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Bien souvent, lorsque l’on baguenaude dans le Black Metal underground à la recherche du groupe qui fera jubiler nos tympans, on constate non sans indignation que certaines formations n’existent pour les média que par leur réputation plutôt pour le talent dont elles font preuve.
Certes, il n’existe pas de mauvaise publicité, mais mettre en lumière un groupe pour ses agissements extra-musicaux est bien trop réducteur pour y accorder quelques crédits, les faits-divers occultant bien trop souvent l’excellence du matériel musical proposé. Burzum aurait-il connu sa popularité si cet indécrottable Count Grishnackh n’avait pas incendié des églises et picoté Euronymous avec son couteau suisse, quand bien même l’existence de Burzum n’aurait dû être justifiée que pour sa musique et rien d’autre ? Rien n’est moins sûr, et c’est aussi pour des actes condamnables que Blessed in Sin a vu son nom projeté sur le devant de la scène en 1996. Pourtant le groupe, mené par le tandem Overlord Nasty Metatheos et Black Christ avait déjà fait montre de son talent au travers d’une chiée de démo pondues dès 1994, que seuls quelques acharnés ont pu écouter à cette époque.
Après quelques errances de line-up et le travail de nouvelles compositions, le duo fondateur, secondé par un nouveau guitariste et un nouveau batteur, loin de se laisser abattre par sa réputation, a sorti son premier véritable album, sobrement intitulé Melancholia, en 2000.
Ayant pour référence au passé du groupe seulement la compilation de Blessed in Sin parue en 1998, regroupant deux des sorties des toulonnais, A Tribute to Euronymous et surtout Odes Obscures, deux éléments majeurs sautent aux oreilles.
Tout d’abord, bien entendu, la qualité de l’enregistrement. Le passage au plan plus professionnel se ressent logiquement sur le rendu sonore, nettement plus léché qu’Odes Obscures. Néanmoins, cette précédente démo puisait aussi son essence dans l’étouffement du son, creusant le fossé entre l’auditeur et l’interprète et correspondant parfaitement à la grande noblesse des compositions de Blessed In Sin. Mais, très judicieusement, la formation Toulonnaise a autant changé son approche sonore que celle de composition. Alors que prédominaient les claviers, aux accents parfois néo-classiques, sur Odes Obscures, Melancholia, et c’est là le second élément marquant dans l’évolution du groupe, est largement plus axé sur les guitares. Un traitement sonore plus distant aurait nuit à la juste perception de la richesse révélée par Melancholia, dont le titre, aussi simple soit-il, reflète parfaitement les sentiments qui traversent l’album.
Effectivement, l’album est mélancolique oui. Il se dégage des 7 morceaux une profonde tristesse. Mais non, et bien heureusement, Blessed In Sin l’exprime avec noblesse et retenue, sans avoir à emprunter les standards du DSBM (Depressive and Suicidal Black Metal). Les morceaux s’articulent pour la plupart autour d’un format assez court, et chacun renferme une diversité constante de riffs, très travaillés et mélodiques, qui ne sont pas sans rendre honneur aux racines heavy du groupe.
Les claviers, prépondérants sur Odes Obscures, s’effacent quasi totalement pour mieux laisser l’amplitude aux guitares et à la basse, ce qui fait naître en moi une pointe de regret mais pas de déception. Vous ne trouverez pas ici le tandem piano/voix qui exacerbait le charisme imposant de Blessed in Sin, mais vous parcourrez néanmoins des terrains assez familiers. Les vocaux d’Overlord Nasty Metatheos sont toujours aussi en place, polymorphes et intelligemment posés. Éraillée, murmurée ou abyssale, la voix constitue l’une des forces majeures de Blessed in Sin, et au-delà de son incontestable qualité, le travail textuel est exécuté avec une finesse qui force le respect, dont la poésie macabre trouve toute sa splendeur dès lors qu’elle est édictée dans la langue de Molière.
La section instrumentale quant à elle est, vous l’aurez compris, tout à fait brillante. Black Christ use de tout son savoir faire pour affûter ses riffs, très ancrés dans le black/heavy comme nous l’avons dit précédemment, alterne power-chords et arpèges cristallins, témoignant d’un sens prononcé pour la mélodie, sans pour autant qu’elle soit éloignée du Black Metal. Les transitions entre distorsion épaisse et interludes acoustiques s’imposent sans à-coups, ce qui laisse à penser que Celestia n’a pas dû ignorer Blessed in Sin dans son processus de composition. La basse, que l’on croyait en retrait sur l’ensemble de Melancholia, se dévoile et surprend sur l’outro Wisdom, composition brillante où la 4 cordes se ballade et virevolte au cœur de cette majestueuse conclusion, purement instrumentale.
S’il fallait donc ajouter un bémol à ce joyau d’Art Noir, nous évoquerons avec un pincement au palpitant le jeu de batterie, linéaire, peu inspiré et largement en dessous du niveau global de Blessed in Sin, qui, plutôt que de hisser les compositions vers la perfection, a tendance à les faire stagner voire même, si l’on y prête trop attention, à les niveler par le bas. Cruelle déception que d’entendre des musiciens de cet acabit brimés par un batteur très moyen, qui aurait dû accorder plus de finesse à l’élaboration de ses rythmiques. Accompagnateurs plus que participants, les drums, majoritairement mid-tempo, sont le véritable point faible de Melancholia.
Mais il serait injuste et même absurde de se braquer sur ce point, tant ce premier opus de Blessed in Sin est une grande leçon de Black Metal, qui pourrait même vous réconcilier avec le genre, et un parfait exemple de sa diversité, même si je lui préfère, d’un point de vue strictement personnel et c’est ce qui diminuera sa note (très sensiblement), Odes Obscures, peut-être plus poignant.
1. Under The Veil Of Isis
2. Remembrances
3. Erzebeth
4. De Profundis Tristitia
5. Melancholia
6. Princesse
7. Wisdom