Night Fest Metal XIII @Arlon
L'Entrepôt - Arlon
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Deux heures et demie de train, c’est long (pour des Belges), d’autant que curieusement, la ligne Bruxelles - Luxembourg reste très fréquentée le week-end. Mais on prend notre mal en patience en contemplant l'évolution des paysages belges - du platissime au presque rocheux (mais toujours plat) en passant par le vallonné - jusqu’à notre destination finale : Arlon, dernière vieille citadelle avant le Grand-Duché. C’est d’ailleurs historiquement une des plus anciennes localités de l’actuel royaume, mais on n’est pas là pour vous évoquer les Gallo-Romains. Arlon, c’est aussi le fief du Night Fest Metal, un des derniers événements de Wallonie consacrés au metal extrême qui résiste encore - on a d’ailleurs récemment discuté avec l’équipe qui l’organise. Place donc à une journée intense entre black, pagan, et thrash - avec quelques notes plus symphoniques.
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Groupes évoqués : Black Sea | Perkölatör | Houle | Varang Nord | Aeternam | Arkona | Batushka | Hellripper |
Black Sea
Matthias: Alors que l’audience est encore clairsemée, c’est aux Namurois de Black Sea qu’il revient d’ouvrir la journée. Tâche d’autant plus difficile que, si le groupe semble pas mal tourner dans la région, il n’a pour l’instant largué sur les réseaux qu’un EP de trois titres. Difficile donc de s’en faire une idée précise avant d’arriver pour qui ne l’a jamais vu, si ce n’est qu’il officie dans l’archipel post-black. Déjà, bonne surprise : le chanteur n’est autre qu’Esteban, bien connu chez nous pour organiser des festivals dans un château - dont le premier événement purement dungeon synth d’Europe.
Pas de vieilles pierres ni de clavier ici, toutefois, mais deux guitaristes et un bassiste avec des lampes fixées au poignet droit. Ce qui créera d’étranges effets visuels durant leur concert, et contribuera à installer une ambiance assez réussie. Car là où la scène post-metal a tendance à déborder de toutes parts de formations parfois fort interchangeables, Black Sea offre quelque chose de plus. Le verbe est rare : le chanteur alterne entre murmures gutturaux (oui, c’est possible) et véritable growl, mais toujours par petites touches. Black Sea réussit en fait à nous plonger 20.000 lieues sous les mers dans un vrai déluge de sonorités lourdes… tout en nous proposant en même temps des lignes de guitares stratosphériques qui survolent véritablement la tempête. Il y a là une alchimie particulièrement efficace, et qui ne manque pas de nous convaincre. Personnellement, je suis très curieux de découvrir sur album les quelques morceaux inconnus que j’ai pu écouter à Arlon.
Perkölatör
Circé : Tout droit sortie d'un moment planant et lumineux avec Black Sea, je m'attendais à repartir directement dans les fonds marins avec Houle. Seulement, j'avais mal regardé le running order, et on passe donc sans transition à du black'n'roll bien punk et thrashy. Perkölatör s'est formé il y a trois ans de cela, par des gars ayant sûrement eu envie de se défouler un peu en la maudite année 2020. Une démo plus tard, les Namurois ont déjà quelques concerts derrière eux, et ont même pu déjà jouer avec Hellripper cet été lors de leur passage à Bruxelles. N'ayant pas eu l'occasion de faire le trajet pour cette date malgré l'insistance de mes ami.e.s belges, c'est donc une première pour moi. L'écoute de la démo m'avait en tout cas plutôt convaincue, avec des morceaux expéditifs et des riffs solides qui font bouger la tête dès les premières notes.
Sur scène, le trio se partage le chant entre le guitariste et le bassiste et délivre exactement la même énergie qu'en studio. L'entrain est contagieux et la camaraderie fait plaisir à voir sur scène. Le batteur se retrouvera d'ailleurs à s'excuser des heures (et des pintes) plus tard auprès de quelques membres du public qu'il avait peur d'avoir touchés en lançant une bouteille en plastique sur son chanteur pendant le set. Le pit met un peu de temps à s'ouvrir – il faut dire qu'il est tôt et qu'on sort d'un autre concert très posé – mais on y arrive. Niveau setlist, on a le droit entre autres à plusieurs titres de la démo ainsi qu'au dernier single sorti, apparemment annonciateur d'un futur album. Le groupe finit visiblement par une reprise, pour laquelle le chanteur promet cinq bières à quiconque la reconnaîtra (si cette personne existe, on ne l'a pas vue se manifester). Bref, de l'ambiance aux riffs, tout fonctionne parfaitement dans une sorte de joyeux dysfonctionnement communicatif qui nous réveille bien pour la suite de la journée. Et avec un set aussi efficace, on a forcément hâte d'avoir un album entier de la même facture.
