Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

On ne va pas se prétendre plus pagan que ça : qu’est-ce qu’on a eu froid ! Et pourtant, nous ne sommes pas si mal équipés. Mais si le thermomètre dépasse les 30°C dans la journée, nous sommes quand même en septembre dans le nord de l’Allemagne, et qui plus est, coincés entre une forêt et une rivière. Résultat : 10°C à tout casser une fois le soleil couché, et bien qu’il n’ait pas plu une goutte durant tout le festival, il n’empêche que nos tentes sont percées d’humidité. Le Prophecy Fest n’est pas le genre d’événement où on se rend en se souciant trop de son petit confort. 

Non pas que l’organisation ait négligé ce point, bien au contraire : les campeurs ont accès à des sanitaires (très propres) en suffisance et à des points d’eau directement reliés aux canalisations publiques, encore que le tout se retrouve fort concentré au même endroit. Pour ce qui est de la douche, le festival a négocié un accès gratuit à celles de la piscine publique de Balve, valable seulement le samedi matin, toutefois. C’est déjà salutaire, mais attention à la perception allemande des distances : j’avais donc 2,2 km à pied jusqu’à l’oasis, puis le retour, sous le soleil matinal. Comme le système de parking n’est pas terrible (10€ pour trois jours et on ne bouge plus, ou 5€ par jour, mais en pouvant bouger la voiture) il y a là un point à améliorer. Pas tant pour moi que pour les personnes à mobilité réduite par exemple, encore que j’aurais aimé profiter des matinées pour pousser plus loin dans cette belle région.

Bref, le mercure grimpe, il est temps de retrouver notre refuge troglodyte et ses très agréables 20°C constants.  

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Samedi - Jour 2

Groupes évoqués : Gospelheim | Slagmaur| Saturnus | Gràb | Novembers Doom | Dornenreich | Dymna Lotva | Tar Pond | Vemod | Agalloch |

Gospelheim
Second stage

Matthias : On fait l’impasse sur les Suisses de E-L-R et leur atmo’doom quasiment instrumental pour se masser devant une des curiosités que j’ai repérées sur la petite scène. Déjà, on les remarque : le couple gothique en col romain et couronnes d’épines qui déambule près de la scène s’avère en fait être Ricardo Calhau et Coco Mengele (oui…), chanteur/guitariste et chanteuse/bassiste du groupe de Manchester Gospelheim. Qualifiés de groupe de gothic metal, pour moi les Anglais professent certes quelque chose qui n’y est pas tout à fait étranger sur album, mais que je trouve plus proche du post-punk, en particulier ici en live. Ils défendent là une sélection issue de leur premier album, sorti l’année dernière, Ritual & Repetition. Le son ne leur rend pas tout à fait honneur toutefois, et une partie de la subtile douceur du chant à deux voix disparaît dans les limbes. On dodeline en tout cas avec plaisir sur “Praise Be”, avant un “Satan Blues” qui donne envie de se déhancher au carrefour le plus proche. Dommage que l’aspect technique, qui pêche un peu, ait empêché de vraiment briser la glace entre le groupe et l’audience, mais Gospelheim est un nom à suivre pour qui apprécie le revival néo-new wave actuel. 

Slagmaur
Main stage

Matthias : Changement radical d’ambiance, avec le groupe le plus purement black metal du festival - encore que j’admets que sur album, ça se discute. Nous arrivons assez aisément à nous faufiler jusqu’aux barrières, et nous avons bien fait, car le spectacle en vaudra la peine. Les Norvégiens de Slagmaur apparaissent sur scène, grimés et masqués, ce à quoi je ne m’attendais personnellement pas - soyons honnêtes, pour moi, c'est une découverte. Têtes de bouc et de porc, masques difformes, tenues ecclésiastiques ; visuellement, c’est du très costaud. À tel point que les photographes s’en donnent à cœur joie, bien aidés par un groupe qui entame son set par un long morceau presque instrumental. Le bon docteur Von Hellreich baragouine bien un peu sous son crane avien, mais bon, il a aussi largement l’occasion de prendre la pose devant les objectifs. Mais je médis ; c’est peut-être juste un peu tôt dans la journée pour apprécier à sa juste valeur un show aussi occulte. Slagmaur professe quoi qu'il en soit un black avant-gardiste ultra-carré, voire teinté d’indus par moment, sur lequel on peut allègrement se déboiter la nuque sans le moindre souci (ce “Werewolf” !). Mais le chant plutôt en retrait me faire un peu sortir du concert, moi qui ne suis pas vraiment fan des longues plages instrumentales qui parsèment pas mal de morceaux. D’autres par contre, comme “Wildkatze”, sont de vrais moments de bravoure. Je suis par contre un peu surpris par l’absence de basse en live, mais soyons honnête, elle n’a pas manqué. 

