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Album

26 septembre 2024 - Circé

Zeal & Ardor

GREIF

Label
styleMetal Fusion ?
formatAlbum
paysSuisse
sortieaoût 2024
La note de
Circé
7/10


Circé

hell god baby damn no!

Difficile de se dire que le premier album de Zeal & Ardor n'est sorti qu'en 2017. Ces sept années ont vu passer le projet de curiosité de niche à véritable sensation de la scène metal au sens large avec une direction artistique fouillée et complète sur album associée à des prestations scéniques coup de poing. Mais surtout, Zeal & Ardor assume maintenant être là pour rester sur le long terme, bien au delà de la hype. Ce qui a commencé comme un simple projet, une expérimentation de fusion des genres mené par une seule personne, est désormais un groupe au line up stable. Un beau chemin parcouru, pour un groupe qui regroupe désormais une fanbase large et variée et dont la musique, tout en étant très reconnaissable, ne cesse d'évoluer. Zeal & Ardor, dernier album sorti il y a deux ans, continuait de proposer des morceaux entre metal extrême et gospel en mettant l'accent sur des sonorités beaucoup plus modernes et synthétiques, ainsi que l'apparition de morceaux plus doux au chant clair.

Si cet album éponyme nous laissait encore largement nos repères dans ce qu'on savait et attendait d'eux, la donne est totalement différente avec GREIF. Je vous conseille d'ailleurs d'aller jeter un oeil à notre interview faite cet été en amont de la sortie de l'album : Manuel et Tiziano (respectivement frontman et guitariste) nous le présentaient comme une sorte de spectre musical pouvant aller dans toutes les directions. Force est de constater que c'est le cas. De la douce ballade « to my Ilk » à « Clawing Out » et ses relents d'indus, on passe par des morceaux dansants à la limite du refrain pop comme « Thrill », des mélanges improbables de chant black metal sur des « la la la » rêveurs donnant une certaine sensation de malaise, des riffs rock catchy, des ambiances de film noir... Reste « Hide in Shade », « Go home my friend » et « 369 » pour nous rappeler comment le groupe sonnait avant – mais trois morceaux sur quatorze, c'est tout de même signe d'un sacré dépaysement.

GREIF est à la fois sombre et flamboyant, passant d'une ambiance à une autre, d'une émotion à l'autre en un rien. Les morceaux évoluent de style en style, voire les superposent, n'offrent pas un seul temps mort ni une seule seconde sans nouvelle surprise. Le chant de Manuel se décuple toujours plus dans des registres divers, en particulier en voix claire où il peut passer d'un registre doux et apaisant comme sur le sublime « to my ilk », à des tons beaucoup plus secs comme sur « Sugercoat ».

Et si l'expérimentation est tout à l'honneur du groupe, c'est peut être un peu trop. "Frustrant" est l'adjectif qui reste le plus en tête au fil des écoutes : on aimerait que la musique se pose deux petites minutes, choisisse une des cinq pistes musicales qu'elle propose à la fois et en développe peut être juste une un peu plus. La plupart des morceaux sont extrêmement courts : la moitié font moins de 3 minutes. On aimerait que « Thrill » continue de nous faire danser un peu plus longtemps, monte encore en intensité, on aimerait voir jusqu'où les sonorités asphyxiantes de « Clawing Out » vont nous amener. Il y a tellement de bonnes idées, mais elles semblent pour beaucoup à peine effleurées, juste utilisées sans être développées jusqu'au bout. L'enchaînement des morceaux ne semble d'ailleurs pas toujours logique : pourquoi mettre le très groovy « Hide in Shade » en avant dernier, pile entre « Solace » et « to my ilk », les deux morceaux les plus calmes et mélancoliques qui s'enchaîneraient très bien ?

Cet aspect décousu est d'ailleurs assez paradoxal pour un album construit autour d'un même concept, celui du Vogel Greif, tradition des quartiers ouvriers de Bâle où une créature ailée marche dans les rues en tournant le dos aux quartiers aisés. Une nouvelle manière pour le groupe d'explorer l'intersection entre messages sociaux et imaginaires mystiques, ce qu'ils faisaient déjà dès leurs débuts avec « Devil is Fine ». Je vous invite à cliquer sur le lien de l'interview plus haut, car Manuel en parlera toujours bien mieux lui même que ce que je pourrais le faire moi même.

Il est en tout cas beau de voir le groupe évoluer, innover, tenter de nouvelles choses. Ne pas se reposer sur les lauriers de son succès et de sa recette efficace des trois premiers albums. Et GREIF recèle de superbes morceaux, qui parleront sûrement à différentes personnes selon les goûts, mais il reste difficile à appréhender dans sa globalité. Il reste difficile, tout simplement, d'y trouver un sens de la globalité en soi. On peut avoir la sensation d'écouter une démo XXL avec la longueur et la production d'un LP.

On peut espérer que ce ne soit en tout cas que le début d'un nouveau chapitre pour le groupe, une introduction à un univers musical toujours plus vaste qu'ils comptent explorer. Pour le moment, c'est un pari audacieux, car il sera difficile de trouver un auditoire à qui l'entièreté de l'album parlera ainsi que de construire des setlists de concert toujours aussi fédératrices.

Tracklist :

the bird, the lion and the wildkin
Fend You Off
Kilonova
are you the only one here now?
Go home my friend
Clawing Out
Disease
369
Thrill
une ville vide
Sugarcoat
Solace
Hide in Shade
to my ilk

 

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