Why not ?
Les Berlinois de The Ocean sont des lettrés engagés. Chaque album, dont les titres sont des mots uniques ou des concepts complexes, est centré autour de thématiques qui brusquent l’ordre établi : la critique de la religion, de l’obstination intellectuelle ou encore de la société de consommation. Mais ils écrivent aussi sur des thèmes peu abordés comme les ères géologiques (Precambrian en 2007) et par extension la paléontologie. Comme s’ils recherchaient dans nos origines, ou plutôt celles de notre planète, des réponses à ce que nous sommes, mais aussi des mises en situation auxquelles on ne s’attend pas. Holocene, leur dixième album est vu comme la suite des deux précédents Phanerozoic I et II et la conclusion du concept débuté avec Precambrian en 2007. Pour information, la période que l’on appelle holocène est celle dans laquelle nous vivons et qui a débuté il y a environ 12 000 ans. C’est une époque dans laquelle les choses vont plus vite et sont plus angoissantes et c’est ce climat pesant que The Ocean veut dépeindre à travers les cinquante-deux minutes et les huit titres de l’album.
The Ocean met en avant ses liens avec le progressif et le post-metal. Même si les morceaux ne sont pas forcément très longs, trois d’entre eux dépassent la barre des huit minutes. Cela veut donc dire que vous devrez vous accrocher pour suivre le chemin tracé par le groupe. Sur ces temps longs, celui-ci suit un fil autour duquel il va broder. Jamais on ne se sent perdu, largué par des moments de technique superflue.
Au contraire, ce que The Ocean sait faire, c’est travailler un crescendo, une montée en puissance avec finesse. En utilisant le chant comme fil d’Ariane, on sent la tension s’installer, par petites touches de guitares ou de cuivres comme sur « Atlantic ». On flotte, sans mauvais jeu de mots, sans dériver, rien ne semble pas à sa place. Les riffs sont entêtants et pile au moment où l’on se dit qu’il ne se passera plus rien, les guitares explosent et le chant monte encore d’un ton, comme l’apogée du titre, du propos que la chanson met en avant. Tout comme « Unconformities », qui prend, après plus de cinq minutes calmes avec un chant féminin, un tour inattendu et pour le moins surprenant. Vos oreilles vont vraiment en prendre un coup.
The Ocean semble nous raconter des histoires car si l’ensemble ne part pas dans tous les sens, on a l’impression de découvrir la bande originale d’un film dont on ne dessine pas les contours. « Atlantic » est construit sur un rythme mid tempo et des passages qui annoncent les suivants : à chaque fois, il y a un riff, un moment qui vient en incise pour préparer l’oreille et le cerveau à ce qui va suivre. On monte en puissance, sauf le chant, qui reste dans une certaine retenue. « Parabiosis » reprend cette idée de retenue, on suit des sinusoïdes qui montent de plus en plus haut et redescendent, tout comme les émotions de l’auditeur.
Ne vous méprenez pas, Holocene, sous ses atours parfois prog intello, est un album extrêmement équilibré. Si l’on retient d’abord les mélodies et ambiances plutôt sombres et calmes, poussées par quelques sons synthétiques, qui traversent l’album, elles ne sont pas exclusives. The Ocean sait faire éclater les riffs et mettre plus de metal dans leur mélange sur « Subboreal », où la double pédale et la saturation va venir envahir un titre pourtant parti calmement. Ou bien « Subatlantic » qui va mettre en avant des riffs bien tordus.
La conclusion de cette saga paléontologique est un album complet, qui navigue de bord en bord d’une musique aux touches électroniques, rock, prog et metal. Le mélange est homogène grâce à un travail de dressage expert, on ne s’ennuie jamais car on ne sait pas ce que le groupe nous réserve à la seconde suivante. Une petite pépite dans sa discographie qui se lit avec différents regards, un album dont on ne se lassera pas tout de suite.
Tracklist :
1. Preboreal
2. Boreal
3. Sea of Reed
4. Atlantic
5. Subboreal
6. Unconformities (feat. Karin Park)
7. Parabiosis
8. Subatlantic
