"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
S’il y a bien un groupe que j’attends toujours avec impatience dans le registre mélodeath, c’est Fractal Gates. Le groupe parisien régale depuis son premier album sorti en 2009 (Altered State of Consciousness), et enchaîne depuis les masterclass, a un rythme soutenu, mais le plaisir n’en est que décuplé à chaque fois. Plutôt personnel avec ses aspirations de science-fiction et son mélange d’influences plus variées que le carcan du mélodeath habituel, Fractal Gates brille dans la scène hexagonale et j’avais même cité Beyond The Self, leur deuxième album sorti en 2013, comme disque essentiel du mélodeath des années 2010. Pourtant, le groupe n’a peut-être pas la renommée qu’il devrait réellement avoir… d’ailleurs, pour ce quatrième album, Fractal Gates est retourné dans l’autoproduction, après être passé par Rusty Cage, Great Dane Records et Rain Without End. Même si l’autoproduction à l’heure de bandcamp et du numérique n’est plus vraiment une régression en soi… d’autant que One With Dawn sortira même au format vinyle. Quoi qu’il en soit, six ans après The Light That Shines (plus long délai entre deux albums jusque là), Fractal Gates est donc de retour, toujours avec la même équipe de cinq (seul le batteur Jérémy n’ayant pas participé au premier album), pour une nouvelle épopée futuriste et introspective comme le groupe sait si bien faire.
One With Dawn va alors se situer dans la continuité de The Light That Shines, suivant les petits changements qu’on avait pu déceler vis-à-vis de Beyond The Self et les poussant même encore plus loin. Si Dan Swanö n’est plus de la partie (ni au son, ni en guest), Fractal Gates est allé en Finlande chez Juho Räihä pour enregistrer les parties de batterie et réaliser le mixage ; le mastering ayant été lui confié aux Suédois de Fascination Street. Pour un album plus scandinave que jamais ? Pas vraiment, Fractal Gates gardant son large héritage piochant tout autant chez Edge Of Sanity que Septic Flesh en passant par Daylight Dies et Paradise Lost ; mais on est toujours dans la vibe de Slumber d’autant que Jari Lindholm rempile encore ici pour poser deux solos. Puis il y a toujours ce touché assumé d’AOR des années 80… qui rempile également après The Light That Shines pour une nouvelle fournée de moments très directs et tubesques. L’atmosphère cosmico-cotonneuse est toujours aussi remarquable et envoûtante, mélodies comme rythmiques sont inspirées, et Sébastien est ici très en verve au niveau des growls, livrant pour moi sa meilleure performance avec celles de Beyond The Self et du Further Nowhere de Cold Insight. Tout est de nouveau réuni, est-ce que Fractal Gates va-t-il réussir à faire mieux que le déjà excellent The Light That Shines, dont le seul défaut était finalement de passer après le monumental Beyond The Self ?
One With Dawn va tout de même remettre un peu plus de vibe mélodique dans l’équation Fractal Gates. Cela va donc se manifester par des morceaux plus aériens que jamais, qui laissent la part belle à des instrumentations acoustiques et des moments plus atmosphériques, même si on reste dans le giron d’un mélodeath racé (aucun morceau ne dépasse cinq minutes). Un état d’esprit plus épique qui se manifeste dès un « Into the Unknown » où le chant clair sera quasi omniprésent, presque une première pour Fractal Gates. Ce sont ces parties de vocaux clairs, alternativement assurées par le Vénézuélien Deibys Artigas (Arkangel, Project Arcadia) et Egan O'Rourke de Daylight Dies qui vont apporter un souffle inattendu à One With Dawn. Les « Half Alive », « One With Dawn » (bien équilibré par les growls), « Serenity » et surtout « Echoing Motions » - morceau le plus « calme » de la carrière de Fractal Gates pour le moment - seront donc particulièrement aérés et planants. Relativement car Fractal Gates reste un groupe de metal extrême et les riffs lourds subsisteront toujours. Pour la facette plus directement mélodeath, Fractal Gates va de toute façon continuer à cartonner avec une bonne poignée de nouveaux tubes potentiels. « Shining Fall » et « Seamless Days » assurent d’entrée, « Hyperstate » et « Severance » seront assurément les autres tubes de la deuxième partie de l’album (toujours séparée par un inévitable interlude « Visions ») ; et que dire du hit absolu qu’est « Earthbound », le nouveau petit bonbon au délicieux cœur AOR avec des mélodies dans tous les sens et un refrain clair absolument imparable. Quelle efficacité et quelle classe !
Tubes ou pas, morceaux plus enivrants ou pas, Fractal Gates assure de toute façon dans tous ses domaines et le témoin en sera fait par la piste la plus remarquable et la plus équilibrée du disque, le somptueux « Where the Distance Paints Us », avec d’ailleurs les mélodies les plus gracieuses de l’album. Fractal Gates n’a finalement pas changé les ingrédients de sa recette d’un pouce, mais il continue à jouer avec les doses et finit toujours par briller. One With Dawn est donc le nouveau témoignage du mélodeath le plus raffiné de France. A part le chant clair plus présent (sur quatre morceaux en tout), il n’y a malgré tout pas de surprise vraiment notable sur ce quatrième album et Fractal Gates continue toujours à faire ce qu’il sait si bien faire. Et il y a encore de quoi faire, de nouveaux tubes même s’ils sont un peu moins immédiats que par le passé, mais aussi des pistes un chouïa plus atmosphériques vraiment remarquables. Et il n’y a rien à redire sur les compos, Stéphane et Sébastien ont pris leur temps pour rester au top de leur inspiration, rythmiques comme leads et bien sûr parties de chant avec ces growls rauques toujours aussi bien sentis et adaptés à l’univers. One With Dawn est-il alors meilleur que son prédécesseur ? Il m’est difficile de répondre à cette question pour le moment, seul le temps le dira vraiment mais Fractal Gates ne faiblit pas et égale au moins le déjà formidable The Light That Shines, qui était plus direct mais avec moins de moments forts. Beyond The Self reste de toute façon un culte du mélodeath français pour moi, mais la discographie de Fractal Gates est jusque-là irréprochable. Alors laissez-vous porter et si ce n’est pas déjà fait, donnez une chance au mélodeath futuriste et classieux de Fractal Gates. Adrift through the rift of times…
A noter que les versions physiques de l’album possèdent deux bonus tracks, « The Eclipse » et « Skies of Orion », réenregistrements de morceaux qui figuraient sur Altered State of Consciousness.
Tracklist de One With Dawn :
1. Visions XIII (1:19)
2. Shining Fall (4:08)
3. Seamless Days (3:59)
4. Into the Unknown (3:40)
5. When the Distance Paints Us (4:44)
6. Earthbound (4:41)
7. Half Alive (4:15)
8. Visions XIV (1:27)
9. One With Dawn (3:14)
10. Hyperstate (3:33)
11. Serenity (4:23)
12. Severance (4:03)
13. Echoing Motions (4:59)
14. Visions XV (1:37)