Integrity + Undying + EYES @Gand
Chinastraat - Gand
Gand est une très belle ville, moins guindée que Bruges par exemple, où il est assez simple de traîner et de prendre un verre dans des endroits cools, sans trop avoir l’impression de faire partie de la horde de touristes qui hantent généralement les villes flamandes. Il y a beaucoup de concerts de hardcore, aussi, la scène à Bruxelles étant par exemple assez limitée en dehors du Cobra Jaune et de quelques dates de tournées dans les grandes salles de la ville.
Depuis quelques jours, Integrity est en tournée aux côtés des Danois de EYES, rejoints pour l’occasion par Undying, pour leur première tournée européenne depuis… 2005 ! Sacrée affiche donc, complétée par les locaux de Weak Link, que je manque malheureusement, car bloqué dans les transports.
Pas de photos ce soir, navré, 'fallait être là.
EYES
J’ai découvert EYES à l’époque de la sortie d’Underperformer (2020), disque qui a fait un peu de bruit dans l’underground, mélangeant habilement des influences chaotic hardcore et noise rock. Si les grandes heures du mathcore de la fin des années 90/début 2000 sont passées, certains groupes arrivent encore aujourd’hui à tirer leur épingle du jeu et proposer des albums assez frais. Force est de constater qu’EYES est aussi super solide en live, et entendre quelques secondes de leur balance suffit à s’en persuader.
Le public est encore assez timide à ce moment de la soirée, ce que le chanteur ne manque pas de souligner, multipliant les coups de pression à l’égard des premiers rangs. « I’m gonna keep doing it » répète-t-il plusieurs fois, en créant du larsen avec son micro qu’il passe contre les retours, en demandant aux gens de se rapprocher. L’ambiance menaçante est posée, donc, et les musiciens déroulent pendant un peu plus d’une demi-heure un set qui alterne entre segments lourds et poisseux avec des passages high tempo bien cools. Victor Kaas est d’ailleurs un excellent frontman, doté d’une palette vocale proprement hallucinante, passant du hurlement quasi-black metal au growl le plus caverneux sans trop d'effort apparent.
Le final sur « Surf » est le meilleur moment du concert, le titre constituant par ailleurs une très bonne introduction à la musique du groupe. Bravo le Danemark, et à très vite j’espère.
Undying
L’influence d’Undying sur le hardcore moderne est importante, tant les Américains ont participé à populariser le mélange entre hardcore et (melo)death metal aux côtés de groupes frères comme Prayer for Cleansing par exemple. Ces influences se retrouvent à différents endroits, dans le metalcore/deathcore mainstream des années 2000 et 2010 d’une part, et dans pas mal de groupes formés ces dernières années de l’autre. On pense par exemple au label Ephyra, avec des formations qui ont vite gagné en popularité comme Balmora ou Since My Beloved. Plusieurs membres d’Undying et Prayer for Cleansing partent d’ailleurs, au tout début 2000, former Between The Buried and Me ! Un grand écart pas si surprenant quand on connaît la première démo du groupe, résolument teintée de ce genre de metalcore mélodique.
Comme pour beaucoup de groupes de l’époque, Undying a eu une durée de vie plutôt limitée, mais a connu plusieurs nouveaux souffles. Formé en 1997, le groupe sort rapidement deux disques majeurs du genre, The Whispered Lies of Angels (2000) et This Day All Gods Die (2001). Le groupe se sépare vers 2006, quelques années après le départ de son premier chanteur, Timothy Roy, diagnostiqué d’un cancer de la gorge. Avant ça, on a quand même eu droit à un deuxième long format, cette fois avec la chanteuse Logan White, et plusieurs tournées dans le monde. Surprise : le groupe se reforme en 2022, et donne cette année ses premiers concerts en Europe depuis presque 20 ans.
Quelle chance de pouvoir voir le groupe ce soir, donc, d’autant qu’aucun concert français n’est prévu sur la dizaine de dates de la tournée. J’ai un peu peur lors du premier morceau, plutôt brouillon à cause des balances, et donnant l’impression que Tim ne tient pas forcément la cadence. En réalité, il n’en est rien, et bien que la voix de celui-ci ait un peu changé (compréhensible, d’autant plus au vu des circonstances), il livre en fait une performance ultra-carrée et généreuse. Il passe d’ailleurs la quasi-intégralité du concert dans le pit, à haranguer les gens du public et passer son micro aux quelques fans qui osent le sing along.