Houle
Matthias : La programmation de cette année a beau être vraiment solide, on ne manquera pas de répéter que certains enchaînements nous semblent assez… osés. Après la joyeuse déconne de Perkölatör, je n’étais pas certain que la plongée avec Houle se fasse aisément. Je me suis trompé : outre que, visiblement, le public les attendait de pied ferme, les Français nous offrent tout bonnement une des meilleures, si pas carrément la plus immersive, des performances de ce Night Fest. Alors que les musiciens prennent place et lâchent leurs premières notes lancinantes, la chanteuse Adsagsona débarque, titubante, une lampe-tempête à la main. Elle s’arrime au micro avant de nous saluer d’un cri perçant de banshee des profondeurs, et puis un puissant effluve d’iode et de sel vient répandre un vent de folie sur l’assistance.
Car Houle n’est ni un groupe de black monolithique sur scène, ni une formation qui se cache derrière son décorum ; c’est à une performance complètement possédée qu’on assiste. Les marins-musiciens, engoncés sous leur capuche, restent imperturbables au poste pendant que rugit “Le continent”. La chanteuse, elle, éructe et se cabre dans tous les sens, tantôt brandissant sa lampe de gardienne de phare brisé(e), tantôt haranguant la foule. Les Franciliens nous offrent un faux moment de calme avec les premières mesures de “La dernière traversée”, morceau dont les passages de spoken words nous laisseront à bout de souffle, avec les riffs aériens de Crabe et Zéphyr comme dernière goulée d’air avant le fond. Au passage, le son s’avère irréprochable, pour ce concert comme pour les autres, et c’est à mettre au crédit de l’Entrepôt : jamais de la soirée un larsen ne brisera l’immersion (“Sous l’astre noir”... J’en frissonne encore). Elle est des plus profondes en tout cas face à Houle. À titre personnel, je place immédiatement le groupe parmi les plus intéressants du black metal français contemporain, et j’attends également son premier album, le pied ferme sur la dunette.
Varang Nord
Matthias : Encore une fois, le changement d’ambiance se révèle assez radical ; après les algues et l’iode, place aux décors forestiers, au crâne de cerf et aux totems baltico-nordiques. Cela dit, nous entrons dans le vif du sujet : Varang Nord est de tournée avec Arkona et Batushka, ce qui n’est pas une affiche dénuée de cohérence - dans laquelle Aeternam s’inscrit certes un peu moins bien, mais fichtre. Cohérence renforcée par le fait que les Lituaniens professent dans le folk/pagan, certes, mais pas celui des groupes d’invétérés de la corne à boire qui fait pouet-pouet. Non, on est dans du pagan parfois festif, mais surtout chargé d’une véritable sincérité dans sa démarche, un peu comme Arkona lors de sa première percée en Europe occidentale. Dans cette optique, Varang Nord est un choix logique.
Et nos Lituaniens prennent leur tâche à cœur. Le chanteur débarque peau de loup en tête pour invoquer les dieux et haranguer une audience plutôt attentiste, mais qui se prendra au jeu au fur et à mesure de la prestation. Les compositions sont d'ailleurs très efficaces, et on comprend bien dès “Pārķiuņa Uomurs” qu’on a affaire à un groupe qui prend sa musique au sérieux. Non, l’accordéon n’est pas là pour décorer, et l'alternance growl et chant clair - très bien mis en avant sur “Svietņeica” - nous offre une ambiance plus mystique que véritablement festive. Varang Nord se permettra quand même un “Beer and Vodka”, morceau à boire assumé apparemment issu d’une collaboration avec… Aktarum, pour le coup un groupe de mon pays qui fait vraiment pouet-pouet. Mais ça passe ; d’autant que les Lituaniens ne perdent pas de temps à réclamer des mouvements de foule, même sur un “Syt pa Seji” qui s’y prêterait fort bien. Le public ne bouge d’ailleurs absolument pas, ce qui me surprend. Il a l’air pourtant plutôt réceptif, mais je remarque que ce sont plutôt des familles qui se pressent dans les premiers rangs, et puis derrière quelques ados dont ça doit être un des rares événements un peu extrêmes de l’année. Le groupe n’en prend en tout cas pas ombrage, bien au contraire, et se satisfait des applaudissements nourris, tandis que chacun des Lituaniens prend un peu de temps pour caracoler sur scène. Je ne dirais pas que le groupe a fait vibrer chez moi une corde sensible, mais Varang Nord m’a semblé éminemment sympathique.
