Raton et la bagarre #19
samedi 14 janvier 2023Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.
Pour la première fois dans l'histoire des Bagarres, je peine à trouver une sélection suffisante pour vous écrire un article. Novembre et décembre 2022 ont été incroyablement calmes dans la scène hardcore avec pas le moindre triple A (pas sûr que Spiritworld puisse encore prétendre à cette catégorie et j'écarte volontairement le Chelsea Grin par mauvaise foi) et peu de sorties en général. Néanmoins, il en faut un peu plus pour m'arrêter et voici tout de même une dizaine de disques avec une sélection particulièrement métallique (deux albums de thrash, qui l'eût cru), deux groupes français et une percée notable des Britanniques. Bonne lecture et merci pour votre fidélité !
Iron Deficiency – Morning in the Burning House
Metalcore – France (Youth Authority / Patient Zero)
Rappelez-vous, en décembre 2020, la première démo d'Iron Deficiency était dans mon top 5 straight edge de l'année. Le Lyon Hardcore tapait très fort du poing sur la table, notamment avec l'hymne absolu qu'est « Alienation ». Après ce méfait, le premier album d'Iron Deficiency devait apporter une réponse : est-ce qu'en France on est suffisamment armés pour faire face au flot du revival metallic hardcore ou est-ce qu'on ne prendra la vague qu'avec un habituel train de retard ?
Je pense ne pas prendre trop de risques en disant que je parle au nom de beaucoup : Iron Deficiency a les épaules pour représenter le metalcore straight edge français à l'international. Morning in the Burning House est un disque qui conforte les forces du groupe et renforce ses points de progression. Les transitions entre les différents passages, du refrain au break ou du couplet au two-step, sont affinées, plus naturelles sans jamais perdre l'agressivité première du projet. Les paroles confortent la rage toujours entière des membres : « If not a crime, think I’d kill you / For making my life hell with the ghost of you ».
« On the Edge » s'affirme rapidement comme le morceau phare de l'album, autant dans sa composition que ses revendications. Poli pour être aussi efficace que possible, il tacle les poseurs du straight edge qui y voient davantage la valorisation sociale que les valeurs intrinsèques : « Straight edge till death / Don’t make it a fucking business ». « On the Edge » est toutefois suivi de près par « All Bite No Bark » avec son groove et la puissance dévastatrice de son breakdown. J'ai aussi une affection particulière pour « Final Words », qui ralentit le tempo jusqu'à flirter avec le sludge et crée ainsi une atmosphère inquiétante et fiévreuse qui met impeccablement en valeur le chant saturée strident de Mathilde.
Avec 17 minutes, la justesse du disque est condensée pour éviter avec intelligence la redite (si seulement tous les groupes pouvaient avoir le même réflexe). Les Lyonnais.e.s parviennent à caler deux featurings, avec le growl (et le scream plus black) de Felox sur « All Bite No Bark » et les éructations sauvages de Romain de Cavalerie sur le titre éponyme final. Deux présences bienvenues qui apportent de la force aux morceaux. Elles confirment également la maturité de l'album et le talent du groupe. Alors pensez à les attraper en live et à les soutenir quand le vinyle sortira (a priori vers l'été prochain).
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Spiritworld – Deathwestern
Thrash metalcore – USA (Century Media)
Celui-ci, personne ne l'a vu venir (à part peut être les deux-trois nerds du fond). Spiritworld enfonce la porte du saloon et traîne ses santiags dans un cliquetis métallique jusqu'au bar avant de déclencher une bagarre générale. En un coup d'oeil à la pochette et au titre du disque, vous aurez compris que cette image n'est pas innocente. Avec Deathwestern, Spiritworld semble être le premier groupe à faire cohabiter metalcore et western [NDLR: évidemment j'ai écrit ça avant de faire des recherches et entre le cultissime morceau « First » sur l'album One Wing de The Chariot ou le disque Saloon de The Ongoing Concept]. Toutefois, à part deux intros, le western n'est que thématique.
