Pop Redemption
Martin Le Gall (réalisateur) et Steve Petit (Zuul FX)
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Alors que Pop Redemption est sorti en salle il y a une semaine jour pour jour, nous avons eu l'occasion de discuter avec Martin Le Gall, le réalisateur du film, qui signe là son premier long métrage ainsi qu'avec Steve Petit, leader de Zuul FX et également conseiller technique du film en ce qui concerne le métal. Résumé de l'entretien ...
Bonjour Martin Le Gall & Steve Petit, merci de nous accorder une interview. Martin, tout d’abord, j’aimerai savoir quelle est ta relation avec la musique metal, et notamment la frange black metal ? Est-ce que c’est quelque chose que tu écoutes régulièrement ?
Martin : Alors pas du tout (rires). Pas du tout mais de plus en plus !
Martin, comment t’es venue l’idée de faire une comédie qui parle de black métal ?
Martin : L’idée de base du film, en fait, ça m’est venu d’une affiche sur l’Eurostar qui était une parodie de pochette d’album des rockstars anglaises. Dedans, il y avait une pochette d’album des Beatles faite avec des sosies complétement ratés. Ça m’avait fait super marrer et j’avais imaginé que c’était un groupe de metal en cavale qui avait dû se couper les cheveux pour échapper aux flics. Du coup, comme il y a eu dès le départ ce grand écart entre la pop et le metal et qu’on avait vraiment envie de faire un film de copains, plein d'empathie, qui nous touche par ce qui leur arrive, on s’est dit qu’il ne fallait absolument pas que l’on soit dans la caricature et qu’il fallait que l’on soit le plus précis et le plus documenté possible sur l’univers métal. Après, en creusant un peu l’histoire, parce que moi je ne m’y connaissais pas beaucoup, j’ai découvert qu’il y avait une multitude de genres de metal différents et on a opté pour le black parce qu’on trouvait que le style de musique et la scénographie qu’il y a autour pouvait être le plus fort et générer plus de comédie, en décalage avec la pop. C’est à la fois pour le coté visuel, et aussi musicalement parce que dans le black il y a cette volonté de créer le climat le plus noir, le plus malsain possible. Il y a plus cette recherche de climat musical, au détriment de la mélodie, à mon sens à l’inverse de la pop où on recherche la mélodie la plus pure, que l’on peut retenir immédiatement.
Pourquoi avoir choisi Julien Doré en rôle principal, lui qui navigue habituellement dans un registre musical très différent du black metal ?
Martin : Je trouvais justement que c’était savoureux comme proposition d’affiche, même si je ne me suis pas dit « ça va faire un coup marketing de ouf, on va prendre un chanteur à minette qu’on va mettre en black metalleux ». On cherchait avant tout le comédien le mieux placé pour incarner le personnage et ce qui me plaisait chez Julien, c’est qu’il y avait un lien avec la musique. Pas dans le métal certes, mais Julien dans ses interviews, il parle constamment du fait que le film lui ai rappelé les débuts avec son groupe de garage où ils tournaient dans les bars pourris. Je pense que Pop Redemption n’est pas un film sur le metal à proprement parler, mais sur la musique en général. Je pense que l’histoire fonctionnerait aussi avec un groupe de samba ou de reggae.
Justement, le fait d’utiliser le black metal et le folklore qui lui est associé, y avait-il un message en trame de fond, comme une incitation à découvrir cette musique, à outrepasser les préjugés, ou le choix de cette musique n’est qu’un moyen d’amener certains gags ?
Martin : Non non, de toute façon le film n’a pas vocation à être une comédie à vannes. C’est plus une comédie de situation à l’anglo-saxonne. On est dans un truc à la Blues Brothers ou à la Full Monty. Ce n’est pas un Very Bad TripRadio Star. Après, effectivement, la thématique, de manière très modeste, que l’on essaye de proposer dans le film, c’est une invitation à l’ouverture musicale. C’est véhiculer le message comme quoi on a beaucoup à apprendre de la musique des autres et à ne pas rester enfermé dans des clichés.
Steve, tu étais conseiller technique sur le film. Concrètement, quelles ont été tes missions ?
Steve : En ce qui me concerne, j’étais là pour coacher le groupe des Dead MaKabé. Comme tu ne le sais peut-être pas, je suis multi-instrumentiste à la base, dans le métal. J’ai aussi veillé à ce que tout l’univers métal soit respecté, dans une mission de consultant. C’est un travail qui a été de longue haleine puisque avec Martin, on s’est rencontré il y a déjà 4 ans, en 2009 et c’est à cette période que l’on a commencé à bosser ensemble. Il y a eu beaucoup de débats d’idées autour de cette thématique, jusqu’au moment du tournage. Ensuite, j’ai contribué à la musique du film avec Franck Lebon, l’autre compositeur qui était en charge du coté pop. Personnellement, j’ai travaillé sur le côté métal tout en veillant d’avoir quelque chose qui se rapproche le plus de l’aspect black metal de l’histoire.
