hell god baby damn no!
Il aura fallu 8 ans à Dødheimsgard pour donner un successeur à A Umbra Omega, et il m'aura fallu 5 mois pour ouvrir un document et entamer sa chronique. Emploi du temps chargé de mon côté, certes, mais je ne peux pas nier avoir passé du temps à me demander par quel bout commencer. Le but de la chronique n'est pourtant pas de vous donner à lire un texte aussi complexe et alambiqué que l'album – c'est même tout le contraire. Mais l'écoute d'un album de DHG est toujours une expérience qui investit complètement son auditeur, sans compter qu'il faudra bien quelques passages avant de réellement cerner la musique. Il y a donc forcément une certaine anxiété à l'idée de figer ses réflexions par écrit, d'essayer de communiquer l'engouement que ce Black Medium Current a provoqué chez moi.
DHG fait partie de ces rares élus à avoir une carrière longue et impactante en un nombre d'albums très réduit. Mais chacun d'entre eux a son identité propre, sa propre vie, et aura fait son petit effet à sa sortie. 666 International, troisième opus du groupe, marquait clairement son tournant vers l'avant-gardisme et avait été, pour ma part, des années plus tard, une porte d'entrée vers ces contrées fascinantes des musiques extrêmes plus expérimentales. Supervillain Outcast continuait dans la surenchère de chaos et de violence, se démarquant par la présence de Kvhost au chant en remplacement de Vicotnik. Encore bien des années plus tard, A Umbra Omega offrait lui un autre virage, d'un calme troublant. J'avais pour ma part été immédiatement conquise par ses dissonances, renouant quelques ponts avec Ved Buens Ende ou Virus, formations auxquelles les membres de DHG ont été plus ou moins directement liés. Les Norvégiens maîtrisent en tout cas toujours l'art de se faire attendre et de toujours, en conséquence, surprendre leur auditorat (qui se demandait s'il y aurait bien une suite). En témoigne cette fois-ci les morceaux sortis pour promouvoir l'album : planants, lents, blindés de chant clairs, ils laissaient entrevoir un album prolongeant de manière relativement logique A Umbra Omega...
...Un premier constat qui ne se révèle qu'en partie vrai. Si Black Medium Currentconserve quelques parties planantes et énormément de chant clair, il est aussi beaucoup plus varié et rythmé que son prédécesseur. Plus de morceaux, déjà, et de nombreux riffs typiquement black metal qui parsèment la première moitié de l'album. Un retour surprenant, accompagné de celui du piano, très présent dans 666 international notamment. Mais au-delà des clins d'œils au passé, les véritables surprises se trouvent du côté des transitions ou superpositions incongrues, comme si de rien n'était. Brutalité et mélancolie du black metal d'un côté, lumière du space rock de l'autre, on passe également par les éléments électro si chers au groupe. Ceux-ci sont d'ailleurs de moins en mois timides et ne peuvent plus être résumés à "quelques synthés par-ci par-là" : DHG va piocher dans un registre large pouvant aller de la synth pop à l'ambiant, des 70s aux 2020s. Seul bémol : malgré ces revirements constants, Black Medium Current devient victime de sa longueur sur la fin, sur laquelle sont par ailleurs concentrés les morceaux au tempo le plus lent. Le temps semble ralentir, après une heure d'écoute.
Au milieu de ce mélange de sonorités rock et electro, de styles old school et modernes, de guitares et de synthés, se dégage bien sûr Vicotnik. Se contenter de dire que le chant clair devient plus proéminent serait un affront à toute la panoplie de registres dans lesquels ses lignes évoluent tout au long de l'album. Encore plus imprévisible que la musique, il hurle, chuchote, d'un ton pleurnichard ou solennel et passe des graves aux aiguës dans des passages psychédéliques rappelant les meilleurs Arcturus, pour rester dans la même scène. S'il fallait encore le prouver, Vicotnik est définitivement l'un des vocalistes les plus versatiles du metal extrême.
Véritable alchimiste de la composition, le groupe se dégage du besoin d'être dissonant ou chaotique pour être expérimental, et propose à la place un album véritablement équilibré. Bien que plus complexe, il peut paradoxalement s'avérer être une nouvelle porte d'entrée dans l'univers DHG tant chacun y trouvera des éléments d'accroche selon ses goûts. L'écoute pourra en revanche être plutôt assommante ou plutôt tripante selon les conditions, et l'écouter d'une traite peut se montrer soit éprouvant, soit gratifiant, et parfois les deux à la fois. Mais on y retrouve toujours assez de sensibilité pour s'y projeter et se laisser entraîner. DHG propose une sorte de best of augmenté de bientôt 30 ans de carrière, allant repiocher dans le black metal pour le lier à l'indus ou au psyché. Toute l'émotion qui se dégage des mélodies et des vocaux l'empêche de tomber dans le démonstratif, et permet de créer un voyage complètement halluciné qui déroute autant qu'il fascine.
Tracklist :
1. Et Smelter
2. Tankespinnerens Smerte
3. Interstellar Nexus
4. It Does Not Follow
5. Voyager
6. Halow
7. Det Tomme Kalde Mørket
8. Abyss Perihelion Transit
9. Requiem Aeternum