Stylistiquement on est sur du thrash metal qui rencontre le metalcore. Pas exactement comme le crossover de Mindforce, DRAIN ou Judiciary qui tirent tous leur énergie du hardcore ; mais plutôt en accentuant la partie metal du metalcore avec des riffs indissociables de la Bay Area. Évidemment quand on mélange thrash et metalcore, Slayer n'est jamais loin, surtout sur « Purafied in Violence » ou « Moonlit Torture ». On pense aussi inévitablement à Integrity et ça tombe bien car son légendaire chanteur Dwid Hellion est présent sur « Moonlit Torture » et se mêle très bien avec l'univers de Spiritworld.
Deathwestern est un album à l'efficacité inattaquable. Ça riff dans tous les coins et on a droit à notre lot de breaks agressifs, notamment sur « Committee of Buzzards », le meilleur morceau du disque. Le groupe aime visiblement le décalage car au-delà de la thématique, le morceau « The Heretic Butcher » commence par une intro folk toute guillerette interrompue par des bruits d'arme blanche et un riff façon tronçonneuse. Malgré tous ces points forts, je ne suis pas le plus grand fan du mix, un peu trop uniforme et qui ne permet vraiment pas aux morceaux de se distinguer les uns des autres. Mais ça reste du pinaillage au vu de la bourrasque de fraîcheur que nous apporte Spiritworld.
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Mourning – Disenlightenment
Metalcore blackisant – Royaume-Uni (Streets of Hate / Northern Unrest / Retribute)
A la première écoute, je me suis demandé si Spotify ne s'était pas viandé dans l'upload, car j'écoutais du pur black metal. Puis le chant arrive avec la batterie matraquée, vite suivie par un break néandertalien qui se roule dans un mid tempo criminel. Dès le second morceau, les chakras sont réalignés. On sera sur un metalcore tendance edge metal, qui a révisé son Gehenna (the Infamous) et son Kickback et qui ne cache pas son amour pour les blasts et le tremolo picking.
Le blackened metalcore n'a pas exactement le vent en poupe (les premiers exemples pas trop vieux qui me viennent en tête sont The Secret ou Oathbreaker et ils passent quasi-systématiquement par la case crust) mais Mourning le fait avec une aisance folle et le mariage entre riffs noirs (celui, exceptionnellement groovy de « Desert of the Spirit ») et hurlements metalcore se fait avec fluidité et efficacité. Sur « Tyranny of Guilt » et « Grievance Ascends », on a même le droit à des énormes riffs à la Bolt Thrower, histoire de varier les plaisirs. Pour continuer la démonstration d'hybridation, « Foreboding » inclut même un interlude dungeon synth. Même les breaks sont réussis, à l'image de celui de « Unhonoured Prophecy », invitation à se briser tous les os de la nuque. Du haut de ses 20 denses minutes, Disenlightenment prouve être un album varié, franchement pas si bête et qui colle une mandale à une grosse partie de la scène en matière d'originalité.
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The Sawtooth Grind – Good.
Mathcore / Sasscore – USA (auto-prod)
A chaque Bagarre suffit son album comeback improbable. Après Gospel, City of Caterpillar ou Botch, c'est au tour des New-Yorkais de The Sawtooth Grin de revenir 18 ans après leur séparation en 2004. Il y avait bien eu l'EP Pervavor en 2011 mais il avait été enregistré juste avant le split du groupe. The Sawtooth Grin est une formation légendaire de ce qui était appelé whitebelt (en référence aux ceintures blanches que portaient les musiciens), false-grind ou scene-grind, en référence à toute cette scène qui produisait un mathcore de Gremlins ultra chaotique, avec l'impertinence du sasscore et les déflagrations d'intensité qui rappellent le grindcore. Parmi les groupes marquants on peut citer The Locust, les toutes premières productions de Daughters, Hayworth ou les débuts de The Number Twelve Looks Like You. Au cours de leur cinq années d'existence, nos New-Yorkais n'avait eu le temps de ne sortir qu'un album, le majeur Cuddlemonster, absolument fondateur et déterminant dans le développement de la scène dissonante, sans pour autant renier le groove et les riffs.
