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Chroniquer un split n’est pas forcément un exercice facile. Chroniquer du Barbarossa Umtrunk l’est encore moins. Chroniquer un split dont la première moitié est composée par Barbarossa Umtrunk relève juste du cauchemar.
Distant Shores of Hvetramannaland – A Tribute to Miguel Serrano unit aujourd’hui cet obscur et talentueux projet à Dronerune, side-project de Kazeria, officiant dans la musique martiale/atmosphérique bien austère, dont les premiers travaux en compagnie de Barbarossa Umtrunk remontent à 2009, à l’occasion de la sortie de 72 Candles in Cairo 1904.
A Tribute to Miguel Serrano. Voilà qui risque de heurter la sensibilité de certains d’entre vous. Serrano, diplomate chilien, décédé en février 2009, proche de fortes personnalités telles que celles de Nehru ou du Dalaï-Lama, était aussi connu pour ses positions aryosophiques relativement sulfureuses. Tout cela pourrait aisément être récupéré politiquement et montré d’un doigt inquisiteur, mais lorsque l’on est familiarisé avec Barbarossa Umtrunk et la science de son géniteur, Baron Von S., plus rien n’étonne, et il n’est plus interdit de s’intéresser davantage à la face immergée dudit Serrano, de ses écrits et ses visions caressant les frontières de la cosmogonie et autres préceptes qu’ils vous appartiendra de découvrir si toutefois l’envie vous en prend.
Nous l’évoquions déjà avec la chronique de l’impressionnant Agharti : Barbarossa Umtrunk est atypique, ne ressemble à personne d’autre, dans le propos, toujours précis, détaillé, renseigné et pour nous, pauvres profanes, parfois insaisissable, et dans la musique, riche, dense, variée, étrange.
Barbarossa Umtrunk ouvre le bal de ce Distant Shores of Hvetramannaland par Tierra Interior. L’ambiance est lourde, les voix quasi-incantatoires inquiètent tandis que les subtils claviers rappellent le travail d’un Dahlia’s Tears. Les spoken-words timidement s’introduisent et l’univers Barbarossa Umtrunk s’impose comme une évidence : parfaite continuité de ses prédécesseurs, Distant Shores of Hvetramannaland vous replonge immédiatement dans cette espèce de bizarrerie musicale, ce voyage au delà du temps et de l’espace, qui envoûte.
Les orchestrations militaires, épiques et inquiétantes s’introduisent délicatement jusqu’à l’achèvement du premier titre. Et l’écoute se déroule avec d’autant de facilité que l’auditeur est pénétré par ces atmosphères dépaysantes. Les ambiances se veulent tantôt folk (les guitares et autres mélodies de El Trobador del A-Mor, surprenantes) tantôt martiales (la superbe et ténébreuse Emerald Crown, qui voit –au passage- Marc-Louis Questin poser sa voix sur le titre), et l’ensemble de la section Barbarossa Umtrunk subjugue davantage que par le passé eu égard à la maîtrise de cet art qui ne semble appartenir qu’à lui.
Le relief intrinsèque à la musique de Baron Von S. est largement peaufiné, la tête pensante devenant davantage maîtresse incontestable de son art. La construction et l’atmosphère monte d’un cran, la maîtrise de la nuance et de la structure impressionne et c’est jusqu’aux dernières notes du titre de transition, El Cordon Dorado - A Glimpse of Kali Yuga, que le soufflet retombe.
C’ est en effet après cette décharge émotionnelle, qui transporte ailleurs, qui coupe du monde, qui permet de s’évader pendant un temps dans l’univers sinueux et fascinant de Barbarossa Umtrunk qu’interviennent les morceaux de Dronerune.
El Cordon Dorado - A Glimpse of Kali Yuga, placé intelligemment à mi-parcours, concluant l’escapade Barbarossa Umtrunk pour mieux entamer l’ère Dronerune, plaît par son unité et sa fluidité de transition mais la suite contraste bien trop pour réellement séduire.
Dronerune s’exprime, non sans talent, mais la cohérence que l’on pourrait rechercher s’absente et rend la seconde partie du split un peu fade, quand bien même Dronerune ne manquerait pas de conviction dans son propos. Un peu trop convenu, Dronerune officie dans un registre Drone qui peine à se faire entendre et qui tranche beaucoup trop avec la belle richesse de Barbarossa Umtrunk.
Les morceaux s’étalent en longueur, fait inhérent au genre, mais peinent à rehausser l’intérêt de l’auditeur, encore pantois face à la diversité et l’imagerie forte véhiculée par Barbarossa Umtrunk. Non pas que Dronerune soit mauvais, bien au contraire, nettement plus épais que son compagnon, il est obscur, angoissant et laisse le temps à l’atmosphère de progresser à son rythme, comme toute formation Drone qui se respecte. Pour autant, le palpitant ne se rythme plus aux rythmes lancinants de Dronerune et préfère s’en retourner aux salves sensibles, mais vaillantes de Barbarossa Umtrunk, ce qui réduit considérablement cette notation.
En somme, si vous êtes amateurs de musiques atypiques, de sensations différentes, ruez vous sur ce split, ne serait-ce que pour la partie Barbarossa Umtrunk, qui, je pense, aura grand peine à faire mieux que ce qui est proposé en l’espèce.
Baron Von S. a hissé son univers à un point culminant et c’est bien là ce qu’il faut en retenir.
Et lorsque l'on considère la qualité esthétique de l'objet, franchement superbe et aussi originale que la musique de Barbarossa Umtrunk, vous auriez tort de vous en priver.
Wait & See.
1. Tierra Interior
2. El Trobador del A-Mor
3. Emerald Crown (ft. Marc-Louis Questin)
4. El-Ella
5. El Cordon Dorado / A Glimpse of Kali Yuga
6. Distant Shores of Hvetramannaland
7. The Icy Path to Oiyehue-Lucifer
8. Wanderer of Dawn