On sent d’ailleurs clairement que la plupart des acteurs ne sont pas musicien. Combien de temps ils se sont entraînés ?
Steve : Pour tout dire, ça a été assez difficile, parce que chaque comédien avait beaucoup de travail au moment où on travaillait sur Pop Redemption. Ils ont eu entre un mois et demi et deux mois pour pouvoir travailler sur la préparation du film, tout en sachant que pendant cette période, ils n’ont pas été là tout le temps parce que certains travaillaient aussi sur d’autres films. Ceci dit, je suis assez fier de ce qu’ils ont fait, notamment sur le finish du film. J’avais filmé les premiers travaux de tout le monde et c’est vrai que quand on compare les débuts avec ce que ça a donné à la fin, et notamment au Hellfest, il y a quand même une grande différence et je suis assez fier d’avoir pu les coacher vu ce que ça a donné à l’arrivée.
Vous avez tourné la scène finale au Hellfest 2012, comment ça s’est passé, aussi bien en amont, avec la logistique que le moment où les acteurs sont sur scène ? N’y avait-il pas une certaine appréhension de la réaction du public ?
Martin : Pour moi, c’était assez drole parce que toute l’équipe de Avalon, qui a produit le film était un peu flippé au départ parce que pour eux, venir au Hellfest, ce n’était pas le genre de lieu où ils avaient l’habitude d’aller. Du coup, je leur ai fait croire des conneries, comme quoi les mecs mangeaient des chauves-souris, qu’ils mangeaient des enfants, et tout … (rires) Bon, c’était clairement des private-jokes, mais on sentait que certains ne savaient pas si c’était du lard ou du cochon. C’était assez fun. Après, au niveau de l’organisation du Hellfest, ça s’est super bien passé. On a eu quelques différents avec un régisseur sur place mais bon, rien de bien méchant. Il faut savoir que le tournage ne coïncidait pas forcément avec le Hellfest, qui lui est un événement relativement bien huilé. Mais ça s’est quand même bien goupillé, et toute l’équipe du film ainsi que les comédiens étaient assez flippé d’arriver là-bas, mais quand tout le monde est rentré dans le moule, ça a été l’extase pour pas mal puisque ils ne s’attendaient pas à avoir ce genre de retour. Même scéniquement, quand le groupe est arrivé sur scène, le public l’a très bien accueilli. On avait presque 17.000 personnes devant nous, donc c’était vraiment super.
Pour les besoins du film, vous avez recruté des figurants à Toulouse en recrutant directement à la sortie d’un concert de Municipal Waste. C’est original, comme manière de faire !
Steve : (rires) Ah, beh ça, je ne savais pas !!
Martin : On a bossé avec une directrice de casting qui est de Toulouse, et qui est une amie du coup puisque je vis à Toulouse aussi. Le film a été soutenu également par la région Midi Pyrénées, et il fallait embaucher des techniciens et des figurants de la région, c’est pourquoi on a bossé avec cette directrice de casting à Toulouse qui s’appelle Valérie Pangrazzi qui s’est vraiment défoncé sur le film et qui pratique pas mal le casting sauvage. Donc effectivement, elle m’avait dit « j’vais faire les sorties de concert, et tout !! ».
Steve, tu me parlais de ton travail de composition avec Franck Lebon, mais qui a interprété les titres des Dead MaKabés ?
Steve : Alors, au niveau du chant, il y a un jeu entre Julien Doré et moi. Pour la partie métal, j’ai pas mal appuyé sur les voix et Julien à fait toutes les parties pop et les voix claires notamment sur le morceau final du film. Les parties métal par contre, c’est moi qui les chante. J’ai fait aussi les voix de Grégory Gadebois puisque à la base, il n’est pas vraiment chanteur. J’ai donc imité son timbre de voix pour pouvoir en quelque sorte le doubler sur le chant.
Ca n’a pas été difficile pour toi de te projeter dans le black metal, alors que ton groupe, Zuul FX n’y est pas du tout affilié ?
Steve : Comme je te disais, à la base, je suis multi-instrumentiste et j’aime la musique dans son ensemble. Je fais du metal parce que c’est ce que j’adore, jouer sur scène c’est quelque chose que j’ai aussi dans le sang. Je pense que quand tu es metalleux, et que tu as taquiné la scène un peu c’est quelque chose qui rend vite accro. J’aimerais pouvoir faire ça toute ma vie ! A coté de ça, je suis aussi musicien en studio, pour des gens qui n’ont rien à voir avec le metal, j’ai même travaillé sur de la comédie musicale.
Martin : C’est toi qui avais bossé avec Christophe Willem ?