Compliqué de revenir 21 ans après ce disque dans un style aussi daté et autant ancré dans la fureur adolescente. Pourtant, Good. cueille l'auditeur dès la première rafale de batterie. Légèrement moins strident que son prédécesseur, la production y est aussi plus sourde. On est toujours sur du mathcore frénétique, mais avec davantage de respirations. Le sentiment d'écouter du mathcore sassy mature impressionne dès les premiers morceaux. Même les riffs sont bien sentis et complètent avec justesse les passages chaotiques, comme sur « Niagara Falls, Frankie Angel ». Niveau durée, avec sept minutes de plus que Cuddlemonster, il aurait peut-être pu se passer d'un titre, mais en culminant à 22 minutes, on n'a pas vraiment le temps de s'ennuyer. Good. est un comeback extrêmement réussi qui ne fait ni dans la répétition stérile, ni dans la réinvention ampoulée. D'autant plus que beaucoup de groupes revival aimeraient avoir le tiers de leur efficacité et de leur force de frappe.
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Jaw Crack – Building Gallows
Hardcore – France (auto-prod)
La première sortie de plein droit de Jaw Crack aura pris son temps. Après une première démo alléchante en 2018 et un split en 2020 avec Dodge This, cet EP était attendu de pied ferme par la scène parisienne, dont Jaw Crack a su se faire un éminent représentant (Quentin, le batteur, est aussi derrière Eiffel Assault Shows).
L'esprit de camaraderie est présent sur tout l'EP avec de nombreuses participations d'autres membres de la scène française. Pour n'en citer que quelques uns, Mathilde de Iron Deficiency prend le micro sur « Punishment Alley », Tim de Sorcerer s'est occupé du mixage et Charles de Cavalerie a designé les t-shirts. Une alliance de moyens qui prend une saveur particulière quand on apprend que le groupe a annoncé sa séparation le 7 janvier, après cinq ans d'existence.
Sur les sept morceaux, d'une grande consistance, Jaw Crack déroule un hardcore à la sauce américaine dans lequel on sent les influences TUI ou Rotting Out. L'intensité est toujours maîtrisée avec des compos qui ne font pas que ressasser les mêmes recettes. Je pense notamment à « The Tide » et sa montée en puissance bien calculée et pour lequel le mix de Tim rend particulièrement justice (beau travail sur les basses) ou au solo de guitare sur « Serpents II ». Un EP qui assume avec sincérité ses influences et les déploie avec variété et puissance.
Salut Jaw Crack et merci, vous avez assuré.
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Malignant Methods – Family Ties
Beatdown metalcore – Ecosse (DAZE)
Le label du Connecticut DAZE déçoit rarement quand il s'agit de metalcore voyou, ils ont même un quasi-monopole pour révéler des groupes dans le style. Alors même si je dois bien avouer que le metalcore qui fait la course au tough a vite tendance à m'ennuyer (Simulakra, Ends of Sanity, Momentum ou Downfall), il y a toujours dans le lot de nombreuses perles. Après Queensway, Volcano ou Adrienne, c'est au tour de Malignant Methods de faire office de nouvelle surprise. Les Écossais ne tentent pas de dissimuler leurs intentions : trois morceaux lapidaires, un logo graffiti et le strict minimum d'informations suffisent pour nous expliquer de quel bois ils se chauffent. Aussi, la pochette de leur premier EP avait été désignée par Tyler Mullen (Gridiron et ex-Year of the Knife) et représentait un pistolet duquel sort une fumée qui forme le logo du groupe : on n'est pas en face de doctorants en physique nucléaire.
Niveau musique, on est sur du metalcore beatdown bien stupide avec une batterie tranchante qui fait cling clonk et qui cite la référence anglaise Knuckledust ou une version écossaise et plus emmenée de All Due Respect. Les trois titres sont bien composés et ne déballent pas la même rengaine systématique dans lequel le style aime bien se complaire. Malignant Methods mêle le mid-tempo beatdown aux riffs stridents de metal extrême pour accompagner un chant légèrement saturé et rappé dans la tradition beatdown. C'est le morceau titre qui porte le mieux cette recette avec même des licks de thrash metal et des harmoniques artificielles. Je suis aussi obligé de mentionner l'excellent riff à 2:00 de « Against Them All » que beaucoup de groupes de metal n'auraient pas renié.
