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Il faut bien que je me l’avoue un jour, autant commencer aujourd’hui, je peux être franchement psychorigide sur certains trucs. Tiens, prenons pour exemple Septicflesh, puisque ça s’écrit en un mot depuis leur reformation d’il y a 3 ans.
En grand fan devant l’éternel de Summerian Deamons et insurgé permanent contre le manque de mise en lumière de l’inégalable Ophidian Wheels, je n’avais pas partagé l’engouement ayant accueilli chaudement le retour des Grecs avec Communion. Non pas que je l’avais trouvé mauvais loin de là, mais cet opus m’avait donné le sentiment d’être un peu bancal, ne parvenant pas à faire le lien avec le traitement quasi-cinématographique de la musique de Septicflesh.
Moins travaillé et moins équilibré qu’auparavant, les Hellènes m’avaient déçu par leurs orchestrations un peu abruptes, pas assez nuancées. En somme, Communion avait trop exacerbé le fossé entre parties orchestrales et death metal. C’était soit l’un soit l’autre, ou un peu des deux en même temps, mais jamais la grande harmonie entre les deux éléments, pourtant si caractéristique de Septicflesh. Psychorigide que je vous dis.
Alors que pouvait faire le groupe pour parvenir à satisfaire les vieux fans un peu bougons ? Pondre un bis de Communion, ce qui aurait été indigne du standard de qualité imposé par le groupe depuis plus de 20 ans, ou aller de l’avant et pousser encore plus avant leur vision si particulière de la musique ? La seconde option a été retenue. L’annonce de la collaboration du quatuor avec l’orchestre philharmonique de Prague, composé de 130 musiciens et dont la réputation n’est plus à faire m’avait empreint d’une impatience un peu angoissée. L’intégration d’un orchestre complet dans le metal tend à se démocratiser, et bien souvent le résultat n’est pas à la hauteur du potentiel mis à la disposition du groupe, ne sachant pas s’harmoniser avec l’infini panel de possibilités offertes par cette configuration, chacun ayant tendance à en faire trop ou trop peu.
Alors on insère The Great Mass dans le mange-disque et on laisse les trois-quarts d’heure s’écouler.
Les premières écoutes ne sont pas forcément des plus concluantes, même si l’on se rend compte immédiatement du professionnalisme de Peter Tägtgren (Pain/Hypocrisy) derrière les consoles, qui restitue terriblement bien chaque instrument, la production est chaude et précise, sied parfaitement à la grandiloquence de Septicflesh qui ne saurait être aussi bien secondée que par cet homme.
De cette qualité de production découle logiquement le point phare de The Great Mass, à savoir la présence de ce fameux orchestre philharmonique de Prague. Les orchestrations de Septicflesh n’ont jamais vraiment sonné cheap, mais la présence cordes, de cuivres et de choristes supplémentaires ajoute une amplitude additionnelle à leur propos, les sonorités sont moins cliniques et exacerbent l’intensité des titres. Mais comme évoqué plus haut, la bête est de prime abord difficile à dompter. Si l’on perçoit dès le début la qualité technique de The Great Mass, les compositions elles-mêmes semblent manquer de punch, la rondelle semble peiner à trouver son rythme de croisière. On entrevoit la qualité du produit mais on ne tombe pas au sol d’extase, certains morceaux ne décollent pas assez, ou pas au bon moment. L’écoute est froide, on admire la finition, mais on ne ressent pas de torsion au bide. Mais derrière cette façade, nous avons la prescience de tenir quelque chose de grand.
Et à mesure que se multiplient les écoutes, The Great Mass dévoile toute sa splendeur, tout l’incroyable travail abattu en amont pour aboutir à un résultat que fait figure d’aboutissement dans la carrière de Septicflesh.
On retrouve en fait sur cet opus tout ce qui a fait de Septicflesh cette entité mystérieuse, à la griffe instantanément identifiable, sans pour autant que les Grecs ne tombent dans la facilité de la redite, bien au contraire. La formation méditerranéenne paraît avoir étalé l’ensemble de sa discographie, en avoir remodelé les qualités les plus nobles et gommé les plus insignifiants défauts, pour parvenir à trouver l’équilibre absolu entre écriture classique et vision musicale extrême. Car là où l’on aurait pu reprocher la dichotomie un peu trop prononcée entre les parties orchestrales, ambiances obscures, mélodiques et death metal, The Great Mass se charge de les unifier sans qu’aucune fissure n’apparaisse.
La symbiose entre cordes, guitares et vocaux (clairs/growlés et lyrique pour les discrètes interventions des voix féminines) n’a jamais été aussi forte chez le groupe, Christos Antoniou est issu du conservatoire et le fait sentir, et réalise le tour de force d’intégrer le riffing aux orchestrations nettement plus travaillées qu’auparavant, et non pas l'inverse. Ainsi le travail et la communion des deux entités est différente, le metal de Septicflesh s'est bâti autour des splendides mélopées de cordes, et la cohésion n'en est que plus imparable.
The Great Mass est une soufflerie Death Metal orchestrale de tout instant, les interventions des cordes soulignent tout en sensibilité les accords apocalyptiques de Septicflesh (Five-Pointed Star) ou portent à son sommet la douceur mélancolique de titres splendides à l’instar d’un Ocean of Grey qui ne manquera pas de vous sauter à la jugulaire pour mieux vous couper le souffle.
A cela faut-il encore ajouter que la section death metal n’est pas en reste en termes de qualité. Comme à son habitude, Septicflesh propose sa propre vision de l’agressivité. Elle se manifeste en quasi permanence, parfois en filigrane, parfois lors d’explosions à vous faire vibrer le palpitant. Mad Architects est à ce titre sans doute morceau le plus représentatif de l’album, son introduction d’une noirceur abyssale, ses orchestrations tout en relief, sa construction labyrinthique et sa brutalité tantôt rampante, tantôt explosive, nivelée par le haut par une dimension épique à mille bornes d’être ingénue. Le degré de finition témoigne du travail d’orfèvre réalisé par la formation hellénique, chaque instrumentation, qu’elle soit classique ou électrique est ciselée avec une minutie qui donne ses lettres de noblesse au terme d’Œuvre d’Art.
Je pourrais encore disserter des heures sur la richesse inaltérable que renferme The Great Mass. En dépit des innombrables écoutes que j’ai d’ores et déjà à mon actif, je découvre encore chaque jour un peu plus d’audace chez Septicflesh, plus de nuances, plus d’arrangements pertinents et originaux. Portée par l’osmose occulte qui anime les 11 morceaux de bravoure de The Great Mass, l’écoute vous trainera vers des décharges émotionnelles insondables (Apocalypse). La substantifique moelle de Septicflesh se trouve ici, le groupe s’est clairement hissé au sommet de son art, et, accessoirement, offre à son album l’accès si convoité aux œuvres intouchables du metal extrême. Et ce n’est que parce que l’évolution du groupe est constante qu’il n’écopera pas de la note maximale.
Magistral.
1. The Vampire From Nazareth
2. A Great Mass of Death
3. Pyramid God
4. Five-Pointed Star
5. Oceans of Grey
6. The Undead Keep Dreaming
7. Rising
8. Apocalypse
9. Mad Architect
10. Therianthropy