Punkach' renégat hellénophile.
Crise économique, problèmes d'approvisionnement énergétique, et bien sûr crétinisme généralisé en guise de débat public ; le punk a pour lui de toujours rester très pertinent dans l'actualité. L'ennui, c'est que les agités du bocal et de la saturation ont la fâcheuse habitude de vieillir plutôt mal et plutôt vite. Entre la came, les défis psychologiques et la tentation des sirènes populistes, les vétérans de l'agitprop' ont payé un lourd tribut, et je ne m'attarde même pas sur celles et ceux qui ont succombé en route.
Et puis il y a Iggy Pop. Alors soyons clair : avec tout ce qu'il s'est mis, personne n'aurais parié sur lui pour incarner la figure du chouette gars qui a fait un paquet de trucs cools au tournant des années 70 et qui a encore quelque chose à dire aux nouveaux gamin.e.s qui ont envie de tout casser. Mais Joe Strummer est mort, David Bowie aussi, et pour les Ramones j'ai perdu le compte. Et contre toute attente, l'Iguane est toujours là. Sur cette Terre, dans sa propre tête, mais aussi dans les studios : après Free, un album ultra contemplatif et conceptuel en 2019, Père Iggy revient pour tout casser avec un Every Loser brandit comme un gros doigt d'honneur qui se conjugue au passé-présent-futur.
J'avoue : à la première écoute, j'ai vérifié si « Frenzy » n'était pas une piste de 1974 remixée pour l'occasion, tant elle goûte le crachat de Stooge mal réveillé. Et puis paf, sans crier gare voilà qu'Iggy nous embarque dans une ballade mi-garage rock mi-new wave avec « Strung Out Johnny ». Ascenseur émotionnel que ce foutu reptile nous fera subir plusieurs fois ; avec d'un côté « Modern Day Rip-Off » ou « Neo Punk » pour foutre des coups de boule - sur des textes vraiment pas cons - et de l'autre un « All The Way Down » qui sent la mauvaise descente, et même un « Morning Show » dans lequel Iggy s'offre des faux airs de Johnny Cash. Le vieux reptile a, du reste, gardé une superbe voix, capable d'aborder des registres absolument dissemblables, tous acquis lors des changements de peau successifs de sa vie. Et il nous balance là, qu'on en ait envie ou pas, 11 pépites qui tournent et détournent tout ce qu'Iggy Pop a incarné durant une longue carrière, avec juste ce qu'il faut d'ironie en prime. On rappellera que ce type a 75 ans, 19 albums à son actif, et que si vos parents – voire grand-parents – ont eu un minimum d'adolescence, il a incarné ce qui se faisait de plus destroy à l'époque. Avec ce Every Loser à la construction un peu spéciale mais bourré de tubes, visiblement il s'amuse toujours, ce qui n'est pas à la portée de tout le monde dans sa génération.
Première chronique de 2023 pour ma part, et première résolution de l'année que je compte bien tenir : revoir Iggy Pop sur scène au plus vite. Le genre d'expérience à faire en famille, histoire de décoincer les hanches et de décrasser les tympans.
Tracklist :
1.Frenzy
2.Strung Out Johnny
3.New Atlantis
4.Modern Day Ripoff
5.Morning Show
6.The News for Andy (interlude)
7.Neo Punk
8.All the Way Down
9.Comments
10.My Animus (interlude)
11.The Regency