Setlist :
The Drummer of Tedworth
Werewolf
Bestemor Sang Djevelord
Drako Gigante
Lange Knivers Natt
Wildkatze

Saturnus
Main stage

Varulven : La deuxième et dernière journée du Prophecy Fest commence pour moi avec un nouveau groupe de doom/death. Bien connu des aficionados du genre, Saturnus a sorti cette année The Storm Within, un nouvel album mettant fin à un silence discographique de 11 ans de la meilleure des manières. Reprenant la formule doom/death mélancolique propre aux précédents albums, Saturnus l'enrichit par une dimension atmosphérique plus accrue, à base d'effets de chœurs et de reverb' sur des arpèges et des leads de guitares lumineux.

De tous les groupes du week-end, les Danois sont certainement les plus communicatifs avec l'audience. Sollicitations, tapages dans les mains, grands sourires, blagues, leur attitude contraste quelque peu avec ce que l'on voit habituellement dans le style, même si (et heureusement), la sobriété de leur tenue s'accordait très bien avec toute la solennité et l'introspection que peut susciter leur musique. Majesté et immersion sont vraiment les émotions qui prédominent ce set, entrecoupées d'une aura plus éthérée et chatoyante.

Tout cela, c’est grâce aux mélodies aériennes et aux autres guitares clean qui parsèment les morceaux de The Storm Within, qui seront trois à être joués au total. Parmi eux, le morceau éponyme, long titre de 11 minutes, qui rassemble toutes les caractéristiques décrites ci-dessus. Mais aussi le très touchant "Even Tide", qui met l'accent sur la facette plus fragile de Saturnus. Quelques notes de piano en fond, et la voix de Thomas Jensen en spoken word, accompagnée par Paul Kuhr de Novembers Doom, pour un dialogue très intimiste sur fond de bonne camaraderie. Évocation, voyage et unité furent les qualificatifs de cette expérience  souterraine en compagnie de Saturnus. Allons-nous remettre cela fin octobre à Rennes ? Tout est possible, après tout. 

Setlist :
The Storm Within
Empty Handed
Even Tide (avec Paul Kuhr de Novembers Doom)
Breathe New Life
I Long
Christ Goodbye

Bon, Illudium sera victime de notre appétit. Parce que oui, je n’ai pas encore parlé de la bouffe, alors que c’est la première question à se poser quand on découvre un festival. Et bien le Prophecy Fest tient très bien son rang, pour un événement de cette (petite) ampleur. Je dirais même que l’Allemagne offre ce qu’elle a de meilleur : nous avons droit à un stand friterie avec quelques déclinaisons de saucisses d’un côté, et à un kebab de l’autre qui propose aussi des options vegan (du veggie kebab à la pâte de haricots à la soupe de lentilles en passant par des feuilles de vigne, ce qui a le mérite d’être original).  Alors, c’est déjà pas mal ; mais viennent les bretzels, au sel et surtout au fromage, et là le Prophecy gagne une longueur d’avance sur la concurrence. D’autant plus que la pils locale est sympathique, et que nous pouvons toujours goûter (au même prix, soit 4€ ; c’est la norme) le fruit de la LandbrauereiTobias Mohrmann que personnellement, je préfère en schwarzbier, très légère tout en ayant son petit goût bien particulier.

