Motocultor Festival 2022
Site de Kerboulard - St Nolff
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Après de longues années d'absence (à cause du Covid, vous en avez entendu parler ?), le Motocultor était enfin de retour à Saint Nolff, non loin de Vannes. L'occasion pour tous les amoureux de metal et, surtout, de festivals à taille humaine, de pouvoir s'en donner à coeur joie au cours de ce mois d'août. Et, naturellement, Horns Up était présent sur place pour prendre la température d'un évènement devenu majeur dans l'Hexagone.
Pour ce qui est du contexte et du bilan organisationnel de cette édition 2022 (13ème édition), nous ne pouvons mieux faire que de vous renvoyer vers la vidéo / podcast de Di Sab et Michaël enregistrée le lendemain du festival où ils sont revenus sur leurs coups de coeur, leurs coups de griffe et, plus généralement, sur leur sentiment à la sortie de ce week-end breton.
Le présent live report n'a ainsi vocation qu'à se concentrer sur l'essentiel à savoir le bilan musical de cette nouvelle édition du Motocultor.
Retrouvez donc ci-dessous nos moments de joie, nos moments de gêne et les découvertes de ce week-end. Une fois n'est pas coutume, vous retrouverez également un récit de l'envers du décor, rédigé par notre Dolorès nationale qui a eu le privilège de monter sur scène au côté de Sang Froid et qui vous propose donc un récit très personnel de son expérience.
Les coups de coeur
Groupes évoqués : Cult of Luna | Dark Tranqjuillity | Benighted | Dark Funeral | Pallbearer | Clutch | Hangman's Chair | Slift | The Ocean | Leprous | Electric Callboy | Orange Goblin | Igorrr | Tesseract
Cult of Luna
Di Sab : Meilleur album de 2022 pour moi, meilleur concert pour tous. A l’instar d’Erling Haaland, les types sont bien trop forts pour le jeu. Chacun attend le faux pas : l’album facile, le concert piloté automatiquement. Rien ne se passe. Les sorties s’enchainent à un rythme que seul Jul regarde dans les yeux et les fautes en sont absentes. Précis et propres comme Maldini, ces kings débarquent dans la fumée, avec un light show ultra précis et profitent du maigre temps de jeu qui leur est alloué pour plier la Bretagne façon origami avant de repartir plier une autre contrée qui, on l’espère pour tous, sera moins indépendantiste.
Deux titres de l’incroyable The Long Road North, deux titres de Vertikal, un titre de A Dawn to Fear et hop, plus personne ne l’ouvre. Tu aurais aimé Finland ? Moi aussi mais non. Tu aurais aimé plus ? Moi aussi mais non. Demande au festival de laisser plus de cinquante minutes à des gonzes dont les titres font rarement moins d’un quart d’heure.
Pas la peine de l’ouvrir sur la décharge émotionnelle que procure le groupe. La chair de poule façon fièvre jaune du début à la fin. Bien trop fort pour nous. Merci pour tous les cheats code de la musique, on se revoit à l’Olympia.
Dark Tranquillity
Michaël : Juste magique. Quand on débrief un concert, on se focalise souvent - à juste titre d'ailleurs - sur la musique et la setlist. Mais dans le cadre d'un festival open air, le contexte global joue énormément sur le ressenti. Un concert en fin de soirée, avec une température parfaite, des arbres qui nous entourent, des lights excellentes, une Supositor Stage sur un terrain incliné qui permet à tout le monde de se sentir proche des musiciens... Un putain de cocktail de l'espace avant même que l'on parle musique. Et quand en plus ce qui se passe sur scène est fou, vous avez un concert mémorable qui ne finit pas de vous laisser nostalgique. Car quelle branlée mes aïeux ! Les Suédois ont fait mal avec une setlist variée et hyper solide ("Atoma", "Final Resistance", "Identical to None", "Lost to Apathy"...), un Mikael Stanne toujours aussi souriant et feel good et un son absolument parfait. Malgré un line up grandement renouvelé (y compris temporairement avec l'absence du frère Amott, resté avec son nouveau-né) Dark Tranquillity continue de prouver qu'il est le meilleur groupe de death mélo sur terre. Point à la ligne.
Hangman's Chair
Di Sab : Lorsqu’on a tourné la vidéo pour le report, la quasi-intégralité des festivaliers ont mentionné deux concerts marquants alors que le Motocultor touchait à sa fin. On vous a dit tout le bien qu’on a pensé de Cult of Luna, il est temps de rendre à Hangman’s Chair ce qui leur appartient.
