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Unexpect c'est le royaume de l'inattendu (facile comme introduction, non ?). Les Canadiens ont tellement marqué le monde du métal avec In A flesh Aquarium que Mike Portnoy, ex-batteur de Dream Theater, avait décidé de les mettre sur la scène de la tournée Progressive Nation avec de petits groupes comme Opeth et le groupe cité précédemment, entre autres. Il suffit de lire une chronique ou encore mieux de poser l'oreille sur cet album pour comprendre que ce groupe ne fait pas les choses comme les autres. Entre mélodique et brutal, fou et technique, le concept d'Unexpect a surpris en bien plus d'un métalleux. Alors quand on arrive au troisième album, on prend un énorme risque, celui de ne plus créer la surprise et donc de décevoir car le public a de réelles attentes.
Mais de prime abord, tout se passe bien, une communication soignée et cohérente : les mails sont aussi délirants que la musique du groupe et pour tous les fans qui avaient fait la précommande, le groupe a filé l'album en digital pour les faire patienter en attendant la réception du disque. Le digipack est soigné dans et l'illustration mystérieuse et déjantée. Ici pas de baroque ou de couleurs flashy qui viendraient vous péter les yeux. Les tons sont froids et le dessin minimaliste. On sort cependant du cadre de l'illustration métal classique et on se retrouve plus en face d'une oeuvre abstraite qui nous laisse à penser que la musique sera la bande originale de ce qui s'est passé dans la tête du dessinateur. Elle est d'ailleurs le travail de Mario Sanchez, artiste espagnol.
Les titres des chansons sont délirants et en même temps pas incompréhensibles Unsolved Ideas of a Distorted Guest ou encore Unfed Pendulum n'en sont que deux illustrations. Si l'enchainement de mots peut occasionner une certaine surprise, on ne se dit pas qu'ils en ont oublié le sens pour autant. On pourrait plutôt les prendre comme des titres de films ou de livres un peu trop intello pour le commun des mortels.
Et puis vient le son. Il est bon de rappeler qu'Unexpect est une formation avec plusieurs chanteurs, un violon, un clavier très présent et un bassiste à neuf cordes en plus des membres « classiques ». Certes on a d'autres exemples de groupes avec ces instruments mais la différence tient dans l'utilisation qu'ils en font. Unexpect met chaque membre à contribution sur tous les morceaux et tient à ne pas simplement leur faire faire de la figuration. On sent que l'écriture se base sur un principe d'homogénéité et de partage du front musical. On imagine aisément la variété que cette démarche apporte. Mais aussi le caractère forcé de certaines parties qui nous donne l'impression qu'on rentre un instrument de force afin de ne pas le désavantager par rapport aux autres.
Le résultat d'un tel mélange est bien sûr une musique groovy avec la basse qui claque et qui sait faire entendre la large palette sonore comme sur l'intro de Words ou sur l'ouverture de l'album qui donne tout de suite le ton. Un ton qui suinte le discordant (tant on a souvent l'impression que tout le monde part de son côté pour rajouter au côté barré de la musique comme sur Orange Vigilantes ou Mechanical Phoenix) tout autant que la technique. Parce qu'il faut les suivre les Canadiens. Et il vous faudra un certain nombre d'écoutes au terme desquelles vous vous direz que vous avez perdu le fil ou que vous vous êtes noyés dans les structures alambiquées ou le mille-feuilles des musiciens avant de prendre un plaisir sans limite à écouter ces fables.
Et c'est dans ces moments que tout part en sucette et on se retrouve avec un jazz d'ascenseur sorti de nul part au milieu de When the Joyful Dead are Dancing. Ou encore le métal bien rude d'Orange Vigilantes fracassé par un passage jazzy qui met l'auditeur sur le séant. On a même la sensation d'entendre des réveils sur Unfed Pendulum juste histoire de nous rendre fous ! Je n'ose même pas imaginer les séances de répétition et d'écriture de morceaux. Malgré tout on ne peut s'empêcher de ressentir un certain effet patchwork qui montre deux choses : premièrement qu'Unexpect est conscient de sa personnalité, de celles de ces musiciens et du concept qu'ils ont a défendre et deuxièmement qu'un concept aussi foutrac et personnel peut parfois laisser l'auditeur sur le bas-côté faute de pleinement comprendre les tenants et les aboutissants de la démarche artistique.
Il faut cependant nuancer en rappelant que nous avons à faire à un album de métal, extrême et progressif, avec des blasts (peu mais présents), des riffs puissants comme sur Unfed Pendulum, des démonstrations de technique mais pas trop de shredding, un chant varié avec des choeurs, instrument préféré du progueux pour rendre certains passages encore plus dramatiques. Et pour finir deux morceaux totalement inutiles et tellement loin du reste de l'album : In the Mind of the Last Whale et A Fading Stance, deux instru pauvres en idées et en ambiance qui servent plus d'intro aux chansons suivantes qu'autre chose.
Alors quand on prend du recul par rapport à ce Fables From The Sleepless Empire, on est heureux d'avoir eu un jour l'audace de poser l'oreille sur Unexpect . Et on est aussi heureux que les Canadiens maitrisent parfaitement leur musique et la direction qu'ils veulent lui faire prendre. Par contre, on est toujours aussi désarçonné par la construction même de cette musique qui suit les chemins tortueux des esprits peut-être pas si sains de ses créateurs. Et au final, on a un tout petit peu plus de mal à accrocher entièrement et sans condition à cet album qui reste quand même un des meilleurs moments de l'année si on est bien préparé !
1.Unsolved Ideas of a Distorted Guest
2.Words
3.Orange Vigilantes
4.Mechanical Phoenix
5.The Quantum Symphony
6.Unfed Pendulum
7.In the Mind of the Last Whale
8.Silence this Parasite
9.A Fading Stance
10.When the Joyful Dead are Dancing
11.Until yet a few more Deaths do us part