Gràb
Main stage

Matthias : Je n’ai sans doute pas assez révisé ma copie, car je m’étonne du soudain engouement devant la grande scène. Mais c’est en fait à un petit événement qu’on va assister, me rappelle-t-on bien vite : le premier concert de Gràb, groupe de black atmosphérique bavarois qui, à la base, avait même certifié que ce serait le seul - Et puis finalement peut-être pas, de son aveu même, comme s’il avait trouvé l’expérience assez plaisante. Bref, on verra si le projet se concrétise, mais en attendant, on essaie de ne pas perdre une miette de ce que nous conte le chanteur et compositeur Grànt : celle d’un vieil homme qui opte pour la solitude en attendant la mort, thème qui sert de fil rouge à Zeitlang, unique album du projet.

Gràb souffrira hélas de quelques couacs techniques, un chant faiblard pour une guitare inaudible au début du concert, avant que la situation sonore se stabilise. Grànt prend le temps d’expliquer certains de ses morceaux, illustrant de manière quelque peu théâtrale les différents actes de son histoire, sans doute un peu trop pour marquer une transition adéquate entre chacune de ces longues pistes atmosphériques, mais rappelons qu’il s’agit là d’une première pour lui aussi. Ma fatigue me trahira quelque peu, mais j’en serais quitte pour une séance de rattrapage à domicile : Zeitlang est une superbe pièce atmosphérique, à la fois classique et dotée d’une certaine originalité dans un genre qui se répète un peu parfois. Si vous êtes passés à côté alors que vous soyez friand du style - c’était mon cas - je vous en recommande vivement l’écoute. 

Novembers Doom
Main stage

Varulven : Paul Kuhr est de retour sur la Mainstage, mais cette fois-ci avec son propre groupe. Peu présent sur notre territoire, Novembers Doom est une autre formation bien connue de la mouvance doom/death. Ayant des éléments communs avec My Dying Bride ou Saturnus, il diffère de ces derniers par un aspect death metal "progressif" plus prononcé, qui peut parfois rappeler Opeth en plus compact et plus riffu. Ajoutez à cela des parties acoustiques aux tons très automnaux, et la comparaison avec les Suédois prend tout son sens, dans une version bien plus épurée et doom, bien évidemment.

Et autant dire que cet aspect plus “brutal” des Américains est bien présent ce soir. La puissance, la force d'impact et le côté carré du mur de guitares sont des éléments qui dominent le set, avec la profondeur des growls de Paul Kuhr pour appuyer davantage ce point. Ce qui, dans le cas présent, est un inconvénient pour apprécier complètement le concert. Car le manque de clarté du rendu sonore au niveau des guitares, sans être atroce, m’empêche de discerner clairement les riffs, et on ne perçoit qu’une masse de gros sons jouée très fort.

De ce fait, toutes les subtilités et autres finesses propres à la musique du groupe passent quelque peu à la trappe, à l’exception de certains morceaux qui font la part belle à cette facette plus ciselée. On pense à l’intro “Awaken”, dont les leads nous caressent de leur mélancolie. Le classique “Amour of The Harp”, extrait du premier album Amid its Hallowed Mirth, qui nous renvoie à l’ambiance inquiétante et désespérée que l’on retrouve dans le doom de My Dying Bride. Et surtout le magnifique “Ghost”, véritable instant de recueillement au refrain digne de la délicatesse d’un Katatonia. Quel dommage que les musiciens n'aient pas joué plus de titres de Hamartia, qui illustre le mieux tous les contrastes que l'on peut trouver chez Novembers Doom. On peut dire que ce ne fut pas vraiment le cas ce soir. Si cela l'avait été, nous aurions eu plus de chances d'avoir un show excellent plutôt qu'un concert correct.  Avec des qualités certes, mais en demi-teinte malgré tout.

Setlist :
Awaken
Rain
Petrichor
Ghost
Heartfelt
Amour of the Harp
Buried
​The Pale Haunt Departure

Dornenreich
Main stage

Quentin : La foule se fait de plus en plus grande autour de la Main stage. Et pour cause. Dornenreich se présente devant le public de Balve pour un set très particulier. Très discret sur la scène metal, le trio se produit en effet rarement en live, et encore moins pour des sets orientés metal. C'est pourtant ce à quoi nous aurons droit ce samedi, pour la première et unique fois de l'année 2023.

