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Du patronyme au logo, en passant par la musique, il faut bien avouer qu’Hier, groupe français dont nous ignorons beaucoup est plus qu’énigmatique. Et si l’esthétique est familière dans la sphère metal tendance dark, la musique du combo français l’est bien moins.
Hier, dès les premières notes de The Fall, plante le décor. Guitares éthérées, pesanteur, atmosphères et voix plaintives, très plaintives s’étalent sur 5 minutes. Pas de batterie, pas de rythmiques, juste quelques sursauts distordus, quelques grincements plus rock, l’auditeur se retrouve immédiatement plongé dans une sorte de torpeur, bercé dans un wagon en marche, sans savoir d’où il vient, sans avoir où il va. Le mystère s’épaissit, mais l’envoutement peine à faire effet alors que s’introduit Voice, timidement, sur quelques notes de guitares claires, et les doléances de cette voix, cette même voix, quasi-monocorde, à la limite de la justesse, presque incantatoire, sorte de fil conducteur abyssal de ce Rizhomes qui sur ces 9 minutes, montre davantage ses crocs, introduit la rythmique pesante et déconstruite.
Hier varie la cadence, concasse son morceau et ses mélodies, et la séance d’hypnose commence véritablement à mi-chemin, où une batterie et des accents plus Tooliens viennent donner du corps aux ambiances épurées, presque Doom , distillées auparavant. On marche à l’aveugle, la brume est épaisse, les rais de lumières ne filtrent que rarement, mais leurs percées n’en que plus aveuglantes. Tout est composé en contraste. S’ensuit alors la plus jazzy et fumeuse Puzzled qui adoucit la mixture, écrite en tir tendu, proche de l’explosion, qui même au final ne se libérera pas pleinement, toujours conduite par les vocaux clairs qui ne cessent de tenir la note, accompagnant sur un même ton les variations d’harmonies.
L’enivrement fait mouche jusqu’à l’achèvement du meilleur titre de l’album, Sad Stone, qui porte bien son nom, plus ancré dans le metal, qui vient rompre avec force l’abattement des titres précédents. Ici la tristesse retenue explose davantage, sans que la déflagration soit pour autant totale. Et c’est sans doute sur ce dernier point que se constituera le principal reproche que l’on peut invoquer à l’encontre d’Hier.
A à la croisée des chemins du rock ambiant, du post-rock, du doom, du Depressive rock, Hier propose une musique très soignée, qui sait pénétrer l’auditeur de ses vagues d’émotions sincères, douces-amères, mais l’album écrit dans cette retenue permanente fait espérer à celui qui l’écoute une libération salutaire de cette colère/mélancolie contenue qui ne viendra jamais. Il manque la véritable soufflerie dévastatrice que l’on espérait sentir de Sad Stone, et une vraie frustration naît de cet espoir déçu.
L’univers d’Hier est donc déstabilisant, mise sur une certaine déconstruction, ôte les repères habituels de la musique et nous ballade au gré de ses humeurs, souvent noires mais sachant se repaître d’une éclatante – mais furtive – lumière, sans parvenir à nous rassasier pleinement, faute aussi à certaines longueurs (Berserk) et des morceaux plus dispensables (Ayahuasca et sa légère redite des morceaux précédents).
Une sorte de pudeur se dégage d’Hier, comme si son Rizhomes était un témoignage touchant de (bons) musiciens, sincères dans leur démarche, mais qui n’oseraient pas trop en montrer.
En dépit de tout cela, même si Rihzomes n’est pas le genre d’album dont on se cogne un titre comme ça, pour le fun, Hier a proposé un album de bonne qualité, à écouter comme un tout, introspectif et envoûtant, et pour un premier jet, ça a le mérite d’être souligné. Soyez curieux, vous pouvez en profiter gratuitement en plus, et profitez du voyage.
1. The Fall
2. Voice
3. Puzzled
4. Ayahuasca
5. Berserk
6. Sad Stone