Aeternam
Circé : Sur le papier, je n'avais payé aucune attention à Aeternam, et n'avais honnêtement quasiment jamais entendu le nom du groupe. Il faut dire que l'étiquette “Symphonic/Folk/Death Metal” sur Metal Archives est typiquement le genre de dénomination fourre-tout qui me rebute. La réalité, c'est en fait un groupe de death mélodique ultra moderne avec de gros samples symphos grandiloquents, une majorité de growls et quelques passages de chant clair. Sur scène, la présence du groupe est minimaliste, aucune scénographie, aucun costume – mais cela laisse d'autant plus de place à la musique qui se suffit à elle-même.
Si j'avais découvert Aeternam lors de ma période Septicflesh ou Fleshgod Apocalypse, je serais sûrement devenue fan : le groupe y est clairement affilié et propose une musique bien pensée et qualitative. Mes goûts ont cependant évolué, et ce côté ultra cinématographique me laisse désormais un peu de marbre. Seul le chant clair arrive vraiment à m'accrocher, le timbre de voix comme les mélodies me rappelant des chanteurs de power/prog à la Vintersorg ou Evergrey. Cela apporte aussi un peu de chaleur à une musique, et surtout un son, que je trouve sinon assez froid et peu organique. Mais pour les personnes plus friandes du style, il n'y a pas à dire : Aeternam est dans le haut du panier de leur catégorie. Le chanteur arrive également vite à créer du lien avec le public, les Québécois nous parlant évidemment en français, et l'audience semble bien vite conquise. Une excellente présence scénique sans en faire des caisses, une musique imposante, épique et chiadée : à part que ce n’est plus trop mon style, il n’y a vraiment rien à redire.
Setlist :
Osman’s dream
Beneath The Nightfall
Damascus Gate
Where the River Bends
Praetor of Mercury
The Fall of Constantinople
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Un point sur la logistique, quand même. Qu’est ce qu’on boit bien au Night Fest. D’abord, le festival offre de l’eau du robinet gratuitement, ce qui reste rare en Belgique. Ensuite, le choix de bières est à l’avenant : outre l’Orval et la Lupulus Hopera - qui tape au calibre 8, attention - on a droit à la Diekirch, très potable pils luxembourgeoise. Et le tout dans des gobelets rigides récupérables ; quand les festivals belges restent encore trop souvent limités à de la très mauvaise bière industrielle dans des gobelets à usage unique, c’est vraiment à souligner. La nourriture, c’est par contre plus compliqué. A cette heure d’estomacs en vadrouille, l’organisation a du mal à suivre avec ses croques et ses paninis végé’... M’est avis qu’un ou deux foodtrucks auraient pu s’avérer utiles pour diluer la file d’attente.
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Arkona
Circé : Arkona est l'un des deux concerts que j'attendais le plus ce soir. Le groupe a un peu évolué en même temps que mes propres goûts musicaux, d'un folk joyeux mais plutôt “sérieux” vers le black metal, ou en tout cas vers une musique plus sombre et complexe. Khram, l'album de 2018, m'avait immédiatement conquise. Son successeur, Kob', continue sur la même lancée en s'enfonçant encore plus dans un metal atmosphérique, progressif et torturé. Album difficile d'accès s'il en est, j'ai encore du mal à me l'approprier, même si certains morceaux ont déjà bien retenu mon oreille, notamment ceux où des éléments électros apparaissent.
C'est donc avec grande curiosité que j'attends le set d'Arkona : comment proposer un album si opaque en live ? Comment concilier, agencer toute cette discographie maintenant si disparate en un concert cohérent ? Quels choix seront faits ? Chose peu courante, le groupe avait déjà donné une réponse à cette dernière question en publiant en avance sa setlist sur les réseaux sociaux : une première partie composée de morceaux de Kob', puis un morceau de Khram en guise de transition avant de plus vieux morceaux.
L'exécution sera au final plus complexe et plus surprenante que cela. On commence par la longue intro de Kob', avant que les membres du groupe n'entrent sur scène habillés de longues robes grisâtres pour entamer les cinq premiers morceaux de l'album, dans l'ordre. Sous un jeu de lumière très sombre, à peine éclairée, Masha se déchaîne, complètement possédée par sa musique. Ses capacités vocales ont toujours été remarquables, mais le revirement plus extrême du groupe lui offre réellement la possibilité d'exprimer tout ce qu'elle a en elle, que ce soit en un chant clair solennel ou dans tout un panel de voix saturées et de cris différents. Elle saute, tombe, tourne et vire, captive le regard et devient au final le vecteur par lequel on pénètre dans la musique. Car il n'y a pas à dire : Kob' n'est pas un album taillé pour le live. Il est beaucoup trop introspectif et opaque, et je me demande ce que la part du public qui l'a découvert directement sur scène en a pensé. En l'ayant un peu apprivoisé avant, je suis captivée : c'est une expérience aussi prenante que pesante. Les morceaux s'enchaînent quasiment sans interruption, une longue descente vers des sonorités de moins en moins mélodiques, de plus en plus torturées.