Les Ecossais garnissent également « Family Ties » d'un featuring d'Andy Baz, membre émérite du metalcore anglais (50 Caliber, Unite, Raiden) et « Against Them All » de la venue des hooligans de Last Wishes. Tous ces éléments font de Family Ties un EP extrêmement prometteur, d'un groupe qui pourrait bien tirer son épingle du jeu dans la scène britannique, puis européenne dans les années à venir.
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Caged – A Prison Built to Slowly Die
Metalcore – Italie (Ugly and Proud)
Imagine faire partie d'une scène qui doit quasiment tout à un groupe de lascars bas du plafond à qui il a fallu expliquer que foutre le feu à des dealers et insulter les femmes qui avortaient n'étaient pas les meilleures idées du siècle et allaient à l'inverse de ce qu'ils prêchaient ; s'en réapproprier les codes et adopter un discours politique complet, rigoureux et déterminé. C'est le cas des Italiens de Caged qui ont choisi le metalcore vegan straight edge comme terrain de jeu.
Je les avais interviewé.e.s à l'occasion du A World to Win 2021 et leur sympathie ainsi que la grande efficacité de leur set m'avaient conquis. Le groupe n'avait à l'époque que cinq morceaux à son actif et leur premier album A Prison Built to Slowly Die vient réparer ce tort. Furieux manifeste de metalcore grinçant, le disque dresse le noir portrait de l'exploitation pour le profit sous ses différentes formes. La détermination du mode de vie straight edge, des invectives contre le système de l'exploitation animale, l'appel à l'insurrection contre l'impérialisme, le fascisme et le capitalisme : les thématiques sont habituelles mais abordées avec intelligence.
L'album est aussi extrêmement varié, ce qui fait toujours plaisir dans le style. Dans le désordre, on a du touka touka sur « By the Pain », des breaks vindicatifs sur « Column of Black Smoke » et « Under the Eagle's Claws », l'impeccable riff mid tempo de « Will of Iron », des samples sur « Under the Eagle's Claws » et « Disorient and Divide » et même un lick de Slayer sur « Not One Step Back ». Les client.e.s de metalcore 90s seront aux anges et les autres auront avec A Prison Built to Slowly Die un buffet à volonté pour en découvrir les ficelles.
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Doomsday – Depictions of Chaos
Thrash crossover – USA (Creator-Destructor)
Les affamé.e.s de crossover ne doivent pas louper le premier EP de Doomsday. 18 minutes furibondes qui permettent aux Californiens de mêler le thrash de Slayer (les coreux ne connaissent qu'un groupe de thrash, c'est scientifiquement prouvé), un chant à la John Tardy (Obituary) et la férocité du hardcore avec des mid-tempo pour karaté kids. Difficile de ne pas citer les légendes de Power Trip quand on entend la production et les solos hurlants balancés à toute berzingue (le monstrueux « Mask of Sanity »), mais Doomsday s'en émancipe nettement avec des parties plus frontales, des gang vocals du meilleur effet et ce chant bien dégoulinant. Sur « Attaining Heaven by Force », les oreilles attentives (comprenez « les personnes qui iront lire un article ou les petites lignes en bas du Bandcamp ») reconnaîtront les voix de Andrew de Ripped to Shreds (l'excellente chronique de Pingouin sur leur dernier album) et Justin de Field of Flames.
Une écoute extrêmement divertissante à laquelle il faut urgemment donner plus de visibilité.
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Divine Sentence – Demo '22
Metalcore – Suisse (auto-prod)
La Suisse, nouveau carrefour européen du edge metal ? Après le succès de Path of Resurgence dans la scène, la création de Forlorn Sky et Affliction AD, l'organisation du festival « Le vieux monde se meurt », c'est au tour de Divine Sentence de proposer sa vision du metalcore vegan 90s (je vois une référence au groupe de metalcore italien Sentence dans le logo du groupe). Dans la plus pure veine de ce que le revival peut produire, de l'évidence xElegyx à Times of Desperation ou le classique xRepentancex, Divine Sentence se réapproprie le metalcore le plus mordant et féroce, avec ses riffs empruntés au metal extrême, sa dissonance, ses breakdowns asphyxiants et son chant féminin déchiré, tout en lui apportant une certaine modernité.
