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Avoir une légère envie d’agression…
En flirtant depuis des années entre les sphères mélodiques et progressives d’une musique complexe et cosmique, il parait comme une évidence que les hommes aient, un jour ou l’autre, l’irrésistible et insatiable pulsion de brutaliser son art, de prendre un ton plus vindicatif, de trancher dans le vif afin d’arborer les contours plus graveleux d’une expression fatalement plus belliqueuse et sombre.
Marco Pastorino, guitariste architecte de Secret Sphere et Timesword, a donc décidé de mettre sur pied un nouvel hybride répondant au nom toujours ésotérique et mystérieux que The Ritual. En rejoignant deux musiciens qui ne parvenaient pas seuls à donner vie convenablement à cette entité. Entouré du producteur de Sadist ou Secret Sphere (Federico Pennazzato) et du maestro de DGM (Simone Mularoni) au mastering, The Ritual déboule avec un premier disque à l’impact et à la percussion d’une fraicheur fulgurante.
S’inscrivant dans une veine heavy / thrash mélodique (on se refait pas), coincé entre un Nevermore, un Trivium et un Machine Head (voyez le spectre qui se dégage de ces trois combos radicalement différents), "Beyond the Fragile Horizon" dispose en premier lieu d’une production en béton armé, tranchant et cisaillant tous sur son passage prenant la forme d’un mur de son insondable et impitoyable. Néanmoins, à aucun moment la mélodie n’est en retrait ou mise à l’écart, penchant parfois vers l’excès inverse.
Cependant, en terme d’agression, il convient de se manger en pleine face le féroce "Hysteria & Sadness", aux riffs purement thrash et à la batterie typique du style. Marco, l’autre chanteur, n’en finit pas de démontrer son potentiel entre ses différentes alternatives vocales, d’un chant rauque et grave à des envolées bien plus mélodiques et modernes, qui confèrera cette légère ressemblance à Trivium, avec la ressemblance partielle de son timbre avec celui de Matt Heafy. Musicalement, le pont se veut absolument monstrueux, écrasant l’auditeur littéralement et furieusement pour un résultat jouissif et techniquement proche d’un Forbidden (très américain), propre au headbanging intensif qui devrait faire de véritables ravages sur scène. Et voilà que, après cet écrasement complet, la mélodie ressurgit aussi rapidement qu’elle avait disparu, à travers les vocaux mais aussi un lead mélodique aussi simple que beau, très fluide et émotionnelle.
A côté de cela, l’album s’ouvre sur cette superbe introduction éponyme de moins d’une minute, posant déjà un cadre enchanteur et, seulement fredonné au clavier, évoquant la mélodie à venir de l’excellent "Show Me What You Can Do". Très mélodique, le groupe étale sa classe technique en partant d’une première mélodie limpide pour accélérer le tempo et imposer une double pédale saccadée et rageuse en parallèle de vocaux clairs relativement originaux ressemblant parfois à des lignes de chant que Warrel Dane aurait pu composer. Sans complètement subjuguer, The Ritual est un véritable bain d’air frais, une bouffée d’oxygène dans une scène thrash mélodique qui, depuis le split de Nevermore, ne sait plus trop où elle va.
"Shoot Me" continu d’abreuver cette puissance rythmique et mélodique que les italiens maitrisent déjà à la perfection, manifestement loin d’être des amateurs. Les attaques rythmiques à la caisse claire et les riffs incisifs sont autant de miroirs envers des mélodies toujours proéminentes et des lignes vocales souvent doublées, même légèrement, parfois de façon quasi subliminale. Le plus agressif "Together" culmine à plus de sept minutes pour dresser un squelette musical plus élaboré mais pourtant plus mélancolique, et, sans encore parler de désespoir, empreint d’une certaine tristesse, d’une beauté endormie laissant apercevoir une évolution possible pour l’avenir du combo. "Without" n’hésite d’ailleurs pas à s’ouvrir sur une mélodie acoustique et à continuer dans une optique très mélodique, que les plus puristes d’entre vous auront probablement plus de mal à accepter, car se voulant par la même occasion plus actuelle et facilement accessible pour une nouvelle génération n’ayant pas forcément inventé la loi du bon gout.
Jeune groupe encore au stade embryonnaire avant l’arrivée du guitariste de renom, Marco éclabousse de son talent et de sa maitrise un album au niveau technique tout de même très élevé (écoutez le solo de "The Liar", que ce soit en termes de riffs, de structures ou de soli, dont chaque morceau est pourvu à plusieurs reprises. Il serait également injuste de ne pas mettre en lumière Marco Obice, au timbre de voix superbe et faisant varier son vibrato selon ses envies, de façon aussi agressive que mélodique, positive que mélancolique, sombre que lumineuse, à la manière justement des frontman de Nevermore ou Trivium (qui a tout de même réalisé avec "In Waves" une œuvre à part, complète, ambitieuse et techniquement de très haut niveau).
"Beyond the Fragile Horizon" est une de ces jolies surprises que nous n’attendions pas, que nous ne connaissions pas avant d’appuyer sur le bouton « play » et qui illumine par sa fougue et son envie une journée qui s’annonçait bien triste et conventionnelle. La révolution est encore loin mais ce n’est pas le but affiché…les musiciens se font plaisir et nous font plaisir…le pacte est accompli et il convient de les soutenir dès que ces italiens passeront près de chez v(n)ous…histoire de voir de quoi l’avenir sera fait !
1. Beyond the Fragile Horizon
2. Show Me What You Can Do
3. Jason on the River
4. Hysteria & Madness
5. Shoot Me
6. Without
7. Together
8. The Slave
9. The Liar
10. Nothing Is the Same (Sacrifice)