Et puis, quand le groupe enchaîne sur "Shtorm" de l'album précédent, celui ci semble tout à coup bien plus direct et rentre-dedans, comparé à ce qu'on vient d'entendre. "Goi, Rode, Goi!" sonne aussi bien moins dansant que dans mes souvenirs : il semblerait que le groupe ait quelque peu retravaillé certaines compos pour qu'elles détonnent moins à côté du reste, sans pour autant les dénaturer complètement. Une démarche intéressante qui fonctionne plutôt bien : on retrouve le Arkona folk, avec un son plus léger, mais on ne passe pas non plus d'un extrême musical à l'autre en quelques secondes. Le choix des morceaux permet un concert très solennel jusqu'à la fin, où Masha finit sur un a cappella bouleversant de "Zimushka" – c'est d'ailleurs la première fois que le morceau est joué en live.
Setlist :
Kob'
Ydi
Ugasaya
Mor
Razryvaya plot' ot bezyskhodnosti bytiya
Shtorm
Goi, Rode, Goi!
Zaklyat'e
Zimushka
Batushka
Circé : Bon, mieux vaut l’annoncer d’entrée : je n’aime pas Batushka. Un peu passée à côté de la hype des débuts, je ne faisais même pas partie des haters mais vraiment de la catégorie “je m’en fiche”. Puis est venu le Grand Schisme de l’ère Batushkienne. Seulement… Etant moi-même originaire de la belle cité des papes d’Avignon, le remake de l’An de Grâce 2018 fait pâle figure à côté de l’original de 1378. Mais malgré ma déception face à cet énième remake bâclé d’un grand classique qui ferait pâlir même Netflix, j’ai bien rigolé sur le meme qu’est devenu le(s) groupe(s) pendant un temps, il faut l’avouer. J’ai même tendu une petite oreille. Puis le meme a fait son temps. Bref. Tout ça pour vous dire qu’en 2023, je ne pensais pas qu’il restait des fans de Batushka. Imaginez donc ma surprise, que dis-je, mon ahurissement, lorsque je vois le nombre de t-shirts aux symboles orthodoxes qui fleurissent dans la salle juste après Arkona. Et au-delà de ça, le public double presque littéralement de taille et se diversifie : beaucoup de jeunes, voire des familles, des t-shirts toujours plus variés allant de Sabaton aux groupes de black metal underground illisibles.
Je n’ai apparemment pas fini d’entendre parler des Batushkas. Car oui, c’est aussi la question qui se pose : quel Batushka allons-nous voir ? Si comme moi vous vous emmêlez les pinceaux, laissez moi vous éclairer : après de longues recherches onomastiques en polonais, je découvre que le Batushka que j’ai vu de loin l’an dernier au Midgardsblot est le “vrai”, aka celui de Krzysztof Drabikowski, originellement guitariste. Celui que nous voyons ce soir à Arlon est donc l’autre Batushka, signé chez Napalm Records et mené par le chanteur Bartłomiej Krysiuk. C’est donc bien celui ci que vous retrouverez dans la tournée européenne avec Arkona, mais vous pourrez également retrouver le Batushka de Krzysztof Drabikowski en tournée européenne lui aussi, mais en novembre, et avec Kanonenfieber et Houle. Ce qui n’aide pas, c’est que les deux projets semblent encore utiliser un logo similaire et ont sorti deux albums quasiment en même temps en 2019, avec des artworks assez proches, dans les tons beiges avec une icône.
Au vu de mon désintérêt général pour le(s) projet(s), j’y vais sans aucun a priori sur le “vrai” ou le “faux”. Ce qui m’a le plus marqué du concert que j’ai vu l’été dernier n’était pas la musique, sympa mais sans plus, mais le décor : un immense autel recouvert d’icônes, de chandeliers et de pleins de bibelots. Ca brillait de partout et mon amour du kitsch avait forcément été touché. Aujourd’hui, cependant, mise en scène beaucoup plus sobre et proche des quelques vidéos que j’avais pu voir des shows originaux de Batushka. Le chanteur se tient au centre devant son pupitre, lumières rouges immobiles et quelques bougies en fond. Souvent comparés à Cult of Fire pour leur reprise des grandes toges et gimmicks cérémoniaux, je ne peux m’empêcher non plus de penser à la comparaison lorsque les guitaristes s’asseoient en jouant, comme c’était le cas sur les derniers shows du groupe tchèque.
