Wardruna + Jo Quail @Paris
Salle Pleyel - Paris
"The sound of falling, when the pictures are moving"
Difficile de ne pas être impressionné quand on voit là où en est Wardruna aujourd’hui. En 15 ans, le projet mené par Einar Selvik a connu une ascension fulgurante, en passant du statut de trio folk confidentiel à celui de mastodonte des musiques néo traditionnelles. Et cela, tout en étant le responsable de l’engouement populaire actuel qu’il y a autour de la culture viking. Pour le meilleur, et malheureusement parfois pour le pire.
Un succès également perceptible à travers les salles visitées par les Norvégiens sur leurs tournées successives. Après la dimension intimiste d’un Divan du Monde ou d’un Trabendo, on est passé sur des lieux culturels, voir historiques de plus en plus somptueux et prestigieux. La Cigale, L’Olympia, mais aussi le château des Ducs de Bretagne à Nantes et l’Acropole d’Athènes plus récemment. Et c’est donc avec la salle Pleyel, véritable temple parisien de la musique classique, que Wardruna s’apprête à poursuivre son épopée française ce soir...
Crédits photo : Justine Cannarella (Pozzo Live.)
Jo Quail
Bien que ce soit la troisième fois que je viens à Pleyel, je suis toujours assez intimidé par l’impressionnante configuration de la salle. C’est aussi ce que doit ressentir Jo Quail, alors qu’elle se présente seule avec son instrument au milieu de l’imposante scénographie de Wardruna. Violoncelliste britannique affiliée à la sphère metal, j’avais déjà pu la voir en première partie d’Alcest il y a deux ans. Sans réussir à être totalement convaincu, il faut le reconnaître. Ce fut également le cas ce soir, j'en ai peur. Il faut dire qu'un set solo de vionloncelle sur une aussi grande scène est assez difficile à assimiler. Surtout quand l'on a une approche aussi iconoclaste que celle de Jo Quail.
Les longs et lents mouvements d’archer pour introduire chaque pièce pendant 5 minutes, accompagnées par des silences placés ça et là me laissent assez circonspect quant à la pertinence de la chose. Et ça me gêne vraiment de le reconnaître. D’abord parce que l’exercice réalisé ce soir par Jo Quail est loin d’être facile. Mais surtout, car derrière les plages redondantes citées plus haut, elle se plaisait à superposer les uns sur les autres des motifs musicaux plus denses, grâce à des pédales de looping. Cette technique, utilisée en milieu et fin des pièces, m’aura permis de trouver quelque chose de positif dans ce concert. Tout en me disant que si elle avait été au centre du set, elle aurait pu lui donner une autre dimension, beaucoup plus onirique et immersive. C’est dommage.
Setlist :
Red Infractus
Supplication
Adder Stone
Wardruna
Soyons honnête. Si je suis ravi et impatient de retrouver Wardruna pour la première fois depuis cinq ans, je pense malgré tout que le projet prend davantage son sens dans un cadre plus intimiste. Entendons-nous bien. Malgré un impressionnant succès planétaire, Einar Selvik a su mener la barque du groupe avec brio, et trouver un semblant d’équilibre entre l’esprit mystique et ritualiste des débuts et une dimension plus grandiose et cinématographique, apparue dès le troisième volet de la trilogie Runaljod. C’est d’ailleurs cette dernière qui, sans surprise, a pris le pas lors des représentations scéniques, au détriment de l’aura tellurique et roots qui a imprégné le Trabendo en 2016, lorsque que je les ai vus pour la toute première fois.
Et comme j’ai mauvais esprit, je me plais à croire que mes craintes étaient fondées. J’avais peur que les samples prennent trop le pas sur l’humain, en sacrifiant la chaleur du live au profit d’un professionnalisme (trop) bien huilé, mais finalement artificiel. Après trois ou quatre morceaux pour s’habituer, on finit par écouter attentivement. Et l’on comprend que les éléments qui définissaient l’esprit, l’essence spirituelle de Wardruna sont à nouveau là ce soir. Ils nous saisissent toujours, si l’on prend la peine de bien écouter. Les choeurs qui guident la totalité des morceaux sont toujours aussi solennels et évocateurs, sublimant la majesté des arrangements typé BO de film, il est vrai (« Kvitravn », « Lyfjaberg »).
Pour diriger tout cela, on est toujours emportés par le tandem Lindy Fay Hella/Einar Selvik. L’un, l’autre ou les deux ensembles sont toujours très justes, poignants et complémentaires dans leur interprétation. Distillants tantôt une atmosphère incantatoire sur « Heimta Thurs », contemplative pour « Solringen » et« Fehu », ou encore tribale pendant « Rotlaust Tre Fell ». Un souffle tragique trouve lui aussi sa place dans le set, lorsque Einar nous gratifie seul de la complainte « Voluspá », tirée de la série Vikings. Puis davantage épique lorsque nous croisons la route du dieu « Tyr », de l’ancien Futhark pour « Runaljod », ou encore de la fille du ciel « Himmindotter ».
Wardruna recherche l’osmose, la communion entre son œuvre et son public. Un aspect qui n’est pas négligé par Einar qui, pour introduire la magnifique « Helvegen », prend de longues minutes pour insister sur l’importance du partage, de la transmission et de la préservation de la culture. Avec une petite touche d'espoir et de vivre ensemble sur le fait que « Chanter, c'est médicinal. Chanter ensemble, c'est médicinal. Écouter de la musique, c'est médicinal. Alors promettez-moi que lorsque nous serons de retour, vous aurez appliqué cela. Ce seront vos devoirs pour la prochaine fois ! ». Einar, sois-en sûr, le message a été bien reçu.
Setlist :
Kvitravn
Skugge
Solringen
Heimta Thurs
Hertan
Kvit Hjort
Lyfjaberg
Voluspá
Tyr
Isa
Grà
Runaljod
Rotlaust Tre Fell
Fehu
Helvegen
Snake Pit Poetry
Un grand merci à Garmonbozia pour cette belle soirée et pour l'accréditation !
Et à Justine Cannarella pour ses magnifiques photos !