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« En ce jour glorieux
Je me déclare Empereur de Rome
Je suis
Caligula »
Ce sont les premiers mots ouvrant le second disque de ce groupe-concept répondant au nom d’Ex Deo, formé en grande partie autour du line-up du groupe de death canadien Kataklysm.
Utilisant comme thématique conceptuelle, visuelle et musicale la Rome antique, l’univers épique et guerrier de cette époque ancienne, le groupe évoque inévitablement les grandes batailles sanglantes ainsi que les combats de gladiateurs. C’est au cœur d’un conflit, d’une lutte armée et féroce que nous plonge les canadiens, mariant la martialité du death metal à la grandeur éloquente et imposante de la musique symphonique.
Sous le visuel une nouvelle fois magnifique de Seth Siro Anton (qui, après une petite baisse de rythme, livre des perles avec notamment cet artwork et celui du prochain Sybreed), "Caligula" (avec un « v » à la place du « u » pour la simple raison que cette lettre n’existait pas dans l’alphabet latin) pousse le concept de "Romulus" plus loin, délaissant aujourd’hui complètement l’influence death metal liée à ses racines.
Effectivement, ni les riffs, ni le chant reconnaissable mais absolument pas death de Maurizio Iacono, ni les atmosphères ne se rapprocheront du death metal, à (presque) aucun moment.
"I, Caligula" ouvre le disque et pose les bases de ce que sera l’album. Des riffs très simples, massifs mais structurellement peu complexes (pour ne pas dire bateaux), un chant scandé et hurlé outrepassant les étiquettes traditionnelles et surtout des orchestrations très imposantes et grandioses qui ne manqueront pas d’évoquer "The Great Mass" et "Agony" de l’an passé (de respectivement, Septic Flesh et Fleshgod Apocalypse). On pourrait presque penser aux ambiances du premier avec l’approche du second, hormis le fait que l’ambiance ésotérique et mystique des grecs est ici complètement romaine et digne d’un peplum (inutile de dire que les images d’un film comme Gladiator, ainsi que les orchestrations de Hans Zimmer, ne sont jamais loin dans notre esprit à l’écoute de l’album). "The Tiberius Cliff (Exile To Capri)" continu d’imposer ses arrangements impressionnants d’un point de vue sonore, tant la production et le mixage sont parfaits pour ce genre de musique. L’ensemble sonne énormément gros, tel un mur de son qui pourtant ne masque jamais les détails parfois très fins des orchestrations. Maurizio est parfaitement à l’aise dans son chant et se permet même des incartades qui manquent cruellement dans les derniers Kataklysm. Ses hurlements sont plus proches de chants scandés face à un peuple, de discours de propagande déclamés avec virulence et haine, mais paradoxalement sans l’agressivité que l’on connait du metal extrême. On peut même objectivement réellement se demander s’il s’agit bien de metal extrême ici, bien que ces problèmes d’étiquettes soient au final bien peu important face au résultat musical final.
Malheureusement, il est impossible de dire qu’il soit complètement concluant, notamment lorsque l’on écoute les albums immenses, novateurs et dantesques sortis récemment dans ce metal plus ou moins extrême mâtiné de symphonies épiques et cinématographiques. Car ce qui pêche vraiment dans ce Caligula, c’est la faiblesse et la linéarité des riffs, de ces structures creuses et impersonnelles qui ne servent que de supports à des orchestrations certes sublimes et parfaites, mais qui auraient peut-être mieux leur place dans une bande originale que sur un album comme celui-ci. "Per Oculus Aquila" continu de livrer un riff d’une pauvreté un peu affligeante, un couple basse/batterie complètement à l’arrêt et se paie même le luxe de complètement rater le solo placé au centre de la composition, mièvre et sans intérêt. Néanmoins, impossible de renier la qualité des chœurs, beaux et tragiques ainsi que du vocaliste livrant une immense performance, vivant son texte, interprétant viscéralement son personnage en utilisant de multiples intonations et faisant ressentir les émotions de ce tyran adulé puis détesté par ses congénères.