Steve : (rires) Non non, par contre j’ai travaillé sur la comédie musicale Le Roi Lion pendant 3 ans à Paris. Comme tu le vois, c’est des univers totalement différents, mais j’aime la musique dans toute sa splendeur. Le fait de travailler avec Franck Lebon, c’était une super opportunité et c’est comme ça que l’on a pu concrétiser la musique du film.
Comment avez-vous créé ce personnage si charismatique de Dozzy Cooper ?
Martin : Pour ne rien te cacher, au départ on avait écrit le script en pensant à Ozzy Osbourne. Il se trouve qu’il était programmé la même année que celle où l’on tournait au Hellfest. On s’est dit qu’on allait essayer de l’avoir dans le film. Il s’est avéré que nous avons reçu un refus catégorique. On a essayé d’avoir King Diamond, mais ça n’était pas possible non plus. Du coup on s’est dit « bon, on ne va pas courir après toutes les rockstars, on va l’inventer, ça sera encore plus drôle ». On a donc créé ce personnage qui est un mix entre Ozzy, Alice Cooper et King Diamond. C’est que du faux. Je sais par contre que Steve s’est éclaté à composer et interpréter le morceau de Dozzy Cooper.
Steve : Effectivement, à la fin du film, après l’échange avec la croix, il monte sur scène et il y a la musique de Dozzy Cooper qui arrive derrière, un vieux heavy des années 80, à la limite du hard FM, avec des claviers. C’était génial dans le sens où j’ai commencé avec le heavy metal et c’est assez fun de revenir aux fondamentaux. A l’époque, j’ai même chanté du Skid Row quand j’étais jeune, donc ça m’a fait marrer, ça fait du bien !
Martin : Pour terminer sur ça, Dozzy Cooper, c’est un comédien anglais qui habite du côté d’Agen … Non … En fait, il n’est même pas comédien, à la base c’est un batteur d’un groupe de country (rires) !
Martin, avant Pop Rédemption, t’es-tu penché sur des films traitant du métal et notamment des déboires d’un groupe, qu’il s’agisse de fictions comme Spinal Tap ou de documentaire avec The Story Of Anvil ?
Martin : Oui, bien sûr, pour moi Story Of Anvil, c’est un chef d’œuvre. Je trouve qu’il se consomme même comme une fiction. Quand j’ai vu le film, il y a 2/3 moments où tu as la larme à l’œil. Vraiment un film magnifique. On avait évidemment dévoré ça, on a aussi visionné Some Kind Of Monster de Metallica, plus pour le coté show-biz. Après niveau métal, Wayne’s World, je l’ai découvert sur le tard. J’ai trouvé ça un peu cheap, mais ça m’a fait marrer quand même. Spinal Tap bien sûr, qui est culte. Un film qui est génial, c’est The Pick Of Destiny avec Jack Black.
Le film est sorti il y a maintenant une semaine, quels retour en avez-vous eu, aussi bien du grand public que de la frange métal ?
Martin : Pour le grand public, globalement les gens sont assez surpris entre la bande annonce et le film en salle. Il y a quelques grincheux, mais il y a une belle adhésion, les gens sont assez surpris, la plupart ne s’attendait pas à ça.
Steve : Coté metal, j’ai des gros retours, surtout sur mon facebook perso ou les gens ont vraiment adoré. Parfois les gens qui n’adhèrent pas, c’est souvent ceux qui n’ont jamais eu l’expérience de groupe, qui ne comprennent pas les bases des choses qui arrivent à un groupe. La plupart des gens qui l’ont vu sont en général agréablement surpris. Donc de bons retours oui !
Par pur curiosité, connaissez-vous le groupe Beatallica, qui mêle les univers très différents de Metallica et des Beatles ?
Steve : Oui, mais je crois qu’il y avait des gros problèmes de droits vis-à-vis des reprises et des réadaptations. J’ai découvert, dans un autre style un groupe qui s’appelle Delpech Mode, qui est du Depech Mode avec des textes de Michel Delpech.
Martin : Pour ma part, je connais de nom mais je n’ai jamais vraiment écouté.
Quels sont vos projets d’avenir l’un comme l’autre ?
Steve : Je retourne sur mon album, et les tournées avec Zuul FX. J’essaye aussi de monter un festival dans le nord de la France. Ça me fait rigoler parce que les potes avec qui je l’organise veulent appeler ça le Zuul Fest tout comme le Ozzfest, alors ça fait un peu mégalo ! L’idée du fest est assez fun puisque ça sera dans une vieille église désacralisée. Après pour Zuul FX, on repart bientôt en tournée et le nouvel album qui sort prochainement.
Martin : J’ai un autre projet de film qui va se passer au fin fond de la Bretagne. Ça sera un film de costume qui se passe en 1904. Voilà !
Merci à Steve et Martin pour leur disponibilité et leur sympathie. Merci à Sabrina et Olivier de Verycords pour la logistique et à Madisson pour la relecture.