Punkach' renégat hellénophile.
Je reste persuadé que les opinions libertaires ne sont pas aussi rares qu'on pourrait le penser dans la scène Black Metal, même si peu de groupes les assume explicitement dans leur musique. Il existe bien une scène RABM, expression selon moi un peu vague pour entremêler des formations d'un certain progressisme. Des opinions qui d'ailleurs valent à ces groupes un certain dédain de la part d'une partie du public, qui estime que ce genre de message politique n'a rien à faire dans le Black Metal. Curieusement, il s'agit souvent de la même frange de metalheads qui se montre assez conciliante avec les groupes d'extrême-droite, sous prétexte qu'ils ne s'intéressent qu'au rendu musical. A chacun ses petites contradictions. Fin de l'obligatoire parenthèse politique ; personnellement, si j'ai du mal avec les groupes estampillés rouge et noir, c'est plutôt parce qu'ils jouent dans un registre teinté de Crust ou de Grind qui me laisse froid. Et puis, il y a Dawn Ray'd.
La formation de Liverpool délivre, elle, un Black Metal fortement teinté d'atmosphérique, et pourtant ses morceaux, courts et âpres, ne suggèrent en rien une balade nocturne dans la campagne anglaise. On se retrouve plutôt plongé dans la lucidité froide d'une classe ouvrière exploitée dans les mines et les hauts fourneaux. Toute une industrie lourde qui marque encore les plaines d'Europe et d'ailleurs, et qui a prélevé son tribut de sang prolétaire. Le trio britannique a véritablement transcendé la fournaise du Black Metal en y sublimant le vieux fond culturel folk de leur archipel natal. Un registre musical typiquement prolétaire, qu'on entendait sur les chantiers navals et dans les stades et qui, dans les deux cas, a bien souvent craché ses dernières strophes sur une barricade. Avec en plus le crissement désespéré d'un violon pour accompagner ces hymnes ouviers, Dawn Ray'd tape sur des fibres qui me sont sensibles, et les Scousers y vont à grands coups de laminoir !
J'avais donc des attentes particulièrement élevées envers ce Behold Sedition Plainsong. Trop, sans doute. Car si "Raise the Flails" entame plutôt bien cette nouvelle oeuvre de résistance, le premier souffle retombe bien vite. Ce n'est qu'à partir de "To All, to All, to All!" que le violon, jusqu'ici resté en retrait, ne crisse son désespoir et que je commence enfin à ressentir le frisson de la révolte. L'archet de Simon Barr se réveille totalement sur "A Time for Courage at the Borderlands", pour moi la première réussite incontestable de cet album, aux sonorités aussi désespérées qu'un exode de masse avec la guerre et la dévastation aux trousses, ce qu'évoque explicitement le morceau.
Hélas ce moment de grâce ne s'éternise pas. Non pas que les morceaux suivant soient mauvais, mais ils ne parviennent pas à résonner dans ma tête pendant des heures comme y arrivaient aisément les compositions de The Unlawful Assembly. En outre ils commencent bien souvent sur une distorsion de guitare que je trouve plutôt désagréable. Celle-ci prend tout son sens sur un "Soon Will Be the Age of Lessons Learnt" qui prophétise sur l'effondrement civilisationnel à venir, mais vire plutôt au gimmick énervant sur tous les autres morceaux. C'est dommage, car Dawn Ray'd nous offre ensuite deux magnifiques passages plus contemplatifs sur "A Stone's Throw" et "Salvation Rite", durant lequels le chanteur-violoniste utilise enfin le potentiel mélancolique de son intrument, soutenu par une guitare discrète au point de passer pour acoustique.
Behold Sedition Plainsong n'est pas un mauvais album, mais il lui revenait la tâche ô combien ardue de succéder à un The Unlawful Assembly véritablement magnifique. D'où une note un brin sévère de ma part, mais il semble que le groupe ait cédé à l'urgence pour négliger la puissance de ses pamphlets. J'ai hélas l'impression d'entendre une succession de compositions assez semblables, même si certaines savent se faire remarquer. Disons que Dawn Ray'd a passé le cap douloureux du second album. Le reste se jouera face aux barrières.