hell god baby damn no!
Mine de rien, Hellripper s'approche déjà dangereusement des 10 ans de carrière. C'est fou à dire lorsque l'on voit l'âge de James McBain - le talent et la passion n'attendent pas les années, et le jeune Écossais en est l'exemple parfait. Les débuts du projet, dont la compilation Total and Fucking Mayhem est sûrement le meilleur témoin, dresse déjà un potentiel solide face à toute la masse de projets speed/thrash flirtant avec le metal extrême, s'approchant des meilleurs méfaits de Sabbat, Nifelheim ou Toxic Holocaust. On reproche souvent au style d'être répétitif (souvent à raison), mais Hellripper avait dès le début une hargne qu'on rencontre trop peu, et un sens du refrain aussi violent que fédérateur qui ne peut que conquérir celles et ceux qui l'écoutent. Ce qui, vu la masse de sorties, n'est pas aussi facile qu'il n'y paraît. De ces débuts sales, empruntant autant au thrash qu'au black ou au punk, le projet s'était déjà taillé une petite réputation dans la niche. Puis, comme toute évolution logique pour un projet ambitieux et riche en influences, on a vu le son se faire globalement plus propre, sans pour autant en perdre en violence. Black Arts and Alchemy et son « All Hail the Goat » est vite devenu un véritable hymne pour les fans du groupe, tandis qu'une signature chez l'écurie intouchable qu'est Peaceville Records consacrait cette évolution.
Puis vint Warlocks Grim and Withered Hags, il y a déjà presque six mois. Avec ces quelque temps de recul depuis la sortie, il semblerait que ce troisième album ait permis au groupe de passer un véritable cap en termes de popularité. Attendu au tournant, pour moi comme pour beaucoup d'autres, il a bien tourné dans mes oreilles, et, pour un style de musique aussi direct, j'ai au final mis beaucoup plus de temps que ce qu'on pourrait attendre pour m'asseoir devant mon ordi et mettre par écrit mon ressenti (bon je vous l'avoue, j'ai aussi eu une vie chargée). Car on ne va pas se mentir : si l'album a paru faire l'unanimité chez la critique, il a aussi marqué un tournant non négligeable pour Hellripper, en termes de reach mais aussi et surtout au niveau stylistique. Le second étant une des causes du premier, à n'en point douter.
Explosion de mélodies, de solos et autres envolées épiques, cette dernière cuvée a fait des déçus chez les fans de speed les plus purs. Pourtant, il en reste, de vrais moments de riffing à headbang et d'hommages à Venom et toute la vague proto-black des 80s. « Goat Vomit Nightmare » ou « The Cursed Carrion Crown » en sont des exemples parfaits, et il suffit globalement de regarder la durée de la piste pour savoir à quoi vous attendre. Un découpage assez grossier certes, mais qui a le mérite de ne pas trop diluer les mérites d'un style ou d'un autre. Pour le reste, James se concentre certes plus sur des vocaux black metal « classiques », mais les quelques hurlements déchaînés de thrasheur se font bien entendre, et complètent fort bien le déchaînement de mélodies en tremolo picking de certains morceaux. Et quand je mentionne cela, je ne veux surtout pas dire qu'on tombe dans le mielleux ou le mélancolique, mais au contraire dans de vraies envolées épiques ou dans des marches conquérantes dignes des meilleurs groupes suédois des 90s. Ce riffing aux allures parfois néoclassiques en accéléré ne détonneraient d'ailleurs pas dans un des premiers albums de Children of Bodom - un autre groupe mené par un prodige de la guitare qui, fut un temps, savait mettre des compositions complexes au service de l'efficacité. James sait créer des compositions très techniques, empruntant autant au speed qu'au heavy ou au black, sans jamais complètement perdre de vue un ressenti authentique et brut, important pour le style. Un travail d'équilibriste effectué à la perfection, alternant entre harmonies et solos vertigineux, rythmiques effrénées ou mid-tempo conquérant.
Difficile de parler de cet album sans évoquer l'éléphant dans la pièce - ou dans le cas présent, la cornemuse dans le black metal. La touche folklorique est pourtant anecdotique, mais James n'a jamais caché son attachement à son Écosse natale. Il commence à l'intégrer dans l'ADN d'Hellripper au-delà de l'esthétique autrement très Satan ; outre les visuels avec des emblèmes issus de clans de ses propres racines, le morceau titre nous balance donc en toute tranquillité de la cornemuse sur sa fin de manière presque cérémonieuse. Et avec le côté déjà marche mid-tempo du morceau, ça marche à la perfection.
Riche et complexe tout en restant bas du front quand il le faut, Warlocks Grim and Withered Hags témoigne d'un véritable talent de composition, d'une grande culture musicale mais aussi et surtout d'une passion fiévreuse. Hellripper récolte le succès qu'il mérite, et ne semble encore qu'au début d'un parcours musical déjà plus que prometteur. Alors que des groupes comme Midnight semblent se reposer sur une formule mid-tempo bien rodée, Warlocks Grim & Withered Hags propose une épopée pleine de rebondissements, variée, pour tous les goûts.
Cela commence déjà à être le cas, mais Hellripper a largement de quoi devenir une référence, en particulier s'il sait garder la fièvre du speed dans son apparent désir plus black. On les retrouvera à coup sûr de plus en plus haut sur les affiches de festivals, et si vous avez raté leur passage en Europe avec Spectral Wound plus tôt cette année, foncez aux nouvelles dates de cet été qui démarrent d'ici à quelques jours. Dans dix ans, vous pourriez dire que vous étiez déjà là !
Tracklist :
1. The Nuckelavee
2. I, The Deceiver
3. Warlocks Grim & Withered Hags
4. Goat Vomit Nightmare
5. The Cursed Carrion Crown
6. Poison Womb (The curse of the Witch)
7. Master Stoor Worm