"Divide et Impera" est probablement la composition la plus forte et cohérente de l’album, déjà car son riff principal est le premier vraiment marquant et qu’il sert de support sur l’ensemble du morceau. Rageur et brutal, Maurizio est en pleine bataille, accompagné de chants féminins étranges et fantomatiques mais parfaitement adaptés à l’ambiance, avant que le canadien n’alourdisse encore un peu plus l’atmosphère, ne la noircisse…bien aidé par des cuivres très présents et surtout par ce putain de riff servant de transition pour revenir au thème principal basé sur les instruments à cordes. Si le solo n’est toujours pas une grande réussite (incroyable tout de même, à ce niveau, de ne pas être capable de livrer un bon solo qui ne semble pas être un empilement incohérent de notes et de sonorités), il n’entache en rien la qualité d'un titre qui devrait disposer d’un impact sans commune mesure sur scène. "Pollice Verso (Damnatio Ad Bestia)" laisse ressurgir des vocaux plus typiquement death metal sur des instants éparses, permettant de rendre le chant plus profond et sombre, tandis que la mélodie de guitare centrale, dans son thème, rappellera le travail mélodique de Christos et Sotiris dans Septic Flesh pour ce côté ethnique si particulier.
Ex Deo semble avoir voulu tellement mettre en avant la puissance de son concept et de ses arrangements symphoniques qu’ils en ont oublié les fondamentaux ; à savoir des riffs solides et une base rythmique intéressante et non pas incroyablement passéiste comme c’est le cas ici. Évidemment, à l’écoute d’"Along The Appian Way", on comprend qu’ils en sont capables puisque les plans de batterie se veulent plus recherchés et évocateurs, ne se cantonnant pas à un rôle aussi réducteur que celui de métronome rythmique. Cependant, ce n’est pas pour autant que l’on aura l’impression de toucher au génie, que l’on sera subjugué et pensera qu’Ex Deo est lui aussi sur le point de sortir un disque qui se révèlera marquant pour le futur. Non, les canadiens se sont clairement perdus en chemin, ont oublié quelque chose. Car, lorsque la musique se fait plus agressive et technique, avec des accélérations bien senties et variés comme sur "Teutoburg (Ambush Of Varus)", ce sont les symphonies qui deviennent banales et simplistes (quoiqu’il ne faudra pas oublier ce break tout de même jouissif scandé par Maurizio, apparaissant comme un appel à la guerre et qui risque de faire des ravages en live).
Difficile de comprendre pourquoi les canadiens se sont plantés alors que tous les éléments étaient de leurs côtés. L’attente d’un premier disque surprenant, une production pharaonique, le support d’un grand label, la popularité de quelques concerts très réussis…qu’ont-ils donc fait pour en arriver finalement là ? A un album certes honnête mais en deça de ce à quoi tout le monde s’attendait et surtout finalement affligeant de banalité de fond, sans véritable envergure ni profondeur d’écoute qui permettrait à l’album d’être réécouter des dizaines de fois en découvrant toujours de nouveaux détails. "Caligula" souffre du symptôme moderne de la simplicité à outrance, utilisant des éléments mais ne formant pas l’alchimie correspondante tout en étant convaincu que le produit passera tout de même auprès des « consommateurs ». Mais il n’en est rien car nous ne sommes pas dupes…sans être fondamentalement raté, "Caligula" reste une profonde déception, lisse et finalement très linéaire, impressionnant au départ mais rapidement lassant et finalement creux. Il va de soi que ceux qui penser trouver le successeur à un monstre comme "The Great Mass" avec "Caligula" seront cruellement déçu…
1. I, Caligvla
2. The Tiberius Cliff (Exile to Capri)
3. Per Oculos Aquila
4. Pollice Verso (Damnatio ad Bestia)
5. Divide et Impera
6. Burned to serve as Nocturnal light
7. Teutuborg (Ambush of Varus)
8. Along the appian way
9. Once were Romans
10. Evocatio : The Temple of Castor & Pollux