A Loner est un album qui, a bien des égards, me laisse pensif. J’oscille toujours entre le fait que je sais que la proposition artistique ne me correspond pas tellement : il y a moins de riffs, un son plus en nappe, moins d’impact, mais une fraîcheur qui englobe un peu l’auditeur. En parallèle, c’est hyper réussi et j’ai un vrai plaisir à voir le groupe grossir et prendre petit à petit une place à l’international qui est amplement méritée.
En live par contre, malgré une écriture moins accrocheuse que Banlieue Triste, tout ce qui est joué du nouvel album passe à merveille. Le set de cette après midi est coupé nettement en deux. Première partie uniquement centrée sur A Loner avec "An Ode to Breakdown","Cold & Distant", "Who Wants to Die Old" et "A Loner"(de mémoire) et une deuxième partie sur l’avant-dernier et l’avant avant-dernier ("Dripping Low", "04.09.16" et "Naive"). Quiconque a vu Hangman’s Chair sait à quel point le gros point fort du set consiste dans la retranscription quasi cristalline des lignes vocales. Le son est absolument parfait, rien ne dépasse, le groupe tient la scène comme un patron de PMU tient son zinc : fermement, avec habitude et attitude. Comme tous les groupes dont nous sommes fans, on aurait aimé avoir tel ou tel titre : "Touch the Razor" et un extrait de Hope Dope Rope. Mais au-delà de ça ? Quel reproche faire à ce groupe qui s’est donné les moyens de gravir les échelons ? Vraie méritocratie comme dans les rêves humides du MEDEF. A revoir chaque jour que Dieu fait.
Benighted
Quinn : Toujours un plaisir de revoir les français de Benighted sur scène. Désormais à quatre depuis le récent départ de Fabien Desgardins (dit “Fack”) à la guitare, non remplacé, le combo n’a pas perdu de sa force de frappe. Le dense public de la Supositor Stage ne se fait pas prier pour s’agiter pour le plus grand plaisir de Julien Truchant (chant). Si l’absence de seconde guitare se fait parfois sentir, on aura le droit à un son plutôt bon et équilibré permettant notamment à Kévin Paradis (batterie) de tirer son épingle du jeu tant sa précision et sa puissance sont impressionnantes. Les morceaux s'enchaînent et les tempos sont toujours plus indécents mais les cassures les plus influencées Hardcore des rhônalpins ont également leur mot à dire tant elles sont redoutables d’efficacité. L’ensemble de la désormais large discographie du groupe est bien couverte et Benighted a encore une fois prouvé qu’il était une tête de gondole du brutal death européen.
Dark Funeral
Quinn : Parmi les mastodontes du black suédois, Dark Funeral est le genre de groupe qui continue sa longue carrière sans qu’on en attende forcément grand chose. Musicalement, les albums se suivent et se ressemblent, les prestations live également. Mais il faut bien l’avouer, l’exécution est toujours brillante et c’est une très bonne piqûre de rappel à laquelle on aura le droit ce soir. Tout d’abord, le son est excellent de bout en bout. Comme quoi c’est bien possible devant la Supositor Stage. La setlist fait la part belle aux deux derniers albums du groupe mais "The Arrival Of Satan’s Empire" et "Open The Gates" raviront les plus vieux fans, sans peut-être totalement les combler. Voilà peut-être le seul reproche à faire à propos du set. Avec une scénographie finalement relativement sobre en dehors des traditionnelles armures arborées par les Suédois, Dark Funeral enchaîne les morceaux aux blast beats incessants sans oublier de piocher dans ces morceaux plus mid-tempo pour éviter la redondance. Janne Jalomaah à la batterie ne faiblit absolument jamais et se permet même d’ajouter quelques fioritures aux parties déjà extrêmement fournies de son prédécesseur. A en juger par les acclamations du public à chaque fin de morceau, personne ne s’y est trompé : Dark Funeral reste une machine de guerre en live et le prouve une fois de plus.
Pallbearer
Di Sab : Il est là le concert que j’attendais le plus du festival. Fan de Pallbearer depuis facilement 8 ans, c’est la première fois que je me retrouve face à eux. Petit luxe, le set anniversaire de Sorrow and Extinction fait qu’il n’y a aucun risque de se manger des titres génériques des deux derniers album qui me touchent bien moins que leurs illustres prédécesseurs.