Pour une première sortie, cette démo est extrêmement complète, mature et a intégré tout ce qui fait le sel du genre, de l'efficacité des breakdowns stridents au spoken word militant sur « Armed Conflict ». Les paroles développent les thématiques habituelles du style, de la libération animale au rejet misanthrope d'une société consumériste et cruelle. À noter que le titre « Armed Conflict » s'attaque à l'injustice de classe que représente la guerre, et particulièrement celle qui est menée en Ukraine actuellement avec un break en russe qui clame « arrêtez cette guerre ». Instrumentalement, c'est extrêmement propre, avec une guitare qui maîtrise parfaitement ses gammes de thrash et de death, une basse polyvalente qui souligne avec intelligence les breaks et une batterie plutôt discrète mais qui maintient cette fine limite entre metalcore et metal extrême. Mais la véritable plus-value de Divine Sentence réside dans le chant habité de Sofia et son phrasé impeccable. Des observations qui ont été confirmées lors de l'excellent concert parisien du groupe en novembre dernier. Assurément une découverte à ne pas laisser passer.
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Tallah – The Generation of Danger
Nu-metalcore – USA (Earache)
La recette de Tallah a de quoi surprendre en 2022. Le groupe de Philadelphie dépoussière le nu-metal originel et y incorpore le metalcore à succès, plus récent, dans la même démarche nu-metalcore que Sworn In, le Emmure moderne ou Of Mice and Men période Restoring Force. Sauf que Tallah tient à le faire avec goût sans les influences plus alternatives ou mélodiques afin de ne pas restreindre la violence de la mixture. L'influence de Slipknot est évidente mais l'approche metalcore permet une réactualisation plutôt habile du son nu-metal. Le chanteur Justin Bonitz est monstrueux de variété et de puissance vocale, empruntant parfois à Jonathan Davis, parfois à Drew York (Stray From the Path). Il enchaîne avec aisance entre chant clair, grognements deathcore, saturation metalcore et chant rappé. Malheureusement le mixage ne rend pas du tout justice à la pluralité de ses styles vocaux et son chant clair se retrouve constamment sous-mixé.
Même si ce n'est pas mon habituelle tasse de thé, je reconnais à Tallah un grand talent pour se balader avec autant d'aisance entre les différents registres. Le brutal (« The Hard Reset ») est aussi réussi que le groovy (« Telescope ») et la technicité ne faiblit jamais. Toutefois, avec 58 minutes au compteur, The Generation of Danger est beaucoup trop long, surtout sur un style aussi exténuant. Le groupe aurait dû se prêter à l'exercice du nettoyage de tracklist, quitte à sortir un EP six mois plus tard. Les curieux.ses et les nostalgiques s'y régaleront tout de même à coup sûr.
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Sentience – The Subdivide of Species
Metalcore – Royaume-Uni (auto-prod)
J'avais eu l'opportunité de voir Sentience au World to Win 2022 et de les interviewer pour en apprendre davantage sur leur démarche. A l'époque et malgré le fait que le groupe n'avait sorti qu'un seul EP avec seulement deux véritables morceaux, le show avait été impeccable de puissance et avait permis à des femmes et minorités de genre de se réapproprier le pit. Voir le passage de morceaux du live à l'album est un exercice particulier, surtout parce qu'on est habitué à l'inverse. L'exercice est d'autant plus perturbant que les morceaux ont tous été enregistrés en août 2020 et que le disque contient deux pistes déjà publiées sur l'EP précédent (mais avec un changement de line-up derrière le micro).
Sentience a tous les ingrédients nécessaires pour être un groupe solide dans la nouvelle vague européenne de metalcore féroce et tourné vers les 90s. La batterie notamment est excellente, avec une double pédale impitoyable et une grande versatilité. Le duo de guitares est toujours juste, évoquant les meilleures heures du edge metal du vieux continent, avec des panic chords occasionnels. La performance vocale d'Anja est assurément un des gros atouts du groupe, avec une saturation amère, rèche et instantanée. L'union de ces forces marche particulièrement bien sur le dernier - et meilleur - morceau, « Annihilation of Will ».