Une excellente nouvelle, car tout le monde s'attend à voir tout ce qui fait de Dornenreich un groupe unique et original dans le paysage black metal. Des qualités que beaucoup de fans considèrent comme mises en évidence dans un album en particulier : le fameux Her Von Welken Nächten. Un concentré de riffs étranges et rageurs, sur lesquels viennent se poser les vocaux schizophréniques et habités du leader Eviga, pour former un ensemble suintant une certaine forme de poésie et de romantisme déstructuré. 

"Was zieht Her Von Welken Nächten…". Le public de Balve exulte à cette annonce chuchotée par Eviga au micro. Car elle introduit "Eigenwach", ouverture du cultissime album susnommé. Nos attentes vont donc être comblées, et pas qu'un peu. Sur les sept titres joués, quatre sont issus de Her Von Welken Nächten, et vont constituer la ligne directrice de ces 50 minutes. C'est un déluge de riffs massifs en palm muting et de trémolos déchirants qui s'abat sur l'assistance. Et bien que la musique du groupe ne soit pas réputée pour sa violence extrême, nous sommes tout de même bien secoués par l'envie et l'intensité rageuse qu' Eviga et son ensemble mettent dans chacune de leurs parties. Ce magma compact et ordonné, et pourtant complètement fou et insaisissable, est alimenté en folie par la performance vocale d'Eviga.

Ce dernier fait tout ce qu'il est possible de faire pour un vocaliste. Il hurle, chuchote, parle, récite, et toujours en insufflant dans ses lignes de chant ce trouble à la fois poétique et si inquiétant. Une énergie bipolaire, car  contrebalancée par des mélodies de violon qui, bien que sombres, elles aussi, n'en demeurent pas moins plus apaisées et contemplatives. Eviga nous a promis un show metal, ses promesses ont été plus que tenues. Et c'est sur des remerciements à notre attention, pour saluer "le dévouement et la passion pour cette musique", que Dornenreich nous quitte. En nous laissant un très fort besoin d’encore. 

Setlist :
Eigenwach
Jagd
Schwarz schaut tiefsten Lichterglanz
Wer hat Angst vor Einsamkeit?
Der Freiheit Verlangen nach goldenen Ketten
Erst deine Träne löscht den Brand
​Trauerbrandung

Dymna Lotva
Second stage

Matthias : Ce fut ma première remarque après avoir compris le système en deux sets d’une vingtaine de minutes pour les groupes de la petite scène : pour Dymna Lotva, dont le dernier album compte 13 pistes d’une densité sans pareil pour une heure et douze minutes, c’est extrêmement dommage. D’autant que le groupe biélorusse joue de part et d’autre de Dornenreich, qui va fort logiquement drainer toute l’attention. La nôtre aussi d’ailleurs, soyons honnêtes, et vu l’affluence devant la grande scène on se résout à penser stratégique : on foncera voir le second set dès la dernière note de violon des Allemands.

Malgré ces conditions loin d’être idéales, l’audience pourtant est au rendez-vous, et les Biélorusses en exil ne perdent pas une seconde pour nous plonger dans leur musique déchirante. Que les cuistres qui ne veulent pas voir de politique dans l’Art aillent vite se cacher : la chanteuse Nokt, tout en robes immaculées et larmes de sang, se drape dans le drapeau ukrainien, tandis que celui des opposants au régime de Minsk recouvre la batterie. Et elle se déchire et éructe sur un “Come and See” dont le titre suffira à faire comprendre aux cinéphiles les plus traumatisés de quoi il retourne. Sous ses oripeaux qui rappellent la scène pagan slave, c'est en fait une terre gorgée de sang et ses peuples martyrs que chante Dymna Lotva, un XXe siècle d’atrocités qui n’a jamais vraiment pris fin. Le set, bien trop court évidemment, installe toutefois très vite une émotion difficile à contenir et qui manque bien d’éclater quand commence “Buried Alive”, alternant entre rythmes lancinants et chant à s’arracher les veines. La chanteuse termine prostrée au sol devant un parterre au bord des larmes, et c’est ainsi que s’achève le concert le plus émotionnellement éprouvant du festival. Je martèle depuis, et je ne suis sans doute pas le seul, que Dymna Lotva méritera largement sa place sur la scène principale l’année prochaine. 

