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Dans la série ‘Y a pas qu’le métal dans la vie’, je vous propose aujourd’hui une petite escapade vers des contrées plus rock que d’accoutumée, dont les liens avec le sacro-saint mitoool, et oui on ne se refait pas, ne sont pas pour autant si inexistant qu’on pourrait le croire.
Pour l’état civil, et pour évacuer cette formalité de suite, Devianz est un quintet parisien formé en 2004, qui a sorti son premier album en auto-prod dès 2005. Una duna in mezzo all’oceano, voit le jour très rapidement donc, et le groupe s’est octroyé les services de Stéphane Buriez (Leader de Loudblast, vous le savez déjà) à l’enregistrement et au mixage. Pas si éloigné du metal qu’on vous dit.
Devianz, acte premier donc. 12 morceaux pour une heure de musique d’un professionnalisme que l’on n’espère pas nécessairement d’un premier album. Quatre longs matins, un murmure, un larsen, et le groupe s’envole déjà vers les hautes sphères d’un rock gorgé d’émotion, de puissance et de diversité, bien éloigné des clichés du genre, ne cédant pas au rock FM très en vogue et idiotement édulcoré, évitant le carcan trop étroit d’une musique calibrée par et pour la masse.
En effet la musique de Devianz mêle habilement les sonorités amplifiées, jouant majoritairement un rock aérien, caressant souvent les frontières post-rock, abordant des sonorités grunge, gardant toujours un pied discret mais assuré dans la sphère metal.
Il ne faut d’ailleurs pas longtemps à Devianz pour trouver son rythme et son atmosphère. Guyom, chanteur à la voix aigüe, sensible, entre fragilité et puissance, a choisi de s’exprimer dans la langue de Molière pour l’écriture de textes à plusieurs niveaux de lecture (on accrochera ou non à l’hermétisme des paroles), et contribue grandement à l’identité du groupe, plus marquée qu’elle en à l’air en dépit de ce melting-pot d’influences.
La 5 cordes virevolte à son gré (Innocente petite chose, Solstice du premier âge), occupe une place importante dans le développement des mélodies de guitares la plupart du temps mélancoliques mais pas dénuées de lumière, et c’est aussi ce qui constitue la grande force des parisiens. Car le ressenti de la musique de Devianz est à l’image de ses morceaux : diversifié, s’adaptant à l’état d’esprit de celui qui l’écoute. Là où l’enjoué pourrait ressentir des les superbes montées en puissances qui traversent l’album une explosion d’énergie, l’âme nostalgique y verra plus l’expression belliqueuse une triste beauté, poignante et intense.
Relativement courts, quoi qu’encore une fois libérés du format single, les titres surprennent bien souvent. Régulièrement, Devianz nous emmène vers des territoires que nous n’aurions pas espérés arpenter. El silencio es muerto, placé en début de parcours, assène sa première gifle, coupant l’herbe sous le pied de l’auditeur bercé par des guitares grinçantes, quasi-bruitistes, en prenant un tour plus mélodieux, abandonnant jusqu’à son magnifique et rageur éclatement final la distorsion grasse des guitares de Benoît, particulièrement inspiré. Тринадцать, morceau de bravoure de près d’un quart d’heure, judicieusement placé en fin d’album, qui se voudra d’ailleurs encore plus aventureux que sa première moitié, témoigne d’une capacité du groupe à écrire des titres tout en nuance et en atmosphère. Rampant et obscur, тринадцат évolue délicatement au fil des minutes, gagne en intensité à mesure que le temps s’écoule et livre un final libérateur, comme l’explosion salvatrice d’une rage sourde, d’une tristesse qui devient agressive. Pour un peu, ce morceau tutoierais la perfection.
Néanmoins, si l’on peut dire sans trop se planter que la dominante de Una duna in mezzo all’oceano est mélancolique, des titres plus légers aèrent son contenu. Les tubesques Epistophane et Eleganz renouent avec des aspects plus conventionnels, efficaces, martelés par les fûts de Max, qui s’illustrera par sa puissance de frappe tout au long de la rondelle, tandis que des pistes instrumentales (les magnifiques Odalisque pt I et II) servent intelligemment de charnières aux autres morceaux.
En somme Devianz signe un album de haute volée, ce genre de baffe que j’attendais d’un album de rock, qui, je le sais bien, ne plaira pas à tout le monde, question de ressenti. Certains y plongeront avec délectation, d'autres y resteront hermétiques, trouvant peut-être que ça minaude un peu trop.
De Una duna in mezzo all’oceano, je n’attendais rien, et pourtant sa richesse, sa pertinence, sa densité, son intelligence de composition ont su me conquérir. Car quand bien même il ne s’agirait pas d’un album sans fautes, même si l’on aurait peut-être préféré que le groupe ne cède pas parfois à l’évidence (Décembre naïfs), les morceaux faibles sont bien trop rares pour éclipser la majesté et la solidité des titres forts, qui eux, sont légions, et qui font toute la pertinence de cet opus, dont on espère que le successeur, d’ores et déjà sur les rails, saura propulser Devianz sur le devant de la scène sans qu’il ne cède à la concession.
1. quatre longs matins
2. el silencio es muerto
3. innocente petite chose
4. odalisque 1
5. eleganz
6. décembres naïfs
7. des parallèles
8. solstice du premier âge
9. odalisque 2
10. тринадцать
11. épistophane
12. bitter landscape / simple de jade