U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !
Dans le genre bizarrerie incompréhensible, il faut bien reconnaître que (V.E.G.A.) pour Vacuum Era Gelid Atmosphere, tient le haut du pavé. Fondé en Italie en 1998, le trio n’a sorti son apocalyptique et diablement réussi Cocaïne qu’en 2002. Brutal, monolithique, chaotique, cet album de black metal industriel atypique et déchaîné m’avait largement marqué, et en dépit de son relatif anonymat, avait connu un succès critique largement mérité. 6 ans plus tard, Alienforest – A Sick mind’s hologram enfonçait le clou. Encore plus inspiré que son prédécesseur, son contenu semait tout de même le doute. Effectivement, on retrouvait aux côté des nouvelles compositions certains morceaux de Cocaïne, légèrement réinterprétés. Particulièrement avares en informations, les Italiens n’ont pas à ma connaissance communiqué sur ces relectures, ou sur le comment du pourquoi les ayant conduits à remettre au goût du jour des morceaux vieux de 6 ans.
Bref, à bien des égards, (V.E.G.A.) est enrobé de mystère, qui épaissi son magnétisme, et son talent, sa propension à mettre en musique le plus teigneux et original des Black Metal, et indiscutable, c’est pourquoi Far From You, à la (superbe) pochette énigmatique, était attendu avec la dernière impatience. C’est donc en 2009 que le groupe refait surface, et si nous pensions savoir plus ou moins à quoi nous attendre, autant dire qu’on ne va pas être déçu de la ballade.
Far From You n’a rien ou presque de ce qu’a proposé (V.E.GA.) par le passé. 9 Rooms d’ailleurs le confirme immédiatement : le trio Italien a largement changé de propos, et laisse derrière lui le sillon creusé par son Black Metal virulent pour s’aventurer vers les flots plus calmes de la musique electro-atmosphérique. Quand (V.E.G.A.) s’essaye au Black Metal, il ne le fait pas comme tout le monde, quand il s’attaque à l’ambiant, il en va de même. Exclusivement instrumental, Far From you confirme le statut d’électron libre du groupe, et s’avère, passé l’effet de surprise, très plaisant à l’écoute. Ici, seule la production rappelle que nous avons bien à faire au même groupe. Les sonorités cliniques des guitares sont caractéristiques, mais la rythmique se veut plus organique que par le passé, les claviers et éléments électroniques omniprésents.
A l’image de sa pochette, Far From you est fantomatique, la musique aigre-douce, pétrie de mélancolie autant que de lumière, place l’auditeur hors du temps, brise ses repères spatiaux, le happe dans une brume tour à tour angoissante et rassurante. 9 Rooms entame les choses avec une mélodie efficace, tranchée dans le vif par un interlude plus électro qui rappelle le travail effectué par Clint Mansell sur la BO de Requiem for A dream, pour s’achever sur ce que le groupe a pu proposer d’atmosphérique sur Cocaïne. Le clavier tout droit issu des musiques psyché des années 60 d’Oceania distille des ambiances douceâtres, rythmées par une batterie aux plans jazzy, tout en nuance, qui sait évoluer avec les différentes structures qui jalonnent la construction du titre. Quelques instants plus metal interviennent, mais se font suffisamment discrets pour ne pas rompre l’harmonie lancinante qui se construit au cours des 8 minutes du morceau. Lost Frequencies entre en scène alors, et brise brutalement la langueur créée jusqu’alors, par une introduction plus noise et inquiétante, s’effaçant au profit de claviers se livrant à une relecture de la terriblement belle Ociy Cernye, pour repartir en suite vers des relents plus techno, gavée de beats étouffés. 23 minutes au cours desquelles on ne s’ennuie jamais, qui brisent progressivement la rassurante atmosphère dans laquelle nous croyions être définitivement plongés, comme pour mieux introduire la terrifiante 4AM, qui fait écho aux instants les plus sombres et inquiétants que (V.E.G.A.) sait si bien manier. Un titre qui fait de l'oeil au noise, caverneux, noir comme l’abîme, qui accentue le sentiment d’évolution de l’album, qui renforce par conséquent sa cohésion.
Comme une sorte de fil conducteur de sa discographie, (V.E.G.A.) conclu Far From You par un Alienforest, que l’on a déjà côtoyé en morceau bonus du Sick mind’s hologram, qui achève un album terrifiant et inspiré, atypique et avant-gardiste, qui confirme que (V.E.G.A.) est un groupe au sens artistique fort, qui suit son propre chemin, son propre rythme. Cette livraison entretient l’épais mystère qui entoure (V.E.G.A.), ne peut s’appréhender que dans son ensemble, ne serait-ce que pour comprendre ce vers quoi il tend : l’agencement des titres entre eux et leur construction intrinsèque sont millimétrés, de telle sorte que l’on obtient une pièce unique, qui emmène de force l’auditeur dans une croisière lumineuse qui tournerait au cauchemar.
Si ce déluge d’atmosphères ne saura pas faire mouche chez tout le monde et s'il rallonge parfois un peu artificiellement sa durée, Far From You reste un album d’excellente facture, suffisamment atypique et original pour que vous osiez y mettre le pied, au risque de ne plus en revenir.
1. 9 Rooms
2. Oceanica
3. Lost Frequencies
4. 4 A.M.
5. Alienforest