La setlist est ce qu’elle est. Même si je préfèreFoudations of Burdens, S&E contient des moments de grâce absolue. A titre personnel, j’ai un petit crush pour la doublette finale "An Offering Of Grief" et "Given to the Grave". L’exécution est absolument incroyable et m’a profondément marqué. Comme chacun sait, la musique des Américains est hyper chargée en émotions et je suis toujours circonspect quant à la façon dont les musiciens qui produisent cela font vivre le truc. Loin de la dimension théâtrale d’un Paradise Lost ou d’un Skepticism, le groupe incarne sa douleur sans en faire trop, avec décence et retenue. Difficile de revenir au festival après cela. Qu’une attente : la tournée d’Octobre avec Elder.
Clutch
Di Sab : Si l’on devait établir un ratio entre le peu d’intérêt que je porte à un groupe en studio par rapport au plaisir que j’ai à les voir en live, Clutch serait très haut. Sans en avoir rien à faire, j’écoute de manière assez prosaïque sur album, en revanche, je ne me lasserai jamais, je pense, de les voir en live et j’essaie de me rendre à leurs prestations dès que faire se peut. Il y a chez Clutch un dépouillement qui embellit le propos et qui, à chaque fois, me touche énormément. Aucun artifice, Fallon arrive toute calvitie dehors, sapé comme pour aller chez Leroy Merlin. Mais dès la première syllabe de "Earth Rocker", il rappelle à tout le monde que c’est un des meilleurs frontman. La dimension prédicatrice de sa gestuelle et de sa façon de poser sa voix sert parfaitement le propos tandis que le groupe façonne son groove avec une minutie qui n’a d’égale que sa flegme. Bien que cela ne m’ait pas dérangé, la setlist est peut-être le seul point noir d’un show parfait. Difficile de ne pas être frustré de ne pas avoir eu tel ou tel titre mais la discographie deClutchest tellement large qu’il n’est pas possible de repartir parfaitement rassasié même si les "Psychic Warfare" et autres "Burning Beard" font toujours mouche. Choix relativement étonnant, le propos était très centré sur la période récente du groupe (dont 3 titres à paraître) et surtout, les deux plus gros tubes de Clutch ("The Regulator" et "Electric Worry") ont été boudés et lorsque le groupe s’est retiré et que les techniciens ont commencé à s’affairer, une petite incompréhension s’est ressentie parmi la foule. Concert toutefois excellentissime d’un groupe qui n’a plus rien à prouver sur les planches
Slift
Di Sab : Alors qu’en 2019, le Motocultor avait organisé une journée mettant à l’honneur la musique celtique, le choix a été fait en 2022 d’organiser une journée « rock ». La direction artistique de la dite journée n’étant pas clairement définie, elle fut prétexte à donner à voir au public des groupes appréciés par les fans de metal mais dont la musique ne rentrait pas totalement dans la ligne d’un festival estampillé 100% metal. Partant de cette définition, il y aurait été difficile de ne pas y voir Slift tant le trio toulousain a, depuis Ummon, conquis le cœur d’une large partie des amateurs de doom / stoner / sludge et assimilés. Cette année, le groupe récolte les fruits de son succès bien mérité et se produit dans les plus grands évènements du style, du Hellfest au Roadburn en passant par les Desertfest / Sonic Blast et autres. Pour celles et ceux qui les ont vu à Petit Bain / au Trabendo où ailleurs, le show proposé est raccourci mais inchangé. Entrée sur "Ummon" avec le logo sphérique du groupe qui tourne de plus en plus vite et ce premier riff emblématique qui décroche un sourire à toute la foule, enchainement par "It’s Coming" et surtout, le final sur "Lions Tigers and Bears". Titre rapide aux relents légèrement punks (toute proportion gardée, on parle tout de même de Slift). Cette déchange d’énergie très pure qui précède les accords plaqués très doom de la partie finale est l’une des plus belles fermetures de set qui soit. Même si ce soir ce fut la troisième fois en un an que je voyais Slift, il est difficile de se lasser de ce moment tant ce que proposent les Toulousains est immersif et de très bonne facture.
