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Il n’y a d’autre richesse que celle de l’âme…
Les civilisations perdues ou en difficulté sont majoritairement celles abritant un passé culturel d’une force que ne peuvent encore imaginer les grandes nations d’aujourd’hui, en voie d’une construction qui, sous des apparences de forteresse, reste encore aux pieds d’argile. Le moyen-Orient en est l’exemple flagrant, souffrant d’une pauvreté excessive et d’une qualité de vie parfois affligeante, très loin derrière les dirigeants actuels de ce monde. Néanmoins, lorsque l’on parle de culture, celle-ci apparait d’une profondeur quasi indéfinie, se perdant dans les vicissitudes de temps perdus.
L’un dans l’autre, l’art contemporain de cette région du globe n’est pas monnaie courante, mais semble pourtant se parer de mille et une merveilles dès qu’elle franchit le saut de la création. Loin du conformisme ambiant d’un Occident se perdant dans sa propre vanité et un narcissisme souvent vain, l’Orient semble vouloir mettre en valeur une culture toujours vivante et florissante, synonyme de dépaysement pour le commun des mortels et contrebalançant avec la misère et le poids de la pauvreté que subissent ces pays. Pour les auditeurs de metal, les noms d’Orphaned Land, Salem ou Disturbed résonnent à leur esprit (tous israéliens…) lorsque l’on évoque ces contrées éloignés, marquant toutes plus ou moins une musicalité metal mais se dégageant avec les éléments traditionnels de leur culture.
Le prix de la musique étant élevé, peu de groupes peuvent passer le pas de la signature d’un label, leur permettant d’enfin s’exporter. C’est le cas aujourd’hui de Red Rose, quintette israéliens (encore) qui se veut en plus être symboliquement le premier groupe signé sur le label Bakerteam Records, antichambre des italiens de Scarlet Records, ayant décidé de créer cette filiale pour l’intérêt qu’ils portent aux productions underground nécessitant un soutien international. Red Rose signe donc avec "Live the Life You’ve Imagine" (ou « bienvenue aux pays des bisounours ») son premier disque, sans démo préalable ni beaucoup de concerts, puisque le groupe a été formé il y a tout juste un an. Lorsque la chance souhaite vous sourire…
Néanmoins, s’il est labellisé « premier album », nous parlerons peut-être d’un ep longue durée puisqu’il ne dépasse pas les trente-cinq minutes, fait relativement rare lorsque nous parlons de power mélodique, atteignant majoritairement l’heure de composition. Autre élément qui peut surprendre, l’absence totale d’éléments ethniques ou quoique ce soit qui puisse affilier le groupe avec son pays natif, comme pour se cacher de ce fait qui pourrait les handicaper et empêcher les individus de prendre le groupe au sérieux. Et pourtant, malgré un artwork une nouvelle fois très kitsch (après le patronyme du groupe et le titre de l’album, nous ne sommes plus à ça prêt), faussement mélancolique et peignant une dualité (sombre et clair, pollué et pur…), le groupe s’avère maitriser pleinement son art musicalement et surprend par la qualité de sa composition, de son interprétation et surtout de la production (made in Tommy Hansen), impeccablement claire et puissante, même si l’on pourra reprocher un surplus de perfection rendant l’ensemble un peu trop froid et lisse.
"Turn Back the Time" ouvre le bal et dès lors, le rapprochement avec Sonata Arctica semble évident. Le vocaliste Leve Laiter propose des similitudes, dans un premier temps, criante avec Tony Kakko, tandis que la mélodie principale jouée au piano évoque la nouvelle direction musicale prise par les finlandais. Le niveau technique est très bon pour le style joué, très demandant dans le genre, et souvent intraitable devant un manque de technique ou de clarté. Le riff, sans être révolutionnaire, soutient parfaitement une mélodie que le clavier supporte entièrement, avant un refrain entêtant et très réussi, puis un solo parfaitement dans l’esprit, varié, beau et mélodieux. On reprochera évidemment un air de déjà vue, et une ressemblance parfois trop frappante avec les finlandais sur ce premier morceau (la reprise au piano), mais aussi des claviers légèrement trop synthétiques qui rendent le titre quelque peu aseptisé, sans que cela gêne pourtant l’écoute. "Name of the Stone" poursuit dans un style plus marqué par les années 80, en marquant un riff plus imposant et lourd, sans pour autant délaisser des claviers omniprésents. Ne s’embarrassant pas de structures complexes ou d’artifices inutiles, Red Rose pose une nouvelle fois un superbe refrain, simple et efficace, simplement beau sans être niais, et loin de ce que l’on aurait pu penser initialement, à savoir un Dragonland ou Power Quest-like, sans velléités de composition et énervant de niaiserie.
Néanmoins, s’il était précisé plus haut qu’il était plus pertinent de parler de ep longue durée vient aussi de la grande hétérogénéité, voir disparité, de styles pratiqués dans ces huit petits morceaux, comme si les compositions ne dataient pas de la même époque, ni d’une même plume. En cela, le disque perd en cohérence, particulièrement sur sa deuxième partie avec un "Tough to Love" très « roots » et retro (l’orgue hammond frisant néanmoins le ridicule), faisant bien plus penser au Scorpions de "Virgin Killer", où Laiter se mut en une copie quasi parfaite de Klaus Meine (peut-être même plus performante que l’actuel modèle). "When the Sun Goes Down", titre acoustique terminant le disque, ne parait également pas terminée, comme tranchée dans le vif et composée rapidement pour ajouter du matériel supplémentaire. Scorpions est une nouvelle fois à l’honneur (Klaus est-ce toi ?) avec des gimmicks très proche des ballades que livrent nos allemands préférés depuis quatre décennies (notamment "Holiday" ici).
Cependant, le constat est loin d’être foncièrement négatif, surtout sur une première partie d’album parfaitement maitrisée. "Gone with the Sunrise" se veut un peu plus sombre (évidemment…un peu…) et le guitariste y montre une certaine finesse dans le placement de ses lignes mélodiques, tout en sortant du cadre tout de même stéréotypé dans lequel pourrait rapidement s’enfermer Red Rose. Le morceau éponyme est également un peu plus appuyé, et devrait se montrer très efficace en live, malgré la présence de claviers pas toujours très cohérent avec la musicalité de l’ensemble, comme si le claviériste Deion Kristen voulait de toute manière en mettre partout sans retenue. On en retiendra un autre refrain très accrocheur que l’on se surprendra à chantonner ou à voir émerger dans notre esprit après plusieurs écoutes, comme un spectre fugace qui aurait déjà réquisitionné une case mémoire de votre cerveau.
Sans rien révolutionner, les isréaliens proposent un premier opus très honnête, manifestement animé d’une passion véritable, puisque les influences ne sont nullement cachées, notamment celle de Sonata et Scorpions, qu’il faudra rapidement gommé si le groupe tient à se forger une véritable personnalité. Mais à la vue du potentiel technique, de l’unique année d’existence du combo et de ces morceaux qui sont probablement les huit premières réelles compositions, on ne peut qu’être très optimiste pour la suite. Red Rose, si son label et les auditeurs leurs en donnent les moyens, pourrait très bien être à surveiller de très près d’ici quelques années…
1. Turn Back the Time
2. Name on the Stone
3. The Last Drop
4. Gone with the Sunrise
5. Live the Life You’ve Imagined
6. Dreamer
7. Tough to Love
8. When the Sun Goes Down