Chronique Retour

Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Moonspell

Alpha Noir

LabelNapalm Records
styleDark Metal
formatAlbum
paysPortugal
sortiemai 2012
La note de
U-Zine
6/10


U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

Vingt années au service des ténèbres, de la noirceur et de l’esthétisme gothique…
Vingt années de constante remise en question, de renouvellement musical et d’avant-gardisme musical…
Vingt années pour devenir une institution…

Clairement, Moonspell est devenu, avec le temps, la figure de proue du metal portugais mais également d’un mouvement gothique refusant l’immobilisme et la facilité qu’on lui connait aujourd’hui, notamment quand il est affilié au chant féminin. Novateur à son époque, Moonspell est aujourd’hui l’un des cadres majeurs d’un style dédié à la noirceur, au romantisme sombre et à la beauté empoisonnée, toujours magnifiquement contée par Fernando Ribeiro.
Faisant suite à son énorme retour en force avec un "Memorial" renouant avec les racines black metal du groupe, "Night Eternal" avait été la consécration d’un groupe qui accédait enfin au statut d’artisan principal de notre scène actuelle ; la reconnaissance et le respect du plus grand nombre allant avec. Dans ce cadre, il est évident que la double sortie d’"Alpha Noir" et "Omega White" sont fortement attendus par les fans comme par les autres.
Si le second disque de ce diptyque n’aura pas été présenté à la presse, c’est donc simplement "Alpha Noir" qui sera évoqué dans ces lignes, sans jugement de valeur sur son homologue annoncé comme rock progressif, à l’instar de ce que fit Opeth avec "Deliverance" et "Damnation".

Mis en image par l’inévitable Seth Siro Anton, semblant laisser poindre ses limites créatives du moment, et en studio une nouvelle fois par Tue Madsen, "Alpha Noir" est une très grosse production, ne jouant plus du tout la carte de l’underground.
Sans que cela soit préjudiciable, la seule poussière dans le tableau idyllique de "Night Eternal" prend ici la place d’une gêne bien plus persistante et déstabilisante : le son du Antfarm Studio ne correspond pas à la musique de Moonspell !
Certes, certain vont me crier au scandale mais oui, la production aseptisée, surcompressée aux intonations neo-metal n’est pas du tout en correspondance avec la musique riche, subtile, romantique et fine des portugais, qui perdent malheureusement une partie de leur essence et de leur âme dans ce son gâchant une bonne partie du plaisir, tout en étant (un comble) de plus moins (sur)puissante et monumentale que sur son prédécesseur. L’exemple de "Versus" est surement le plus choquant à la première écoute, tant la ligne vocale, les guitares et les arrangements apparaissent comme pauvres et faciles. Le chant de Fernando perd en profondeur et en expressivité ce qu’il gagne en accessibilité, sans la rage primaire d’un "Memento Mori" ou la beauté pure d’un "Dreamless (Lucifer & Lilith)".

Le riff introducteur de "Alpha Noir", s’il est intrinsèquement excellent, choque tout autant tant son aspect moderne et syncopé ne ressemble pas à ce que l’on connait ou attend des portugais. Pourtant très riche, le spectre sonore permet de retrouver tous les détails, les mélodies envoutantes et les arrangements distillant l’ambiance sonore et sombre de Moonspell, même s’il semble manquer quelque chose. Le refrain et son prologue sont néanmoins géniaux et taillés pour le live, tant ils se retiennent simplement et sont marqués de l’empreinte du groupe. Plus agressif, le break se fait délectable et le solo permet de retrouver la mélodie si caractéristique du groupe, très fluide avec toujours cette petite touche Maidenienne dans le rendu.
Mais que dire d’"Opera Carne", qui répète exactement les mêmes riffs que le morceau éponyme ? Cela devient proprement hallucinant lorsque l’on se retrouve face à des parties identiques, qui nous font nous demander si les portugais ne se sont pas complètement moqués de nous ? Hormis le refrain cette fois-ci mélodique et chanté en clair, le riff global souffre d’un mimétisme confondant.

Heureusement, une perle comme "Axis Mundi" serait presque capable de faire l’impasse sur le reste (comme par hasard en première position de l’album). Très sombre, martelé par des chœurs litaniques à la noirceur abyssale et surmonté d’un riff monstrueux de puissance, "Axis Mundi" est l’exemple du Moonspell que nous rêvions d’entendre sur un album entier. Fernando, tour à tour mélodique et cauchemardesque, marque de son timbre une composition magique et respirant une atmosphère gothique sombre et ambitieuse. Le refrain, basé sur les chœurs initiaux, est un modèle de poésie noire et d’arrangements de voix qui manquent tant à cette production.

Globalement, on pourrait blâmer une direction musicale bien plus crue et directe, sans la richesse et la profondeur de champ qui caractérisaient les opus précédents. La dualité avec "Omega White" est certainement un début de réponse à ce choix mais si ce dernier se dévoile comme un album très éloigné du metal, "Alpha Noir" restera décevant pour son manque d’ambition, de grandeur et de superbe.
Le premier single, "Lickanthrope", est un bon exemple de ce constant puisqu’il développe un riff très simple, un schéma rythmique malheureusement usé jusqu’à la corde et un manque d’émotion manifeste, empêchant de se plonger corps et âme dans les tourments de ces loups-garous.

La déception est, pour ma part, énorme pour ce groupe envers lequel j’attendais tant. Fade et peu inspiré, "Alpha Noir" est comme un aveu de faiblesse de la part de Moonspell. Si son jumeau est une excuse à ce mauvais pas, il est probable que le groupe retira de cette expérience une volonté peut-être trop ambitieuse d’un groupe habitué à travailler à l’extrême ses albums.
Toujours est-il que cette première partie ne tient pas la comparaison avec les œuvres passées du combo et, sans être dénuée d’intérêt, elle reste en deçà de ce que l’on attend d’un groupe de cette stature.

1. Axis Mundi
2. Lickanthrope
3. Versus
4. Alpha Noir
5. Em Nome Do Medo
6. Opera Carne
7. Love Is Blasphemy
8. Grandstand
9. Sine Missione

Les autres chroniques