Tim demande alors « Saw us 20 years ago? », avant d’ajouter « We were like three times this big! ». Ça fait drôle, c’est sûr, et une bonne partie de l’audience est d’ailleurs composée de darons qui semblent sortir du taff. Et contrairement à pas mal d’autres groupes de l’époque, je ne trouve pas que la musique d’Undying ait vieilli. Elle est même d’une efficacité redoutable, qu’il s’agisse des passages rentre-dedans ou mélodiques – souvent la conjugaison des deux. Et ces riffs… ces riffs ! Comment résister aux leads de « This Day All Gods Die » ou « Echoes », aux tremolos de « The company of storms » ? Je ressors du concert avec un grand sourire, en croisant les doigts pour que ça ne soit pas la dernière.
Integrity
Integrity est un groupe précurseur, mais genre giga précurseur. Those Who Fear Tomorrow (1991) est considéré comme l’un des premiers disques de hardcore moderne, réalisé par des mecs aussi fans de Motörhead, que de GISM ou Celtic Frost. Les morceaux se situent alors à l’intersection de pas mal de styles extrêmes, développant des ambiances sombres, crasseuses, tout en incorporant pas mal d’autres influences (le final en ambient/spoken word de Humanity is the Devil, les quelques samples tribal ambient sur Seasons in the Size of Days…). Pour un néophyte, il est d’ailleurs assez compliqué de s’y retrouver dans la discographie du groupe, expliquant aussi selon moi le succès d’un album récent comme Howling, For the Nightmare Shall Consume (2017), très lisible, et taillé pour plaire à un public Metal.
À l’image de plusieurs autres formations de Cleveland (on pense à Ringworm par exemple, parmi celles qu’on vous conseillerait), la musique d’Integrity est réputée pour être assez violente, que ce soit en studio ou sur scène. Alors ça a pas mal bougé depuis, même si le groupe n’a pas à rougir de ses dernières performances selon moi. Depuis quelques années, Dwid Hellion, tête pensante du groupe, a déménagé en Belgique, près de Gand justement, expliquant les nombreux changements de line-up récents (le groupe semble avoir un line-up différent lors des tournées américaines et européennes). J’avais vu Integrity pour la dernière fois au Brutal Assault 2018, et on a cette fois un seul guitariste sur scène, avec l’ajout d’un deuxième chanteur/backeur cagoulé, qui est surtout présent pour inciter les gens à se mettre sur la gueule dans le pit.
Niveau setlist, en revanche, ça n’a pas vraiment bougé, restant un genre de best of du groupe donnant la part belle à ses premières sorties. Difficile de bouder son plaisir néanmoins, notamment lors de la doublette classique « Rise » / « Judgement Day », ou de l’ouverture du concert en rouleau-compresseur ultra-menaçant sur les trois premiers titres de Humanity is the Devil (1996, l’une des meilleures sorties d’Integrity). La performance du seul guitariste est vraiment impressionnante, réussissant à mimer sans trop de problèmes les différentes parties de guitare, même si on perd pas mal en intensité selon moi, notamment lors des passages plus heavy. Dwid, lui, est toujours un très bon frontman, avec ses cris hyper dry et puissants, et son attitude pas franchement positive comme lorsqu’il engueule assez méchamment les ingés sons. Il ne m’a jamais semblé être un mec franchement sympa, en fait, mais on va dire que ça participe à l'ambiance.
Integrity est là depuis la fin des années 80, donc, n’a jamais vraiment arrêté depuis, en faisant l’un des groupes de metalcore les plus respectés et influents. Difficile d’être surpris par les concerts de ces vétérans, en tout cas quand on a déjà eu la chance de les voir, l’ensemble étant assez prévisible, mais impossible d’être déçu pour autant. Allez, sortez-nous une fois de plus un album qui mette tout le monde d’accord, qu'on vous retrouve avec plaisir à un bon horaire de festival.
Merci à Kults Shows pour l’invitation, au Chinastraat, ainsi qu’aux quatre groupes pour la soirée.