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Personnalité
Quelques notes…
Une émotion pure et viscérale…
Une attitude aux antipodes de quelques autres individualités…
Une porte nouvelle vers des horizons expérimentaux…
Des fragments d’âme à feu et à sang, marqués au fer rouge dans la haine et la souffrance d’une humanité parfois affligeante de banalité…
Il en faut parfois peu pour se créer une personnalité dès les prémices de son existence…d’autant plus dans nos périodes reculées de conformité et de fainéantise créatrice et artistique. Ils sont peu…My Own Private Alaska est parvenu à l’impossible en un seul ep…perpétué par un premier album proprement exceptionnel répondant au patronyme symbolique d’"Amen".
A peine un an plus tard, "The Red Sessions" vient apporter sa pierre à un édifice que l’on imagine déjà flamboyant, solide, monstrueusement imposant et intouchable musicalement.
Cependant, certains choix peuvent surprendre…Tristan, pianiste de ce combo étrange refusant l’apposition de guitares ou de basse à sa musique, le dit lui-même « Une même chanson peut recouvrir de multiples visages, de multiples interprétations…le fond restera inchangé mais jamais la forme ne sera identique, pas même d’un jour à l’autre ».
C’est ainsi que certains morceaux prennent ici vie pour la troisième fois sur ce nouvel enregistrement…un constant quelque peu dérangeant, provoquant autant de doutes que de peur sur le futur du groupe (bien que le véritable second album soit bel et bien planifiée)…et surtout son orientation.
Exorcisme
MOPA avait jusque ici été l’investigateur d’une musique viscérale et cruelle, miroir d’une vie emplie de désespoir, de frustration et de haine. Le chant de Milka s’affichait ainsi comme le prisme d’une douleur parfois difficile à supporter, communicative et provoquant un malaise perpétuel, qu’il soir cru et sans fioritures sur le ep que plus travaillé, narratif et maladif sur "Amen".
Mais "The Red Sessions" évoque une autre dimension…celle de l’acoustique, d’un minimalisme encore plus exacerbé, où ce n’est plus le fait du simple piano/batterie, mais surtout d’une interprétation confinée au stricte minimum, d’une batterie sans artifices, d’un piano moins virevoltant et virtuose et surtout de hurlements étouffés pour se faire uniquement clairs, susurrés, parlés…
Le sang de la rédemption
Huit morceaux pour un unique inédit et sept réinterprétations. "Red", composition créée pour l’occasion, ouvre le bal…et bouleverse l’auditeur à la manière de l’opus précédent, tout en radicalement littéralement son minimalisme. Profondément mélancolique, fatiguée, à bout d’énergie plongeant dans une dépression inquiétante, la voix de Mika est une nouvelle fois poignante de sensibilité. Il apparait véritablement comme un homme blessé, à bout de nerfs, proche du point de non-retour…point merveilleusement symbolisé par une mélodie de piano à la pureté sublime et incroyable, pourtant marquée par des gammes très graves, lourdes et pesantes. Sans jamais hurlé, le toulousain parvient à véhiculer une détresse, une âme en peine et en quête d’équilibre, proche de ce gouffre béant qui s’ouvre à lui. Il accentue parfois son propos, se montrant presque vindicatif, perturbé. Yohan, derrière ses futs, travaille plus à la manière d’un percussionniste qu’un batteur, accompagnement la mélodie sans pour autant creuser de réels sillons rythmiques.
Le travail si reconnaissable de Tristan touche l’auditeur en plein cœur, un auditeur perdu dans un océan d’émotions si intenses qu’il en devient difficile d’analyser, décortiquer, évoquer…simplement vivre. Le final est à ce titre ébouriffant de sensations, tant tout s’accélère dans une symphonie glauque à la manière d’une musique de film…avant le couperet, solennel et tranchant.
Nouvelle composition…chef d’œuvre de composition et d’interprétation…MOPA est définitivement un groupe d’exception…mais alors… ? Pourquoi cette réinterprétation inutile des anciens morceaux à la manière de cette nouvelle création ?
Clairement, il est difficile d’apprécier la nouvelle mouture de l’effroyable "Where Did You Sleep Last Night" présent sur Amen, tant la version ici parait fade et apathique. Le chant inexpressif, narratif et unique, sans accompagnement, choque par un minimalisme qui ici dessert le propos du groupe. Si les incursions du piano sont intéressantes, particulièrement pour les sonorités tranchantes et apocalyptiques des gammes graves, on ne parvient que difficilement à ressentir la tourmente du personnage, malgré un final bien plus violent…quelque chose bloque…inéluctablement…
Le constat est encore plus évocateur sur le terrifiant "I Am an Island", symbole de la brutalité extrême de MOPA à travers son art. Mais rien ne décolle ici, restant désespérément d’une platitude navrante, décevante et presque énervante pour un groupe dont on espère et attend tant (trop ?).
Certaines adaptations surprennent néanmoins par leur prise de risque et leurs innovations. "Anchorage" subit ainsi une amputation complète du chant, pour aboutir sur une longue composition intégralement pianistique et troublante, presque abstraite. La mélodie si reconnaissable du morceau s’entrecoupe dans une multitude d’autres plans au piano, dans un ensemble cohérent, beau et planant, tout en respirant les affres du doute et de la dissension. Une aura malsaine plane au dessus de la composition et du jeu de Tristan, dépouillé mais touchant si directement au cœur que le malaise s’installe, s’incruste et demeure longtemps après l’écoute terminée.
On évoquera également un "Just Like You and I" ici long de plus de dix minutes, épopée et paroxysme du style adaptée à l’album, mais ici dans une telle excessivité que la souffrance n’en devient que plus viscérale et difficile à supporter. Le final notamment, répétant inlassablement, à s’arracher les cordes vocales le titre du morceau, est un superbe exemple de la folie qui peut parfois habitée le groupe. Mais "After You" ou l’insipide "Die for Me" (pourtant si impressionnant et emprunt de génie sur "Amen" ou même le ep…) perdent tant en ressenti que l’on en vient à penser que la présence du chant hurlé, scandé et screamo est une part indispensable de la personnalité du groupe, tout au moins de temps à autre ("Red" prouve très bien le contraire). Cependant, l’écart entre la(es) version(s) précédente(s) sont trop grandes pour qu’on parle ici de réussite. Le génie n’est clairement pas présent sur cet enregistrement comme il le fut lors de celui de Ross Robinson.
Un avenir ?
Difficile d’établir un constat face à cet album n’en étant pas vraiment un, si ce n’est qu’un groupe étant capable de composer une merveille comme "Red" ne peut que nous réserver des joyaux à l’avenir. Quand à connaitre la direction artistique que prendra My Own Private Alaska, il s’agit ici d’une interrogation que les membres eux-mêmes n’ont peut-être même pas encore répondu…
1. Red
2. After You
3. Where Did You Sleep Last Night
4. Die for Me
5. Anchorage
6. I Am an Island
7. Amen
8. Just Like You and I