Setlist :
Into the Swamp
The Land Under The Black Wings
PS Funeral of the Ground
To Freedom
Come And See
Till The End
Death Kisses Your Eyes
​Buried Alive

Vemod
Main stage

Matthias : Après ce moment difficile, le set des Norvégiens fait un peu office de bouffée d’oxygène. On se trouve un coin pas trop bondé et on les écoute enchaîner les pistes de leur seul album Venter på stormene - comme d’habitude en fait. Un concert de Vemod n’est jamais un moment de communion avec le public, mais dans le cas présent, il se révèle apaisant, tandis qu’on contemple le jeu des lumières bleues qui dansent parmi les nuances de roche, sur les parois de la grotte. Il y a peu à dire d’un concert de Vemod en fait, si ce n’est que c’est là l’un des shows qui se prête le mieux au cadre exceptionnel dans lequel nous nous trouvons, et dont je ne me lasse absolument pas. 

La fatigue pourtant se fait sentir, d’autant plus que vu le nom de la tête d’affiche, notre grotte semble bien plus peuplée, et la foule devant la scène se fait à chaque fois un peu plus dense. On fera donc l’impasse sur Darkher pour prendre l’air, souffler, et se sustenter. Le groupe ne devait d’ailleurs à l’origine pas jouer si haut sur l’affiche, mais il a été déplacé du vendredi au samedi pour remplacer le set d’Arthur Brown, disciple britannique de la légende Screamin' Jay Hawkins et qui a le bon goût de continuer à se produire à 81 ans. Le vieux rocker est d’ailleurs un habitué du Prophecy Fest mais cette année, il a dû annuler sa venue au dernier moment, non pour raisons de santé (on s’y serait attendu, vu son âge) mais parce que tous ses musiciens de scène ont eu un empêchement en même temps. Bon, ça arrive, je suppose. On souhaite en tout cas au vieux rocker de continuer à se porter aussi bien pour qu’on puisse enfin le découvrir sur scène, sans doute ici même. 

Tar Pond
Second stage

Varulven : Sorti du set de Vemod avec des galaxies plein les yeux, l'heure est venue de prendre un semi-repos en allant se poser non loin de la petite scène. Une bonne bière à la main, debout près des tables du bar, sont les conditions idéales pour écouter le set de Tar Pond. Dernier groupe de l’ex Celtic Frost Martin Eric Ain avant son décès prématuré en 2017, Tar Pond sort un premier album entièrement doom en 2020. Avant de revenir cette année avec Petrol, album plus varié empruntant cette fois-ci plus d’éléments aérés et post metal, tout en gardant le socle doom de départ. Deux facettes que l’on retrouve encore une fois bien mises en avant lors des deux sets entrecoupés par le passage de Darkher.

Si, pour mes collègues hornsupiens, l’écoute, même discrète du concert, s’avère être un excellent somnifère, j’arrive pour ma part à me laisser envelopper par cette ambiance d’apocalypse à base de riffs en boucle, grondants et monolithiques. Certes, la fatigue me force à n’avoir qu’une écoute lointaine, mais cet état d’attention passive me permet tout de même d’être immergé dans les deux sets en lâchant prise. Si je les revois un jour en étant en pleine forme, je suis persuadé que je serai totalement happé par leur univers. 

Agalloch
Main stage

Varulven : Nous sommes à l’été 2015. Agalloch, groupe américain affilié à la scène black metal la plus naturaliste, donne deux concerts sur le territoire français. Alors en pleine découverte du projet, je préfère zapper le groupe pour des vacances en famille en me disant “ Boarf, je les verrai bien plus tard quand je connaitrai mieux”. Et puis, non. Car John Haughm annonce en mai 2016 sa dissolution définitive, en raison d’un conflit avec les autres membres. Anéantissant ainsi tous mes espoirs de voir le groupe un jour. Et pourtant. 

