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De là à dire que cela revient à la mode, il n’y a qu’un pas…
Il est vrai que depuis quelques années, on peut dire que les albums instrumentaux fleurissent, et entre le dernier Stéphan Forté, le nouvel album de Jeff Loomis à venir et les vétérans guitar hero qui sortent constamment des disques, le genre vit une nouvelle jeunesse.
Un peu oublié à sa sortie, c’est-à-dire à la fin de l’été, l’album qui nous intéresse ici et maintenant, "Tribute ta Modern Guitar" (comme un hommage…), est le travail d’un homme de l’ombre, peu médiatique mais reconnu par ses pairs et prof de guitare : j’ai nommé Franck Ribière qui, après un premier opus en 2006 ("Bloody Karma"), est revenu sur le devant de la scène avec un projet un peu fou. Une idée ambitieuse et folle ? Voilà qui nous intéresse grandement…
Pas moins d’une soixantaine de musiciens se taillent la part du lion dans un livret où les noms des plus grands défilent les uns après les autres, à tous les postes, à tel point que l’on en vient à se demander dans un premier temps comment une œuvre aussi colossale sur le papier peu posséder un semblant de cohérence. Effectivement, entre Roland Grapow, Daniele Gothardo, Christophe Godìn, Atma Anur, Michael Angelo (et sa célèbre double guitare inverse) ainsi que des dizaines d’autres moins (re)connus ou d’horizons très différents, on peut dire que Franck Ribière a mis les petits plats dans les grands, en jouant la quasi intégralité des rythmiques, quelques soli et surtout composant un disque dont on ne sait pas quoi attendre avant qu’il débute.
Le premier doute que je lèverais immédiatement porte sur l’accessibilité du disque. L’album n’a rien d’un album intellectuel inaccessible au commun des mortels qui ne comprendrait rien à des compositions alambiquées sans queue ni tête. Les structures sont donc relativement conventionnelles, même s’il faut bien évidemment s’attendre à certains délires musicaux et surtout un niveau technique de très haute voltige. Néanmoins, ce qui apparait merveilleux avec "Tribute of Modern Guitar" est cette espèce de simplicité qui en découle, une fraicheur et une légèreté qui dénote complètement d’un univers souvent très froid, intellectuel et démonstratif. Franck a réussi à composer un album avant tout beau, agréable et qui donne une énorme pêche à l’auditeur, un sourire constant grâce à l'aspect positif qui en émane, voir en déborde.
"Junkie Foot" est probablement le meilleur exemple de ces mots. Un premier riff taillé pour le live qui amène très rapidement sur un magnifique solo langoureux et très mélodique. Puis arrive ces accords de guitare…ces sonorités si belles et lumineuses qui donnent cette impression incroyable que l’instrument rit, sourit et vit avec nous, partage un moment. Impossible de ne pas percevoir la lumière qui se dégage de cette mélodie qui revient chronologiquement dans la composition, à la fois simple, technique et emplie d’un immense feeling et d’une classe à l’état pure. Les guitaristes enchainent leur performance mais jamais une sensation de compétition et de démonstration futile ne s’installe…tous servant parfaitement le morceau qui est à lui seul un soleil en plein hiver.
"Adrenaline Jam", plus fusion, installe une ambiance plus funky et incroyablement technique mais toujours avec une âme rare dans le style (la partie de basse est simplement monstrueuse), malgré le fait que ce morceau-ci envoie définitivement plus la sauce techniquement.
Plus proche d’un Satriani de l’époque, "Minds Labyrinth", lourde à souhait mais une nouvelle fois très mélodique, continu de subjuguer et de nous dire que, manifestement, nous tenons bien un album instrumental, qui plus est basé sur la guitare, véritablement à part et sortant de la masse (le break aérien est d’une beauté rare). Il est difficile de décrire un tel flux d’influence, de note, de musicalité et de versatilité dans un simple article tant il y a à dire. Paradoxalement, l’instrumental ici est tellement propre au voyage et à un certain dépaysement que l’interprétation est complètement subjective et propre à chacun. L’absence de repaire vocal, loin d’être une tare, fait pénétrer la musique au plus profond de nous pour lui donner une signification entièrement personnelle et émotionnelle. "Heavy Funky Party", loin d’être comme son nom peut le laisser envisager, délivre une espèce de rock n’roll déluré, rapide mais toujours très positif, et sonnant ici très 90s. La production, ronde et chaude, accentue littéralement cette impression de chaleur, de confort et de convivialité et en fait une complète réussite.
Ce qu’il faut noter, c’est que chacun à l’intérieur de cet album sera touché différemment par la musique qui nous est proposé. Si mes émotions personnelles vont indéniablement vers "Junkie Foot" et "Minds Labyrinth", il est indéniable que d’autres, selon leur background ou leur émotion du moment, ressentiront la musique d’une façon différente ; et ça, c’est une chose magnifique. Car Franck Ribière a réussi à proposer un album musicalement très ambitieux, proche même de la frénésie (une soixantaine de musiciens tout de même…) mais émotionnellement vivant (un terme trop souvent oublié des guitar hero), vif et réconfortant. Oui, écouter "Tribute to Modern Guitar" est un peu comme un antidépresseur hivernal, un remède à la morosité et une tasse de bonheur en galette miroir. C’est un album pour tous, quels que soit vos horizons, vos envies et vos préférences, il s’adresse à chacun de nous.
Une bien belle réussite, qui ne marquera peut-être pas l’histoire, qui n’a pas vécu de véritable promotion digne de ce nom, mais qui offre à celui qui veut bien l’écouter une jolie cure de jouvence. En cela, je lui dis simplement merci, et le redémarre pour lui dire combien il fut salvateur…
1. Crossroads of Time
2. Junkie Foot
3. Adrenaline Jam
4. The End of the World
5. Mr Groove
6. Mind’s Labyrinth
7. FRP a Tribute to Mark
8. Mandarine
9. Frankly Speaking
10. Cacophusion
11. Heavy Funky Party