Non.
Pour beaucoup, Tribunal évoque plus un bar mythique à Tilburg (Pays-Bas) qu'un groupe de doom canadien. Pourtant, c'est bien ce dernier qui a fait parler de lui en janvier 2023, à la sortie de The Weight of Remembrance. Un premier album, c'est toujours une offrande sincère et honnête ainsi qu'un grand pas dans la cour des grands. Bref, une porte entrouverte sur le monde très singulier de ce duo, composé d'une chanteuse bassiste violoncelliste et d'un guitariste chanteur.
J'ai volontairement laissé traîner la chronique de cet album car je ne voulais pas être influencée par ce que le projet laissait présager sur le papier : doom + esthétique gothique prononcée + chant féminin + violoncelle. De quoi me happer très rapidement, peut-être trop ! Après de multiples écoutes, force est de constater que Tribunal a bien réussi son pari : se distinguer des autres groupes qui ont pu passer par ces cases.
Ici, le chant féminin est puissant et ensorcelant, comme peuvent le proposer les chanteuses de Rituals of the Oak, Ponte del Diavolo, Sabbath Assembly ou Messa, pour exemples. C'est à préciser car il est d'habitude plutôt lyrique et doux, surtout quand il sert à contrebalancer le chant hurlé d'un homme. Ici, les équilibres sont à trouver ailleurs, puisque les deux chants semblent s'entraider plus que s'opposer.
Ensuite, le violoncelle, sans être central, est clairement un pilier de l'album. Le son grave des cordes frottées, solennel à souhait, sert bien sûr ici le propos : en apportant une rondeur et une vibration que la basse ne pourrait même pas rêver proposer, en proposant des mélodies entêtantes autres que celles du chant clair. Il est une voix à part entière, sensible, qui n'a rien à voir avec les passages orchestraux que de nombreux groupes ajoutent pour créer de la densité et de la grandiloquence.
Alors, certes, on pourrait remplir le bingo du witchy-gothico-doom avec Tribunal. Entre les cloches d'église qui ponctuent l'album, les incantations chantées qui font écho aux lents vrombissements de l'archet et les hurlements caverneux qui n'ont rien d'inédit... On trouve surtout des riffs et des structures qui nous font revenir fréquemment vers l'album. N'étant pas une grande fan de gothic doom et funeral doom, j'y trouve pourtant des échos aux rares groupes que j'aime dans ces styles. J'y entends des brins de Mournful Congregation (notamment dans les aigus désespérés et mélancoliques de la guitare) et peut-être même des clins-d'oeil à Murkrat pour le caractère. Tribunal n'a clairement pas inventé grand chose, mais le duo peut plaire à celles et ceux qui ne se sentent que rarement concernés par ces styles, tout comme il s'inscrit quand même dans une continuité évidente de groupes qui l'ont précédé. « Apathy's Keep », dont la fluide évolution me stupéfie à chaque écoute, ou encore « The Path », titre-fleuve et hymne de toutes les douleurs, n'ont clairement rien à envier aux plus grands...
On pourrait regretter le manque d'intensité des parties de batterie et leur son, mais on finit clairement par les oublier. Le son, loin d'être lisse, apporte cette dimension particulière, pas loin de la démo, qui rend The Weight of Remembrance authentique et touchant. C'est d'autant plus important que l'opus est avant tout introspectif, une volonté qu'on ressent immédiatement à travers les thématiques et les textes. Le ressenti intime compte alors beaucoup et, pour moi, Tribunal a fonctionné et s'est lové contre moi, si ce n'est l'inverse.
Tracklist :
1. Initiation
2. Of Creeping Moss and Crumbled Stone
3. Apathy's Keep
4. Remembrance
5. A World Beyond Shadow
6. Without Answer
7. The Path