 9 septembre 2023 : 7 ans après leur séparation, Agalloch s’apprête à remonter sur scène pour la première fois. Et autant dire que la ferveur est à son comble. Le public qui se masse devant la mainstage est deux fois plus nombreux que sur l’ensemble du festival, et vu le nombre de t-shirts à l’effigie du groupe, on sait que pour moitié, il est venu spécialement pour les Américains.  

C’est après une longue intro que les premières notes de “Limbs” retentissent. Le rideau tombe, et l’on découvre les quatre musiciens, prêts à nous emmener avec eux pour un long voyage.  Un très long voyage, car comme nous le précise John Haughm, c’est pendant près de deux heures que le groupe va nous jouer des titres issus de tous ses albums. Une information qui laisse présager un concert aux multiples ambiances, tant la discographie est variée. Et c’est en effet ce que nous avons. Du metal atmosphérique aux touches prog de Ashes Against The Grain, avec “Limbs”, la nostalgie de “Not Unlike The Waves” et surtout les leads entêtants de “Falling Snow”. Mais malgré la diversité de la setlist, il faut bien reconnaître que beaucoup de titres ont été retravaillés pour le live. Beaucoup de parties acoustiques ont en effet été remplacés par des leads ou des guitares électriques cleans, pour un rendu bien plus pêchu et metal que sur album.

Et si le manque de clarté de certaines parties de guitares (encore) m’empêche de complètement reconnaître les morceaux de Marrow of The Spirit, les quelques parties acoustiques qui demeurent permettent de se raccrocher  à l’atmosphère introspective propre au groupe. C’est le cas sur les tant attendus morceaux de The Mantle, l’un de mes albums de chevet, tous styles confondus. On ressent pleinement la teinte brumeuse de “I Am The Wooden Doors”, mais davantage les teintes dark folk blackisantes du cultissime morceau fleuve “In The Shadow of Our Pale Companion”. Et si vous rajoutez à cela toute l’intensité des mélodies doomy de Pale Folklore, alors vous obtenez le combo gagnant pour une rétrospective réussie. En dépit de l’étonnement généré par le choix d’une version plus metal, pour des passages connus pour leur finesse, Agalloch nous a offert un comeback des plus fracassants. Emportant avec lui toute l’assistance du Prophecy Fest 2023 dans son monde d’immensités sauvages et de tranquillité naturelle. Isolé, hors du temps. Un peu comme ces trois jours d’autarcie, dans la caverne aux merveilles de Balve. 

Setlist :
Limbs
Ghosts of the Midwinter Fires
Dark Matter Gods
Not Unlike the Waves
As Embers Dress the Sky
I Am the Wooden Doors
Dead Winter Days
In the Shadow of Our Pale Companion
Into the Painted Grey
Falling Snow
Our Fortress Is Burning... II: Bloodbirds

*

Conclusion

Le Prophecy Fest est vraiment un événement à part sur la carte des festivals européens. Outre son cadre des plus particuliers, c’est aussi et surtout un rendez-vous presque confidentiel entre passionnés de musique, capables de bouffer de la route pour en faire partie - à la plus grande stupéfaction des locaux d’ailleurs, peu habitués à entendre tant de langues différentes dans leur petit bout de Westphalie. Ce caractère passionné, et sa très petite jauge alors qu’on a largement la place pour ne pas se marcher dessus, font aussi de ce festival un véritable moment d’échange et de convivialité où tout le monde échange volontiers quelques mots, dans une langue ou dans trois à la fois. Honnêtement ça nous change, d’autant plus quand on a plutôt l’habitude des festivals de black metal saturés de boomers. Personnellement, j’y retrouve l’ambiance d’un Rock in Bourlon, autre événement de niche en très petit comité. Bien sûr, l’infrastructure mériterait quelques réglages, mais on sent la volonté de l’organisation d’offrir une expérience différente des festivals tendance foire à la saucisse que tout le monde connait et qui ne m’intéressent plus. Le Balver Höhle pourrait donc bien devenir un de mes rendez-vous traditionnels des mois d’été.

La première partie de nos aventures cavernicoles est à (re)découvrir ici !

Un grand merci à Carsten Brand pour les photos du site et du festival.