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3 albums pour (re)découvrir Moonspell

jeudi 6 juin 2024
Circé

hell god baby damn no!

Bien que leurs compatriotes de Gaerea soient la nouvelle hype du black metal, si l’on vous dit Portugal, il y a de très fortes chances que le premier (et seul) nom qui vous vienne à l’esprit soit celui de Moonspell. Formés en 1992, dans la foulée de groupes comme Cradle of Filth ou Septicflesh, les Portugais héritent de ce son mêlant les codes du black metal et de l’univers goth, que ce soit au niveau musical ou esthétique. Dépassé ou kitsch, peut-on entendre de nos jours. Il s’agit là d’un univers fortement daté dans les 90s et le début 2000 qui a certes vieilli, mais dont bon nombre de groupes survivent encore aujourd’hui, et qui fut une porte d’entrée pour toute une génération vers les musiques extrêmes.

Pourtant, s’il y a bien quelque chose qu’on ne peut pas reprocher à Moonspell, c’est d’être resté coincé dans le passé. Le groupe en a connu, des revirements musicaux, et ce, dès ses premières sorties. En 33 ans de carrière et 13 albums, les loups lusophones ont su à la fois se construire une fanbase assez fidèle et une identité visuelle et musicale forte, tout en surprenant à de nombreuses reprises. Après deux albums d’un metal extrême gothique aux touches symphoniques, plus ou moins agressif ou planant, Moonspell tente quelques expérimentations, va jusqu’à toucher à l’indus sur le mal-aimé Butterfly Effect, avant de revenir sur un terrain plus familier en 2001 avec Darkness and Hope. S'ensuit quelques albums dans une tendance proche des tout premiers, avec un son modernisé, plus propre, jouant tour à tour sur des atmosphères tantôt posées et sombres, tantôt grandioses. Aux éléments symphos et autres claviers gothiques s’ajoutent des notes progressives et rock de plus en plus présentes, ainsi qu’un chant clair de plus en plus assumé, pour donner, entre autres, le magnifique Extinct en 2015.

Et alors qu’on pensait que le groupe s’apprêtait à délaisser le metal extrême sort 1755, album de metal sympho chanté en portugais sur la destruction de Lisbonne pendant cette année-là. Car oui, les albums concepts, la narration, c’est aussi une passion chez le groupe, au milieu des histoires de loups-garous, de satanisme, et plus récemment de politique. Voici donc, dans les grandes lignes, pourquoi on peut dire que Moonspell n’a jamais sorti deux fois le même album, et a su se renouveler avec le temps. Une discographie riche qu’on réduit souvent à quelques titres clefs, mais qui se laisse facilement redécouvrir avec les années.

Ce qui nous amène donc au sujet de cet article, et la difficile étape de la sélection de trois albums. On commence à avoir un petit nombre d’articles dans cette rubrique, et la question se pose à chaque fois : que cherche-t-on à présenter ? Trois portes d’entrées pour des personnes n’ayant jamais écouté un groupe ? Une incitation à réécouter des albums oubliés ? Des coups de cœur personnels ? L’idée est bien un mix des trois, mais elle ne facilite pas le choix.

J’ai donc ici fait de mon mieux pour vous proposer trois albums diamétralement différents, plus ou moins populaires, mais qui tous ont une forte place dans mon cœur. C’est un difficile choix que de passer à côté d’albums iconiques comme Wolfheart ou Extinct, mais c'est aussi le but de l'exercice.

 

Night Eternal (2008)

Night Eternal a été ma porte d’entrée vers Moonspell, et c’est même l’une des premières fois que je me souviens avoir entendu un growl. C’est aussi un choix assez évident : c’est un peu un archétype de l’identité musicale du groupe. Night Eternal est l'autre grand classique qui a émergé plus tard dans la discographie des Portugais, à la même hauteur que leurs deux premiers albums. Tous les éléments caractéristiques sont là : un chant metal extrême mêlé à quelques parties en chant clair goth rock, des riffs entre Cradle et Type O, des claviers grandioses et mystiques, le tout construisant cette atmosphère romantique noire, qui prend ici des teintes orientalisantes. On alterne entre des morceaux très directs comme « Night Eternal » ou « Moon in Mercury » et des ballades gothiques comme « Scorpion Flower » (avec la seule et unique Anneke Van Gisbergen) ou « Dreamless » - des pistes toutes aussi mémorables les unes que les autres.

C’est un album à la fois accessible et riche, qui met en avant tous les talents du groupe, des voix claires et saturées si reconnaissables de Fernando à la capacité du groupe à créer des ambiances qui alternent entre le mélancolique et le grandiose. Une véritable succession de tubes, qui s’écoute encore mieux dans sa version « extended ». Sérieusement, c’est un crime qu’« Age of Mothers » ne soit qu’un morceau bonus ! Les deux autres titres sont également excellents, dans une veine très doom. 

