Punkach' renégat hellénophile.
À bas la cagoule ! Le black metal des, disons, 10 dernières années, s'est allègrement perdu sur les sentiers ritualistes, empêtré qu'il était dans ses toges et ses volutes d'encens. Depuis est apparu un nouveau courant qui remet le bruit et la fureur au centre du pentagramme, qui retourne en fait à ses origines populaires – dans le sens que vous voudrez y trouver – marquées par le punk et le speed/thrash, mais qui arrive à le faire avec intelligence. Un groupe comme Hellripper (dont notre chronique du dernier album est à (re)lire ici) incarne très bien cette nouvelle mouvance, mais on ne peut pas non plus passer à côté de l'apport bien particulier de Malokarpatan.
Le groupe slovaque a tout envoyé paître quand il a débarqué avec Nordkarpatenland en 2017, véritable ruade éthylique marquée à la fois du sceau de l'ancêtre fondamental Master's Hammer et du folklore populaire de sa région d'origine. À tel point que beaucoup semblent avoir oublié qu'il y avait eu un premier opus deux ans plus tôt. Par contre, l'album suivant marquait déjà un changement de ton : Krupinské ohne était moins sauvage, moins punk en fait, mais aussi plus riche d'influences artistiques horrifiques. Il faut dire que le groupe avait entretemps changé de chanteur, Temnohor cédant le micro à HV, qui est aussi le chanteur de Krolok, autre projet teinté de fantasmagories mi-baroques et mi-impressionnistes.
Une nouvelle veine que personnellement j'appréciais aussi beaucoup, mais qui a pu en perdre quelques-uns en chemin, et que continue de creuser ce Vertumnus Caesar mais... et bien, pas de la même manière. Ce quatrième album reste fidèle à la thématique d'Europe centrale du groupe et se penche sur la geste de Rodolphe II, empereur du Saint-Empire de 1576 à 1612, et propriétaire du plus grand cabinet de curiosités d'Europe en son temps. Autant dire qu'on retrouve une ambiance assez baroque, qui se prête encore assez peu à la course de brouettes entre paysans des Carpates perchés à la pálinka. Mais l'album se révèle aussi plus généreux en riffs que son prédécesseur, faussement propre avec quelques bribes de punk en embuscade sur « Očár postupuje temnomodrými dálavami na juhozápad », ou encore complètement heavy foutraque sur un « Vovnútri chlácholivého útočišta kunstkamru ». Là où Malokarpatan restait jusqu'ici attaché à un folklore populaire, Vertumnus Caesar nous fait découvrir le faste et la folie de la cour – et pas n'importe laquelle : celle du prince qui a offert à Prague sa réputation de ville des alchimistes et des kabbalistes. Le morceau éponyme ouvre donc les portes d'un univers plus urbain, fait de ruelles tortueuses, de passages secrets, et d'alambics aux glougloutements occultes ; un terrain propice au jet de dés funeste pour qui s'y risquerait, sur un « Maharal a Golem » absolument fascinants de sonorités mystérieuses, entre vieux dungeon crawler et orientalisme.
Personnellement, j'apprécie beaucoup cet album ; je pense qu'il confirme que Malokarpatan fonce, le corbillard grand ouvert, dans une direction qui sait encore surprendre après quatre albums. Et Vertumnus Caesar offre aussi, à mon humble avis, des portes d'entrées plus faciles aux fans de Nordkarpatenland qui avaient eu un peu de mal avec Krupinské ohne. Reste maintenant à espérer enfin voir nos Slovaques en tournée hors de leurs terres carpatiques.
Tracklist :
1. Na okraji priepaste otevíra sa hviezdny zámek
(On the Side of the Abyss, the Starry Castle Opens)
2. Kočár postupuje temnomodrými dálavami na juhozápad
(The Carriage Moves Southwest Through the Dark-Blue Distances)
3. Vertumnus Caesar
4. Vovnútri chlácholivého útočišta kunstkamru
(Withinside the Kunstkammer's Soothing Solace)
5. Panstvo salamandrov jest v kavernách zeme
(The Mansion of Dragons Is in Caverns of the Earth)
6. Maharal a Golem
(The Maharal and the Golem)
7. Mnohoraké útrapy milostpána Kelleyho
(The Manifold Sufferances of Sir Kelley)
8. I hle, tak zachádza imperiálna hviezda
(And Lo, Thus the Imperial Star Descends)
