Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Fondé en 2009, avec deux membres de Dodecahedron à son bord, GGU:LL surprend d'abord par son patronyme en tout point énigmatique. Puis un rapide regard à leur discographie donne à voir un groupe qui prend son temps : un EP en 2014, un premier album en 2016 et finalement le petit dernier, Ex Est, pour cette année 2022. Enfin, lorsqu'on s'intéresse à la pochette du dernier-né, la curiosité est définitivement piquée au vif : le grand temple oraculaire que l'on nous présente annonce, dans ses tonalités grises, une traversée potentiellement mystique, à tout le moins une volonté d'explorer quelque chose de grand.
Dès la première écoute, GGU:LL se classe dans ma petite niche fétiche, aux confluences du doom, du black et du post, dans ces méandres où beaucoup des bonnes surprises des années passées se trouvaient déjà (Lares, Erdve, Kalmen...). Les sonorités développées par les Néerlandais se déploient donc le long d'un tempo plombé, rampant et maladif, le type de configuration qu'affectionne Urfaust. Mais ici pas d'errances éthyliques, ni de méditations en circonvolutions. GGU:LL est menaçant et hostile, en colère également. Les éléments black metal, des guitares au chant, offrent une ambiance nimbée de haine, intimidante de par sa grandeur. Non pas une grandeur épique ou guerrière, mais une grandeur tournée vers les tourments de l'âme, une grandeur naît de l'infinie souffrance qu'endurent les vivants lorsqu'il doivent faire face à la mort, lorsque les insouciants finissent par tourner leur regard en dedans et découvrent ce qu'ils ne voulaient pas connaître. Ex Est nous trimballe dans les sinuosités du mal-être et de la douleur morale, étendant ses griffes noires au travers du ciel.
Si les quarante-cinq minutes de l'album sont d'une qualité égale, ce genre de musique se prêtant assez peu au jeu du single, il y a néanmoins des titres qui brillent davantage (d'une lumière noire, bien entendu). «Sam al-ras », avec son départ presque funeral doom, monte lentement en puissance, aligne des guitares black de plus en plus denses et serrées pour parvenir à un climax aussi beau que glaçant, avant de se refermer dans la noirceur et la rumination pour s'éteindre presque avec désespoir. « Hoisting Ruined Sails » est également remarquable, avec sa première partie qui suinte la haine de toute part et qui progresse, par touches discrètes, vers des terres où la tristesse prend ses droits et où la lumière n'a toujours pas sa place. Ex Est se place sous les auspices des errements néfastes et des pensées noires, parvenant à sublimer ce dont on souhaite se débarrasser.
GGU:LL, avec ses membres aux CV bien fournis, sait sans aucun doute exactement quel pan des innombrables émotions humaines il veut questionner mais surtout sait comment y parvenir. De la production, à la fois crasseuse et précise, aux compositions, longues et tortueuses, tout dans ce second album respire la maîtrise. Jusqu'aux éléments drone de « Voertuig der Verlorenen » qui terminent l'album, dans un dernier plongeon vers l'abîme, les Néerlandais déroulent le spectre terne des malaises éternels et des supplices de l'être pour une déambulation dans le labyrinthe mental de la souffrance.
Tracklist de Ex Est :
01.Raupe
02.Falter
03.Enkel Acterland
04.Samt al-ras
05.Stuip
06.Hoisting Ruined Sails
07.Voertuig der Verlorenen
