"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Le metal indus, ce n’est pas un genre qui manque de formations, bien au contraire. Mais il est dur de trouver la perle rare, entre groupes qui ne font que photocopier les grandes gloires ou qui sonnent très cheap. Si l’Allemagne a ses clones de Rammstein qui pullulent, de l’autre côté de l’Atlantique, il y a de quoi faire même s’il faut bien évidemment trier le grain de l’ivraie. Je vois donc souvent passer de l’« Industrial Metal - United States » sans pour autant y trouver mon compte. Déjà, le spectre de l’héritage du genre en Amérique du Nord est généralement large, puisqu’il englobe aussi bien Ministry et Nine Inch Nails que Rob Zombie et Static-X, en passant par Fear Factory et le versant le plus « indus » d’un Marilyn Manson. Il faut donc déjà passer outre tout ce qui sonne davantage comme du metal alternatif ou ce qui est plus à considérer comme du « rock indus », étiquette particulièrement fourre-tout par ailleurs. Au-delà de ça, c’est un peu la foire mais de temps en temps, la belle surprise arrive. Je vous le donne en mille, la belle découverte du moment en matière de « metal indus américain » se nommera Void Chapter. Le groupe originaire de l’Etat de Washington ne m’était pourtant pas inconnu mais ses premiers efforts ne m’avaient pas assez accroché. Leur premier album, The Sprawl (2019), sonnait d’ailleurs plutôt comme une sorte de soundtrack cyberpunk. The Uprising, sorti l’année suivante, basculait réellement dans un pur metal indus, mais instrumental. Alors repéré par FiXT (The Algorithm), Void Chapter allait se préparer à réellement évoluer et montrer ce dont il est capable. Trois ans plus tard arrive donc humAnIty, qui comme vous l’aurez compris en lisant bien le titre de l’album et à l’instar d’un Neo Inferno 262 récemment, va traiter du sujet bouillant du moment, l’AI. Mais en retournant la table vu que le concept de l’album est axé sur une humanité qui tente de reprendre le dessus sur la vile intelligence artificielle. Un sujet science-fictionnel et d’anticipation parfaitement adapté à un genre comme le metal indus, surtout quand comme ici il va prendre des accents cyber et futuristes. C’est donc un tableau prometteur et Void Chapter tente de se poser comme une révélation.
Void Chapter tranche déjà assez avec ses deux premiers albums qui n’auront été que des brouillons dès qu’on les compare à humAnIty. Et tout américain qu’il est, Void Chapter va brasser assez large, prenant même ses distances avec un metal indus relativement puriste même si les influences sont évidentes. Si on peut trouver des points communs avec une certaine frange du metal indus américain moderne, Be My Enemy et Celldweller (d’ailleurs invité ici) en tête, Void Chapter chasse aussi sur les terres du cyber metal et lorgne assez du côté européen, se rapprochant d’un Cypecore voire même d’un Sybreed. Void Chapter peut même être vu comme la réponse américaine au cyber metal de Cypecore, si ces Allemands étaient plus connus ça serait même une évidence. Et encore, Void Chapter va détoner avec un album très varié. Contrairement à The Uprising, humAnIty n’est plus un album instrumental et le groupe va même se démarquer en assurant essentiellement ses parties de chant par des invité.e.s, issus de groupes de la scène electropop/indus américaine peu connus par chez nous (Daedric, The Anix), outre Celldweller cité plus haut. Le tout dans une ambiance toujours aussi cyberpunk, qui reste vraiment sa marque de fabrique, mais d’une manière bien plus tubesque qu’il n’y paraît. On retrouve donc le côté un peu accrocheur et facile d’accès avec des structures simples et immédiates, hérité des croisements du genre avec le metal alternatif ou le rock indus, mais Void Chapter reste tout de même une formation estampillée metal - et avouons que le terme « rock indus » est parfois davantage utilisé pour définir un groupe de metal indus plutôt mainstream. Le son est gros, propre et clair, tout est donc réuni pour faire de humAnIty un album au minimum plaisant, au mieux une petite bombe de metal indus. Et ça commence, après une intro qui nous pose bien l’ambiance et le concept, par déjà deux hits que sont « Diabolic » (avec le chant féminin « metal » de Daedric) et son refrain efficace ; et « Resist » aux excellents riffs cyber (guitares étant très inspirées tout au long de l’album), morceau bénéficiant en outre de l’expérience de Celldweller en la matière. Oui, la perle rare de metal indus américain, elle semble bien être là.
Tout au long de ses 54 généreuses et passionnantes minutes, Void Chapter va aller de surprise en surprise et s’échiner à ne jamais faire deux fois la même chose. Si « Reclaimer » avec ses grosses basses semble être le dernier reliquat de The Uprising, le plus atmosphérique « Drones » fait définitivement basculer Void Chapter dans un registre futuriste et aventureux qui lui va comme un gant. Il n’empêche que humAnIty aura encore d’autres hits à livrer dans sa tracklist. Outre le très remuant et ultra cyber metal façon Sybreed « Run from the A.I. », la dernière partie de cet album va envoyer un bel enchaînement de bombes. A commencer par l’énorme « Phobia » et ses relents syncopés de Fear Factory survitaminé et 100% punchy ; puis l’incroyable « Target Acquired » dans un registre lui plus cotonneux, qui avec le joli chant de Megan McDuffee ferait presque penser à du Mechina époque Progenitor ! Le plaisir est prolongé par le plus mélodique « A Thousand Cries », aux riffs vraiment entraînants et à l’ambiance cyberpunk enivrante, bien portée par le chanteur Robin Adams. Et le final assez épique, électro-symphonique et magistral qu’est « Our Time Is Now » clôt humAnIty en beauté avant l’outro plus sombre qu’est « The Wreckage », un splendide générique de fin pour une belle épopée cyberpunk. Qui n’est pas avare en facéties et humAnIty risque d’en perdre quelques uns, à l’image de l’étrange « Duel of the Fates »… qui est une reprise d’un des thèmes de Star Wars sonnant comme une musique de boss de jeu vidéo « en animé ». Il y a de légères longueurs (sachant d’ailleurs que la plupart des morceaux sont présentés comme des versions « extended » des singles d’origine) mais le déchet est vraiment négligeable tant Void Chapter a pas mal de choses à dire, même si l’intérêt sera hétérogène selon les goûts de chacun. Soyons clairs, cela reste un style de niche jusque dans le concept, qui ne sera apprécié que par les seuls initiés, même si humAnIty est souvent très accessible et tubesque, peut-être un peu trop pour les plus d4rk d’entre nous. Sans révolutionner des codes établis mais en proposant un spectre assez large soutenant le meilleur du metal indus US tout en redonnant ses lettres de noblesse au style cyber metal, ce troisième opus de Void Chapter est une petite pépite avec de belles tueries qui garniront les playlists de fin d’année (« Resist », « Drones », « Phobia », « Target Acquired »… pour insister). Amateurs de metal indus de manière générale, surtout quand il se pare d’une aura cyberpunk et futuriste, cochez le nom de Void Chapter, qui vient de sortir un des réjouissants bangers de 2023.
Tracklist de humAnIty :
1. humAnIty Is the New A.I. (0:35)
2. Diabolic (4:31)
3. Resist (5:02)
4. Reclaimer (5:18)
5. Drones (5:56)
6. Duel of the Fates (4:23)
7. Run from the A.I. (5:02)
8. Phobia (4:53)
9. Target Acquired (5:51)
10. A Thousand Cries (4:20)
11. Our Time Is Now (5:22)
12. The Wreckage (2:24)