The Ocean
Quinn : Si vous êtes clients du dernier double album Phanerozoic (sorti en deux parties entre 2018 et 2020) vous êtes au bon endroit. A l'inverse, si vous espérez toujours entendre les morceaux de la première période The Ocean jusqu’à Precambrian, voire même le tandem Anthropocentric/Heliocentric, vous risquez d’être frustrés. Une fois ce constat fait, quid de la prestation du groupe Germano-Suisse ? Réussite semble être le maître mot. Tout y est, du son au superbe light-show en passant évidemment par une prestation scénique très solide qu’il s’agisse des passages les plus progressifs et intimistes aux riffs les plus lourds. Le petit détour par Pelagial est fort appréciable et c’est une nouvelle bonne prestation livrée par les sbires du fondateur Robin Staps et leur exécution sans faille. Il faut donc accepter que The Ocean ne reviendra que rarement sur son ancien catalogue et reconnaître que les germano-suisses peaufinent leur art d’années en années. A double tranchant, mais bien aiguisé.
Leprous
Quinn : Les progueux norvégiens de Leprous succèdent donc à The Ocean sur la Massey Ferguscène, comme lors de la tournée européenne 2019 et celle à venir aux USA. Que va proposer Leprous dans une configuration festival très éloignée de l’ambiance intimiste de ses trois derniers albums ? Évidemment on sera loin de la setlist chronologique de la récente tournée des vingt ans du groupe et c’est donc "Out Of Here" issu d’Aphelion, dernier album en date, qui ouvre le bal de manière un peu mollassonne. Comme d’habitude on aura le droit à une exécution chirurgicale des morceaux, Baar Kolstad (batterie) en tête. Le groupe est comme à son habitude remuant et souriant sur scène, Einar Solberg (chant/clavier) prenant même le temps de gentiment se moquer du “slammeur le plus lent qu’il n’ait jamais vu”. Sept titres, c’est peu, mais c’est la loi des festivals quand on joue de longs morceaux et l'enchaînement "Below" / "From The Flame" / "The Price" ravira la majorité des fans venus s’égosiller sur les refrains tubesques du groupe. A l’image du look de premiers de la classe des cinq musiciens, c’est donc une nouvelle prestation soignée. Le clou du spectacle sur "The Sky Is Red" et son interminable final semble désormais être un classique pour le plus grand bonheur de l’ensemble du public (et à mon grand désarroi mais me voilà bien seul dans ce combat). On regrettera l’absence de morceaux issus de Coal ou Bilateral mais c’est une très bonne copie rendue par Leprous.
Electric Callboy
Michaël : Je ne vais pas vous faire de longs discours sur la teneur de la prestation des Allemands. Evidemment que c'était bas du front ; une hérésie pour beaucoup de trve. Comme je l'indique dans la vidéo du report, j'avais vu le groupe au Summer Breeze il y a plus de dix ans et c'était un groupe de metalcore / popcore assez classique, avec certes l'omniprésence de sons électros. Le groupe ne savait jamais trop sur quel pied danser en alternant les titres metalcore mielleux et les tubes faits pour danser, avec une réussite toute relative. Depuis lors, et surtout avec l'arrivée de leur nouveau chanteur il y a peu, le groupe a clairement choisi sa voie : de l'electrocore humoristique taillé quasi-exclusivement pour le live. Et la prestation du Motocultor l'a clairement démontré : chorégraphies, mouvements perpétuels, lights hyper dynamiques, immense drap couvrant la scène en début de prestation, sons électros omniprésents. Le groupe assume pleinement d'être un groupe complètement teubé pour faire la fête. Alors forcément ça va trigger les pisse-froids et les sérieux, mais pour ceux que la dimension volontairement kitsch et dance (ce sont des Allemands, après tout) n'effraiera pas, vous pourrez alors faire craquer vos genoux. A noter, au passage, un des sons les plus clean du weekend, notamment la batterie. Un gros moment festif sous une tente blindée, donc, avec une setlist essentiellement composée des titres récents avec quelques rares vieux titres (et parmi les plus dynamiques). Pas de surprise mais la confirmation que le groupe a changé de dimension. L'instant léger d'un festival rempli de prestations souvent denses et pleine d'émotions.
Orange Goblin
Michaël : Orange Goblin c'est le groupe qui m'a trop souvent échappé en festival, la faute à une concurrence avec d'autres groupes qui ont eu ma préférence. Du coup, c'était l'occasion de le voir une bonne fois pour toute. Et, sans grande surprise après le récit que l'on m'en avait fait, c'est une double mandale dans ma face de fragile. Alors certes, c'est exactement comme on me l'a décrit car le groupe fait toujours plus ou moins les mêmes live à chaque date ; mais l'énergie est folle, la setlist aux petites oignons et il est presque difficile de décrire le charisme d'un Ben Ward sur scène. Il ne fait rien de bien original, mais sa seule présence suffit à remplir la scène. Son nez, aussi. Du coup, je comprends retrospectivement la claque reçue par ceux qui ont vu le groupe en petit comité pendant Metallica au Hellfest. Un moment fort de ce Motoc', assurément.
