
"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Après trois albums qui avaient allègrement franchi les limites du mauvais goût, The Browning avait fini par se recentrer avec Geist, son quatrième album sorti en 2018 qui avait été une bien bonne surprise. Loin de son deathcore à deux neurones blindé d’électro horripilante, le groupe texan avait trouvé le parfait équilibre entre un metalcore pas finaud mais efficace et de l’électro futuriste plus chiadée et même épique. On attendait qu’il continue sur cette bonne lignée mais des problèmes se sont manifestés ailleurs. Si End of Existence (2021) reprenait les bonnes bases de Geist - avec certes un peu moins d’inspiration et des morceaux moins marquants que n’avaient pu l’être les « Beyond Stone », « Awaken the Omega », « Noctis » ou autre « Skybreaker » - il avait surtout été sabré par une production assez infâme. Encore, encore un groupe qui a régressé sur ce point, alors que la sonorisation blockbuster lui allait bien. Omni, son sixième album sorti en 2024, relevait toutefois le niveau dans le fond comme dans la forme, sans réussir à réégaler Geist mais au moins en se montrant tout à fait satisfaisant. Omni marquait aussi un tournant dans la carrière de The Browning, le groupe quittant Spinefarm Records pour atterrir sur… FiXT Music, un label plus spécialisé dans l’électro, même si du metal indus est tout de même présent dans son catalogue (Celldweller, Void Chapter, The Algorithm…). Signant que The Browning veut plus s’insérer dans le domaine electro/indus que le metal/core ? Peut-être, mais un autre évènement est plus intéressant pour en juger. En marge de la signature de The Browning, FiXT annoncera aussi l’émergence d’un side-project, The Defect, qui regroupe Jonny McBee, chanteur et préposé à l’électro chez The Browning, le batteur Brandon Funera, et la chanteuse Moon qui n’est d’autre que la compagne de Jonny à la ville. Et après quelques singles, et alors que Omni est encore relativement chaud, voilà déjà le premier album de The Defect, Death X Destiny.
Sur Omni, nous avions eu déjà droit à un guest de The Defect sur le morceau-titre, ce qui est une présentation curieuse de la chose vu que The Browning est lui-même constitué du tiers de The Defect mais soit… Cela nous a permis de découvrir la voix de Moon - qui n’est a priori pas la chanteuse présente sur Geist à l’époque - et aussi, quelque part, de savoir à quoi va ressembler l’art de The Defect. Il ne va pas y avoir de grande surprise, The Defect sera logiquement une version plus accentuée sur l’électronique de The Browning, plus cyber/indus metal que metalcore, avec un chant féminin accompagnant les vocaux de Jonny qui ne lâche pas le micro pour autant. Cela ne mange pas de pain et quand certains ont vu l’assez effroyable reprise de « Blue (Da Ba Dee) » de Eiffel 65 par The Browning plus tôt cette année, cet univers aura peut-être du mal à attirer du monde. Mais pour qui aime le micro voire le nanocosme du metal bien futuriste, The Defect sera du pain béni. On se situe ici entre les trois derniers The Browning et du Mechina depuis que la chanteuse Mel Rose est là (à savoir l’album Progenitor (2016)), avec au passage une bonne partie du catalogue de FiXT soit la frange la plus moderne du metal indus américain. Il faut savoir où l’on met les pieds mais pour moi qui suis toujours en recherche de ce metal qui pourrait être interprété dans un obscur club branchouille des bas-fonds de la citadelle de Mass Effect, ce n’est que du bonheur. Un metal toujours pas très finaud est au programme, surplombé par les vocaux constamment robotisés de Moon et bien sûr une atmosphère électro-futuriste omniprésente, avec de bons effets et synthés et bien loin des exagérations des trois premiers The Browning désormais. 33 minutes, c’est un peu court - Omni de The Browning lui n’atteignait pas la demi-heure après tout - mais c’est bien assez pour que ce voyage dans un futur hypothétique très fluorescent ne tourne pas à la déroute.
« Annihilate » ouvre très bien Death X Destiny, avec des riffs simples mais efficaces entourant des couplets très électroniques accompagnés de la voix certes ultra-trafiquée mais très prenante de Moon, tandis que Jonny assure toujours la caution metal derrière. Avec en sus des passages épiques dignes du meilleur de Geist, on se dit que The Defect va très bien réussir son truc. Death X Destiny sera même plutôt varié et loin d’un metalcore sans cervelle, et ce dès le résolument futuriste « Run ». Il y aura même du tube, et pas qu’un peu grâce à l’enchaînement entre l’entraînant « Dreamwalker », le grandiose « Lost in the Shadows » puis le plus sombre et feutré « Eternal (What Do You See) ». Dans un album qui se distingue plus par sa composante électro-futuriste, le metal n’est jamais loin et pour ceci il faudra se tourner vers les plus lourds « Into the Void » ou « Immortal » (avec un guest de… The Browning, le reste du groupe quoi) ; mais même un « Lost in the Shadows » sort la riffaille de même que le plus mélodique et aérien « Defiance ». En bout de course, Death X Destiny se fera même plus atmosphérique, avec le plus dépouillé « Broken Minds » qui laisse davantage Moon s’exprimer, et le final sur « A Way Out » sera lui carrément… une ballade, on aimera ou pas la démarche. On aimera ou pas l’intégralité de l’album de toute façon, qui est un style de niche et inutile de dire que même en étant amateur de metalcore peu ingénieux de base, si les voix vocodées et les synthés fluo vous font fuir, continuez à fuir mais plus vite et plus loin encore. Cerise sur le gâteau, Death X Destiny est bien mieux produit que les deux derniers The Browning et on se dit que cette galaxie a encore des choses à proposer finalement. Tout ceci n’est pas forcément très original, il en faudra encore plus pour rivaliser avec un Sybreed ou même un Cypecore, cela reste du metal très basique en fond mais pour du metal du turfu avec une chanteuse-robot, ce premier album de The Defect est plus que sympathique, avec quelques jolis tubes. Enfilez vos lunettes cyberpunk achetées sur Temu et embarquez avec la famille McBee…
Tracklist de Death X Destiny :
1. Annihilate (3:14)
2. Run (3:20)
3. Into the Void (2:49)
4. Dreamwalker (3:33)
5. Lost in the Shadows (3:14)
6. Eternal (What Do You See) (3:34)
7. Immortal (3:53)
8. Defiance (3:06)
9. Broken Minds (3:10)
10. A Way Out (2:50)