 

Sin/Pecado (1998)

Remontons exactement 10 ans en arrière. Jeune groupe alors, Moonspell a deux albums à son actif : Wolfheart et Irreligious, qui continuait le travail du premier dans une direction légèrement plus planante. Que faire donc, à ce stade-là de sa carrière, quand on commence à s’établir et à faire face à un petit succès naissant ? 

Moonspell ne choisit pas la facilité pour répondre à cette question. Sin/Pecado en a laissé beaucoup déroutés, criant au scandale, bien qu’il semble avoir regagné un peu plus d’affection avec le temps. Il reste pourtant un de ces albums trop peu cités et appréciés à mon humble avis ; son seul défaut est vraiment d’être (un peu) différent et relativement long.

On a pour base un album de goth rock planant, bardé d'influences metal, doom, indus, entre autres. L’atout de Sin/Pecado, c’est l’accent donné aux ambiances via l’utilisation de beaucoup de claviers et d’arrangements, dont déjà quelques touches indus justement, qu’on retrouvera en quantité sur l’album suivant. Dès les premières notes de « HandMadeGod », les Portugais nous plongent dans une ambiance oppressante, dystopique, portée par le merveilleux chant goth de Fernando. Celui-ci délaisse d’ailleurs presque complètement le chant extrême pour renforcer l’atmosphère à la fois pesante et planante, poussiéreuse. 

Si on peut le qualifier d’expérimental dans le contexte d’un groupe de metal classique, ce n’est en aucun cas un album « avant-gardiste », difficile d’écoute ou complètement barré. Mais Sin/Pecado joue avec plein de styles et influences variées, saute d’une chose à l’autre soudainement au sein d’un même morceau, ou alterne les passages oppressant et accrocheurs (« 2econd Skin »), avec d'autres beaucoup plus planants (« EroticA »…)... 

Sin/Pecado peut sans doute apparaître décousu par moments, mais je trouve qu’il y a tout de même une ambiance commune à tous les morceaux, un univers éthéré et gothique, porté par des mélodies sinueuses, mélancoliques, dont on ressort avec un goût amer de décadence, de ruine d’une grandeur passée.

 

The Antidote (2003)

Nouveau saut dans le temps vers un autre de ces albums que votre humble serviteur trouve sous-côté. Ceci dit, si vous avez vu le groupe en live récemment, on a notamment eu droit à « Everything Invaded » et « In and Above Men » et ce fut un véritable bonheur. 

Mais reprenons au début : après deux albums plus expérimentaux, Moonspell sort Darkness and Hope, rappelant plus directement les premiers temps du groupe, mais avec une production beaucoup plus moderne et accessible. Sauf qu’il en ressort un peu pâle, manquant de passion, de quelque chose qui fait que, peu importe combien de fois je l’écoute, je n’arrive pas à en retenir grand-chose.

Et puis, voici The Antidote. Un coup de maître jouant à un jeu dangereux, entre continuation et renouveau. On arrive à y retrouver les éléments qui font l’identité profonde du groupe. Les ambiances sont toujours plus sombres et chiadées, les riffs tantôt metal, tantôt goth rock accompagnent les claviers et la voix si reconnaissable de Fernando. Mais The Antidote s'avère en fait beaucoup moins romantique et baroque, avec à la place des morceaux plus oppressants, plus « sérieux ». Et avec toujours cette même tonalité en tête, on balaye des registres allant de la violence directe de « In and above men », ou d'un calme glacial de « Everything Invaded » ou « As we eternally sleep on it ».

Je mentionnais également plus haut l’attraction du groupe pour les concepts, et The Antidote en est un bon exemple, sorti en même temps qu’un roman dont chaque chapitre correspond à un morceau. Et ce que The Antidote manque en riffing, il le remplace par un vrai travail d’ambiance, de progression dans la composition des morceaux et de la structure de l’album en général. Alors que le début de l’album est plus direct, plus metal, on glisse doucement vers des morceaux plus subtils et angoissants, emplis de mystère. 

Bien qu’il ait ses passages accrocheurs, ses superbes mélodies, The Antidote n’est pas un album très démonstratif, et c’est peut-être pour ça qu’il se détache moins au milieu des flamboyants Night Eternal et autres Wolfheart. Mais il n’en reste pas moins un véritable joyau dans la discographie du groupe, plus posé, loin des clichés d’un metal gothique romantique, voire adolescent.  

Merci de m’avoir suivi jusqu’ici dans mes élucubrations. Si je ne cite jamais Moonspell quand on me demande mes groupes favoris, les Portugais auront toujours une place particulière dans mon cœur, accompagnée de beaucoup de nostalgie.

Plus particulièrement, c’est toujours un groupe qui donne plaisir à voir en live, plein d’énergie et d’envie de communiquer avec son public. Public d’ailleurs toujours composé d’une solide fanbase, malgré le temps qui passe. Cela m’étonnera d’ailleurs toujours de voir que le groupe n’a pas grossi plus que ça malgré sa longévité, l’accessibilité de sa musique et des fans assez fidèles.

J’espère donc vous avoir donné l’envie de vous plonger dans leur discographie, ou de redonner une chance à un album qui vous a laissé sur votre faim par le passé !