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vendredi 14 février 2025

High Vis + Narrow Head @Bruges

Cactus Club - Bruges

Hugo

Depuis 2-3 ans, High Vis multiplie les tournées européennes pour notre plus grand plaisir, toujours avec de belles premières parties. Après un passage remarqué à l’Ancienne Belgique aux côtés de Pest Control et des locaux de Blossom, on se rend ce soir au Cactus Club de Bruges, ville où je n’ai encore jamais fait de concert. C’est assez marrant, d’ailleurs, car je connais plutôt bien Bruges, sa vie culturelle, et y’a un côté assez surprenant à s’y donner rendez-vous pour voir des concerts punk. Je ne sais pas vraiment quelle est la sociologie du public, s’il s’agit de locaux ou non, mais force est de constater que les gens sont venus en nombre ce soir. Preuve à l’appui : la date à Bruges est annoncée après que celle d’Anvers a fait sold out en quelques jours seulement.

Aussi, High Vis semble avoir une histoire particulière avec le public belge, qui a apparemment toujours répondu présent. On se retrouve donc dans la belle salle du Cactus Club, qui parait assez neuve et bien équipée, avec ses consos peu chères (5 euros la pinte), pour danser un peu en ce dimanche soir un poil morose.

 

Narrow Head

Narrow Head est un groupe que je suis avec intérêt depuis plusieurs années, et qui s’est révélé à moi surtout par le prisme du live. Depuis plus d’une dizaine d’années, la formation texane produit une musique s’inscrivant dans cette vague de groupes qui font le lien entre le hardcore et des influences plus directement rock. Illustration : Narrow Head sort son premier EP, assez remarqué à l’époque, quelques semaines seulement après le Guilty of Everything de Nothing, groupe assez représentatif du genre. Aussi, on a vite fait d’étiqueter ces différents disques comme du shoegaze, ce qui est en partie un abus de langage, le genre étant très ancré dans le temps et l’espace. À mon sens, et c’est davantage valable pour un Narrow Head qu’un Nothing, ces groupes tiennent davantage du shoegaze américain qui va puiser ses influences au milieu des 90s dans l’alternative rock à la Smashing Pumpkins, voire le grunge.

Mais peu importe ces considérations stylistiques, les frontières entre les différents genres susmentionnés étant assez poreuses aujourd’hui, preuve s’il en est de l’effervescence de ces scènes périphériques au hardcore. Et ce n’est pas ce soir que ce constat sera contredit, tant Narrow Head parait un peu plus carré à chaque nouvelle tournée. On a cinq musiciens sur scène, avec un lead singer qui arbore son plus beau longsleeve Crowbar (là aussi, on comprend les liens musicaux même si ça peut paraître lointain). Aucune faute de goût durant les quarante minutes de set, l’ensemble étant ultra précis, ample, et prenant.

Finalement, je trouve que les titres qui fonctionnent le mieux sont ceux qui sont les moins attendus. « The Real », par exemple, issu du (très bon) dernier album du groupe, constitue l’un des meilleurs moments du concert, avec ses riffs qui me restent en tête depuis ce soir-là. Pareil sur « Gearhead », avec une belle intensité et trois voix qui se complètent à la perfection. Ces différents passages montrent aussi la proximité du son du groupe avec celui de Deftones, ce qui est particulièrement palpable lors des alternances entre riffs frontaux et moments de respiration. Pour autant, je trouve que Narrow Head se démarque pas mal de nombreux groupes du genre à la mode aujourd’hui, précisément en évitant de tomber dans le simple mimétisme.

Setlist [possiblement incomplète]:
Yer' Song
Sunday
Cool in Motion
Feels Like Sand
Moments of Clarity
Make It Hurt
The Real
Gearhead
Flesh & Solitude

 

High Vis

Le succès d’High Vis est franchement intéressant. D’abord, pour des raisons similaires à Narrow Head, car le groupe a été formé par des musiciens (plutôt vétérans) issus des scènes hardcore. Graham Sayle, le chanteur, était par exemple dans Dirty Money, groupe de hardcore londonien qui sortait déjà un split avec Trapped Under Ice en 2008 ! Ensuite, car High Vis a surtout gardé du hardcore son énergie, et notamment live, la musique empruntant davantage au post-punk et aux différents groupes de la scène Madchester. Le groupe ne cache par ailleurs pas son amour pour des formations comme Oasis, qu’ils reprennent en ouverture de leur set à l’Outbreak 2023 ! Tout cela donne à mon sens une certaine singularité à la musique du groupe, à l’intersection d’influences variées, et qui fait preuve d’une grande constance que cela soit en live ou sur album (trois disques, aussi solides les uns que les autres).

De mon côté, c’est la troisième ou quatrième fois que je vois les Londoniens sur scène, et force est de constater que le public grandit un peu plus à chaque fois. Outre le sold out assez rapide mentionné en introduction, je suis impressionné de la ferveur du public dès que les premières notes sont jouées. Ou presque, en fait, car le groupe débute le concert par le très brit rock « Talk for Hours », relativement calme, juste avant que le public se déchaîne sur le tube punk « Altitude », avec un sacré mouvement de foule qui surprend pas mal de gens sur le moment. À partir de là, c’est un véritable tunnel de tubes qui se met en place, montrant plusieurs choses : le public connait par cœur les anciens titres du groupe, tout en ayant à cœur d’apprendre les nouveaux issus du dernier album Guided Tour.

Parmi ces morceaux, il faut noter la présence de « Mind’s a Lie », assez déconcertant au premier abord car mélangeant le chant très frontal du groupe à une musique qui fait la synthèse de pas mal de sonorités anglaises, et notamment de la musique électronique des années 90. Là aussi, ça fonctionne vraiment bien en live, diversifiant par ailleurs pas mal le set. C’est assez fou de voir qu’en quelques mois seulement, High Vis a su trouver un équilibre assez parfait sur ses concerts, avec une quinzaine de titres qui s’enchaînent sans aucun temps mort. Le groupe incarne une espèce de synthèse entre énergie fédératrice et grosses décharges émotives. De mon côté, les frissons sont toujours les mêmes lorsque j’entends le refrain de l’hymne working class « 0151 », ou du classique moderne « Trauma Bonds ».

En 2025 plus que jamais, High Vis semble fédérer au-delà des scènes punks, et rassembler un public assez large qui a rejoint la vague au fil des tournées. On n’est pas au niveau d’un Turnstile ou d’un Knocked Loose, je ne sais pas si on le sera un jour, mais il y a quelque chose d’assez rassurant à ces succès d’estime localisés, ces sold out à répétition, et au fait d’entendre un public large applaudir le discours du chanteur sur les inégalités et le fait de prendre soin des gens autour de soi. À revoir en salle, en festival, qu’il pleuve ou qu’il fasse beau : High Vis va continuer son bout de chemin, et c’est tant mieux.  

Setlist :
Talk for Hours
Altitude
Walking Wires
Drop Me Out
Guided Tour
0151
Out Cold
Mob DLA
Forgot to Grow
Fever Dream
Mind's a Lie
Trauma Bonds
The Bastard Inside
Choose to Lose

 

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Merci aux deux groupes, ainsi qu’au Cactus Club de Bruges pour la soirée et l’accréditation !