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C’est un tout nouveau split, sorti d’une manière 100% autonome, qui unit les assauts black métalliques d’Atrabilis et d’Echancrure, respectivement espagnol et français qui nous intéresse ici. Une pochette sobre, pas de nom, deux titres pour 19 minutes de musique, que vous pourrez d’ailleurs télécharger librement via le lien que vous trouverez en commentaires, on ne crachera pas dessus, ou que vous pourrez acheter au format physique si l’escapade vous a branchée au terme de son écoute.
Inutile de poser de grands contextes sur un split de deux titres pour deux groupes, et commençons par nous pencher sur le one-man band français d’Echancrure, qui ouvre le cd par L’Irréparable, morceau de bravoure de 9 minutes, entièrement dirigé par le chef d’orchestre répondant au sobre sobriquet de A.. Dès ses premières secondes, L’Irréparable nous positionne face à un traitement sonore d’une excellente facture, esquive l’aspect raw de nombreuses formations émergentes et surprend agréablement par l’équilibre harmonieux qui régit les instruments, qui s’avèreront plus nombreux que l’on aurait pu le croire si l’on s’en tient à son introduction mid-tempo, dissonante et mélancolique. En dépit du qualificatif ‘post-black metal’ apposé par les deux groupes lors de leurs démarches promotionnelles, sachez à l’avance que ce n’est pas le cas du tout ici, pas de post quoi que ce soit, le pompeux libellé ne s’accordant selon moi qu’à quelques créateurs que l’on ne compte que sur les doigts de deux (grosses) mains. Echancrure propose un black metal mid-tempo donc, mélodique, interprété majoritairement en mineur, mélancolique, soutenu par une voix en retrait et bien souvent plaintive. Sans pour autant se vautrer allègrement dans les clichés du black metal dépressif, ou DSBM, Echancrure en épouse largement les formes, et verse dans son acception la plus léchée, comme des Gris, référence du style, ou autres Pensées Nocturnes l’ont fait avant lui.
Non qu’il s’agisse ici d’une vulgaire copie des deux groupes susmentionnés mais Echancrure parvient à peine à dissimuler ses influences. Les vocaux, auxquels il manque un peu de poumons mais dont la sincérité transpire à tout instant, sont calqués sur des rythmiques assez typiques pour que les ténors du genre se rappellent à nous, et la construction deL’Irréparable, aussi intelligente soit-elle, n’invente rien. Effectivement, passée l’introduction distordue, lente et grinçante, une association piano/basse/batterie accompagne un A. qui hurle au loin son texte, avec une conviction qui lui fait honneur avant un nouveau sursaut électrique, quand de temps à autres un violon viendra réciter sa complainte, comme pour mieux appuyer le propos résigné d’Echancrure.
A. , sur ce premier morceau, arrive donc sur la scène avec beaucoup de fougue, du talent à revendre, des idées à la pelle. Néanmoins, un ensemble qui laisse augurer d’un avenir radieux est terni par des orchestrations un peu trop cheap, le synthétisme des violons est terriblement gênant eu égard à la qualité du reste, et des influences trop prononcées empêchent la tête pensante de s’envoler pleinement. Mettons donc cela sur le compte de la jeunesse, et soyons indulgents, car des premières prods comme celles-ci, j’en veux bien tous les jours. Ne reste qu’à Echancrure de se trouver, de mûrir son propos, ce qui ne doit absolument pas vous empêcher de bouder votre plaisir tant la qualité, elle, est bien là.
Sans transition aucune, Atrabilis, one-man band espagnol emmené par D. n’a quant à lui à sont actif qu’un obscur EP éponyme paru en 2010, dont Sexta Parte, vous le comprendrez quand vous saurez que l’EP en question s’achevait par le morceau Quinta Parte, semble s’inscrire dans sa suite logique.
Sexta Parte donc, semble reprendre les choses là où Atrabalis les avait laissées, à savoir dans les miasmes d’une production étouffée et très raw, avec des sonorités industrielles et une résonance bien frappée qui noie le tout sous une masse sonore très peu identifiable pour l’oreille non avertie. Là encore, pas la peine d’accoler du post machin chose au Black Metal d’Atrabilis, mais nous voguons sur des eaux largement plus tumultueuses qu’Echancrure. Très énervé, le black metal d’Atrabilis blast et sème le chaos, D. se fait saigner les cordes vocales sur des accords à la reverb proche des expériences psychotiques d’un Blut Aus Nord dernière période, tandis que les drums explosent leurs éléments, variant les plaisirs sans que la cohérence, de prime abord inexistante ne rattrape tout à fait le coup. En dépit de l’agressivité brute d’Atrabilis, une certaine sensibilité et noirceur étiole la haine qui frappe à la première écoute, et force l’auditeur à être séduit par la longueur du morceau du 10 minutes, qui se trouve happé par cette décharge quasi ininterrompue de magma sonore, contrebalancée par des accalmies du meilleur effet, et un final apocalyptique, qui mise sur des recettes simples mais éprouvée, en est exemple ce riff martelé avec rage, sur les murmures d’un D. possédé par sa musique.
En résumé, le split est intéressant mais laisse dubitatif, pour des raisons qui ne s’annulent pas pour autant. Séduisant parce qu’Echancrure, sans innover, propose un DSBM sincère et bien gaulé, qui témoigne d’un vrai potentiel pour s’imposer dans la scène et qui tout simplement gagne à être entendu, en dépit de ses défauts qui j’espère seront très vite corrigés. Séduisant aussi parce qu’Atrabilis signe là un morceau plus intéressant que son EP, plus fou et immédiat, plus enragé, sans pour autant révolutionner le black metal.
Il subsistera donc le doute de la légitimité du split en lui-même qui, au-delà de sa durée raisonnable pour un split, n’en reste pas moins une démarche qui ne propose qu’un seul morceau des deux formations, trop court pour se faire une idée. Quant à la cohérence qui a amené les Echancrure et Atrabilis à se partager la rondelle, je la définirais comme un gigantesque point d’interrogation.
Une bonne surprise néanmoins.
1. L'Irréparable
2. Sexta Parte