cette mutinerie, pourtant bien façonnée.
Il faudra s’en remettre alors aux saints-esprits de The Dillinger Escape Plan, auréolé de la tête d’affiche d’un soir pas comme les autres. Chaque représentation de Dillinger étant en effet un véritable marasme de furie sonore, gonflé aux amphétamines, saupoudré d’une bonne dose d’adrénaline. On se souviendra notamment du DVD de Miss Machine et de ses accrocs jubilatoires.
Ici et sans grandes surprises, le groupe enfourche la scène avec un Panasonic Youth fort démonstratif, en guise de cérémonie d’ouverture. Une entrée en matière sombre et clinique, démente et enrôlé, dans une furie schizophrène aussi admirable soit-elle.
Ajoutée à cela un son dantesque et la nouvelle patte d’un batteur décomplexé, on obtient allègrement un cocktail explosif enchaînant une grosse partie de son dernier album – « Milk Lizard » ; « Fix Your Face » ; « Black Bubblegum » - et des morceaux poussiéreux encore bels et biens dans le coup. On pensera notamment à "Baby's First Coffin" ou à l’enchevêtré « I Love Secrets Agents ». Un tableau peint, entre mirage de couleurs et guitares assourdissantes. Un chef d’œuvre insaisissable et géré par cinq musiciens de talents n’hésitant pas à enchaîner les cabrioles et à venir se percher sur les hauteurs des plafonds de l’Élysée Montmartre. Des sauteries organisées que l’on suivra bien excités durant près d’une heure dix de déflagration sonore minutieusement agencés, sauteries d’un soir en faveur d’un des groupes les plus inspirés de sa génération.