Punkach' renégat hellénophile.
Les bourgeons éclosent, le pollen se répand et les petits oiseaux chantent, et vous n'avez pas eu votre compte d'hiver dans cette Europe occidentale chaque année un peu plus tiède ? Alors il est temps de plonger la tête la première dans l'histoire de quelques âmes en peine qui ont connu le froid véritable.
Antrisch est un projet bavarois consacré aux grandes missions d'exploration de l'humanité et, après un premier EP consacré à la haute montagne, le groupe allemand se lance à travers les mers gelées avec son premier album, Expedition II: Die Passage. Certains, peut-être, auront déjà fait le lien : Antrisch nous conte le drame de l'expédition perdue de Sir John Franklin, partie en 1845 à la recherche d'un chenal entre l'Atlantique et le Pacifique à travers le cercle polaire arctique, pour la plus grande gloire de l'Empire britannique. Un périple pour lequel deux navires, les HMS Erebus et Terror, avaient été dotés des technologies les plus modernes pour résister à l'hivernage. Mais on ne les a plus jamais revus, ni d'ailleurs aucun des 129 marins et officiers à bord. Et les quelques indices retrouvés esquissent un récit tout aussi glaçant que le vent polaire. De quoi d'ailleurs inspirer un roman de Dan Simmons, dont une très bonne série a été adaptée, The Terror, produite par un certain Riddley Scott. Et maintenant, un album de black metal.
La coque qui racle et le bois qui craque, les derniers échos d'une fanfare et les adieux aux terres de la reine ; puis Antrisch nous plonge sans prévenir dans un black metal moderne à l'allemande, chanté dans la langue de... Eh bien la langue maternelle de Victoria, en fait. L'ensemble n'est pas sans rappeler un Der Weg Einer Freiheit, mais plus froid, plus désespéré encore, alors que le soleil se fait timide et que l'eau vire à la glace, qui presse sur la coque comme un titan primordial jouerait d'une coquille de noix. Ce n'est que le début : vient la faim avec « Wahnrationen - Saturnusparusie » et surtout le plomb de ces conserves censées préserver de la famine. Viennent les premières tombes, à creuser dans le sol gelé au rythme impitoyable de « In Perpetuum - Ewiger Schlaf im ewign Eis » et puis, inévitablement, les derniers tabous à briser pour une mince chance de survie.
Ces dernières années, on a pu localiser les épaves de l'Erebus et du Terror, pas forcément là où on pensait les trouver d'ailleurs. De quoi rallumer l'espoir de comprendre, tout en posant de nouvelles questions au passage sur le supplice des équipages. Difficile de toute manière d'imaginer l'horreur qu'ont vécu ces marins, mais le black metal moitié post et moitié atmosphérique d'Antrisch nous en offre en tout cas un bon aperçu, entre solitude et promiscuité, discipline de fer et folie de plus en plus incrustée dans les esprits, et puis cette désolation à perte de vue depuis le pont perché sur sa gangue de glace. A compter parmi ce que la musique extrême peut suggérer de plus puissant.
Tracklist :
1. I Festgefroren - Packeisfalle
2. II Wahnrationen - Saturnusparusie
3. III In Perpetuum - Ewiger Schlaf im ewigen Eis
4. IIII Vltima Ratio - Antropophager Frühling
5. IIIII Exodus | Tundrataumel - Croziers Bürde
6. IIIII Exodus | Tundrataumel - Croziers Bürde