Mais si je n'ai pas parlé de la basse, c'est qu'il y a une raison. Alors qu'elle avait une place de choix en live et apportait très clairement à la prestation, elle se retrouve complètement noyée dans le mix de l'EP. C'est malheureusement le gros point noir du disque : le mixage est raté et ne fait pas honneur aux efforts de Sentience. Pendant toute la durée de l'EP, le son est extrêmement lisse, sans relief ni dynamique, avec beaucoup de confusion sur les graves. Les morceaux ne respirent pas, les riffs et la basse sont trop étouffés et les breaks perdent leur efficacité. Vraiment dommage vu le talent du groupe dans le style. En espérant que leur prochaine production ne souffre pas des mêmes travers.
En toute logique, ça devrait être vache maigre sur les recommandations bonus dans cet épisode. Mais j'ai quand même réussi à vous dégoter deux-trois trucs pour les plus insatiables d'entre vous :
Ça n'aura pas échappé à grand monde, Fleshwater, le side-project de Vein.fm, a sorti un premier album. Si vous souhaitez du Deftones-core dans sa forme la plus référentielle ou que vous voulez voir à quoi ressemblerait un morceau de Björk repris par la bande à Chino Moreno, essayez ce We're Not Here to Be Loved, sinon il y a de bonnes chances que, comme moi, vous trouviez que ce n'est qu'une énième resucée générique.
Pour celles et ceux qui ont besoin d'un groupe worship de Drug Church, c'est désormais possible avec le deuxième EP de Squint. Un disque aux influences évidentes mais qui respecte et prolonge efficacement le matériau d'origine.
Les amateurs et amatrices de grindcore français auront de quoi se régaler avec le nouveau disque exigeant et sourd de Haut&Court. Une écoute rapide mais d'une délicieuse violence.
Dès les premières secondes du nouveau Massa Nera on sait qu'on met les pieds en plein territoire screamo nord-américain, dont le spleen adolescent lancinant est davantage influencé par la tradition post-hardcore, avec un résultat plus sec et moins romantique que le skramz européen. Pensez Frail Body, Marée Noire ou Ghost Spirit. Bien fait mais beaucoup trop long pour le style (presque 50 minutes et 12 titres).
J'aurais aimé vous parler du nouvel album de Blame God, groupe new-yorkais à mi-chemin entre grindcore/PxV et metalcore, mais je trouve qu'il manque clairement de souffle et je n'en retiens rien après deux écoutes. L'idée de baisser le tempo de la powerviolence avec des textures sludge rend juste le disque assez mou et même les breaks (« Trash Compactor ») ne font pas mouche.
Les Australiens de Void of Vision concluent leur cycle d'EP Chronicles avec un dernier chapitre extrêmement bien senti qui croisent l'electro-indus et le metalcore, sans tomber dans le racoleur bancal. Le single « Hell Hell Hell » est bluffant d'efficacité.
Gatherers, groupe du New Jersey, a sorti un quatrième LP nommé " ( mutilator ) ". Ses influences sont assez claires, du post-hardcore de Glassjaw et Thrice jusqu'aux sonorités alternatives de Deftones (voilà qui est original). C'est référentiel mais plutôt bien fait.
Entre deux tournées, Envy publie un EP d'une grosse dizaine de minutes, nommé Seimei. Pas grand chose à en dire si ce n'est que les tournées avec Bossk et Amenra semblent les avoir marqués car le son se tourne davantage vers le post- que le screamo habituel, avec que du spoken word et pas de hurlements déchirants.
Si vous voulez du post-hardcore varié et chanté en allemand, allez jeter une oreille au dernier disque de Fjørt. Sombre et crépusculaire, il est nettement porté par la voix extrêmement complète et maîtrisée de son chanteur.
Far, le deuxième album des Italiens de Infall, propose un mathcore à l'ancienne qui croise le post-metal (ça rappelle Anna Sage). C'est bien fait mais ça manque encore de maturité pour vraiment rester dans la tête.
Pas très original dans le style, mais si vous voulez du mathcore bzew pooing, il y a bien ce nouvel EP de Thank You Driver.