Musicalement en revanche, la musique me prend beaucoup moins : il y a peut être une ou deux mélodies sympas par ci par là, quelques passages en chant clair qui donnent un peu d’atmosphère religieuse… A part ça, la musique me frappe comme plate, vue et revue. Le public n’est de toute évidence pas de mon avis, au vu de la foule au rendez-vous, des applaudissements et des quelques personnes que je vois vraiment se perdre dans la musique. A mes yeux cependant, Batushka aura donné une représentation statique, monotone et quelconque. Cela m’aurait laissé bien indifférente dans beaucoup de cas, mais au vu de la renommée et de l'apparente popularité du groupe, oui, je suis aigrie.
Hellripper
Circé : Heureusement, le groupe suivant est là pour dissiper toute cette aigreur, puisqu’il s’agit d’Hellripper. Quel bonheur de voir le projet écossais grossir de jour en jour depuis que je l’ai découvert en 2019 avec Black Arts & Alchemy. Rapidement devenu un de mes groupes favoris, ses albums de 2020 et 2023 ont semble t-il encore plus accéléré sa croissance. J’étais quelque peu restée sur ma faim lorsque je l'avais vu à Paris avec Spectral Wound : le show était excellent, mais le public dans un état amorphe avancé. Ce soir va remettre toutes les pendules à l’heure.
La salle est certes remarquablement moins pleine que pour Batushka (et heureusement, on aurait pas eu la place de bouger), mais l’enthousiasme du public vaudra bien toutes les foules du monde. James et ses acolytes rentrent sous les cris et les applaudissements, et un gros pit s’ouvre bien vite. Restée principalement en périphérie (état de santé oblige), j’ai en tout cas eu l’impression qu’il est resté plutôt amical et bienveillant, les quelques trublions de la soirée sûrement déjà trop amochés pour s’y traîner. Toute la première moitié de la salle est en tout cas à fond du début à la fin du concert, que ça moshe ou que ça headbangue, on ne s’accorde pas une seconde de répit. Le groupe nous le rend bien : banger sur banger, Hellripper nous ensevelit sous les riffs et les refrains ravageurs. La plupart des morceaux seront issus des trois albums du groupe, mais on a aussi droit, à mon grand plaisir, à quelques vieilleries de Complete and Total Fucking Mayhem. Autour de deux minutes pour la plupart, punks et expéditifs, ils se marient étrangement bien avec les titres plus longs et épiques du dernier album. Entre "Goat Vomit Nightmare", "The Nuckelavee" et "Warlocks Grim", dont on reprend d’ailleurs en choeur le refrain le poing levé, la sélection de nouveaux morceaux est d’ailleurs parfaite, bien représentative de toutes les différentes nuances de black et de speed qu’Hellripper peut offrir en 2023.
Et il n’y a pas à dire, un des grands atouts d’Hellripper, c’est aussi sa communication avec son public : James semble ravi de l’enthousiasme de la salle et nous le fait savoir, avant de se jeter à plusieurs reprises dans le public et d’inviter du monde à slammer pour passer sur scène. Il ne vole pour autant pas la vedette au reste du groupe, ce qui peut vite être le cas avec un leader charismatique, qui plus est seul compositeur du projet… Mais pour un one-man band, Hellripper sait se transformer en véritable groupe en live dont les musiciens ne font pas simplement office de figuration. Le concert se termine sur le désormais tubesque “All Hail The Goat” sur lequel James file son micro à un guest (que je n’ai malheureusement pas reconnu) et une reprise de Slayer. Bref, les Ecossais ont tout rasé, ont fait couler toute notre sueur et tué nos cordes vocales. Et on les remercie très fort. S’il était déjà un des groupes les plus efficaces dans la scène black/thrash, les sorties récentes d’Hellripper propulse définitivement le groupe à un autre niveau. Une telle qualité de composition, un exercice d’équilibriste entre l’hommage à l’old school raw et une patte personnelle plus moderne, l’élève au-dessus de toute concurrence. Qu’une chose à dire : All hail the Goat !
On ressort de ce festival court mais sans temps mort forts satisfaits : à part la nourriture, tout aura été parfait, du son à l'ambiance en passant par les bières (point non négligeable).
Un grand merci aux groupes pour cette belle journée et à l'orga pour leur travail et l'invitation !