Igorrr
Quinn : On le sait depuis maintenant quelques années, le projet fou de Gautier Serre consistant à concilier entre autres breakcore, musique baroque et metal extrême, est devenu un vrai groupe de live et plus seulement un projet solo. Le line up a d’ailleurs pas mal changé puisque les deux chanteurs précédents ont été remplacés ainsi que le guitariste. C’est donc la formation annoncée à l’été 2021 qui foule les planches…à l’exception de la chanteuse Aphrodite Patoulidou. Et c’est bien dommage vu l’apport du chant soprano au sein du projet, tant en studio qu’en live. Mais celà n’empêchera pas Igorrr de proposer une excellente prestation, bien au contraire, devant une Massey Ferguscène pleine à craquer. C’est une véritable masterclass que livre le groupe tant au niveau de la qualité du lightshow et du son que de la performance scénique. JB Le Bail, également chanteur de Svart Crown (projet ayant splitté deux mois auparavant), nous gratifie de sa puissance vocale doublée d’une présence scénique imposante. On est également soufflé par la versatilité et la frappe de Sylvain Bouvier (Trepalium) à la batterie. L’ambiance ne descendra jamais au cours du set et les nombreux morceaux de Spirituality & Distortionpassent sans broncher le cap du live, des passages les plus déjantés aux plus métalliques (pour ça, le travail de guitare est également à noter). On a même le droit à quelques vieilleries. Bref, tout est au rendez-vous et ,me concernant, Igorrr aura tout simplement mérité son titre de meilleur live du Motocultor 2022. L’ascension en cours du groupe français est largement méritée.
Tesseract
Quinn : Difficile de se remettre les neurones à l’endroit après le set de Benighted, et pourtant ça sera nécessaire pour entrer dans le set de Tesseract. On pouvait se demander comment le public allait réagir à un groupe djent/progressif et mélodique assez loin des standards du Motocultor, mais les doutes sont dissipés d’entrée avec une entame surprenante sur "Concealing Fate" (Part I, II et III) issu de l’album One ou l’album le plus proche de Meshuggah de la discographie des anglais. Le son est fort, très fort. Mais puissant et suffisamment précis pour goûter aux délices de la section rythmique chirurgicale du groupe. Dan Thompkins impressionne de par la justesse de son chant et court sans arrêt d’un bout à l'autre de la scène, ornée d’un lumineux tesseract (forcément!). Côté setlist, un morceau par album est ensuite joué et on aura même le droit à un prometteur extrait du prochain. L’arrivée tardive du groupe sur le site, moins d’une heure avant de jouer, est finalement un mal pour un bien tant l’énergie déployée fait mouche. On en redemande !
*
Les déceptions
Groupes évoqués : Behemoth | Seth | Schammasch | Imperial Triumphant | Exodus | God is an Astronaut | Svalbard | Belphegor
Behemoth
Michaël : Dire que Behemoth fut une déception est peut-être un peu fort. La prestation des Polonais a de toute évidence été plus que correcte avec un son excellent, des lights dynamiques et, globalement, une présence toujours aussi impressionnante sur scène. Disons que la déception tient à deux éléments majeurs. Le premier est le format du festival avec des sets assez courts, qui ne laisse place à aucune fantaisie et vient souvent casser la cohérence des sets. Cela invite clairement les groupes à pondre des setlists façon best-of, sauf à se hasarder dans une direction qui laissera le public de marbre. Tel fut le cas ici avec une setlist hyper convenue ; un peu difficile à digérer pour ceux qui, du reste, ne sont pas des grands fans des derniers opus. Les amoureux de la premières heure n'ont pas eu grand-chose à se mettre sous la dent, même s'il est toujours aussi bon d'entendre "Christians to the Lions" ou "Conquer All". Le second élément est lié au fait que la prestation du groupe a somme toute été déjà vue. Pour ceux qui ont pu l'apprécier a plusieurs reprises ces dernières années, on avait été habitué à des partis pris évidénts : albums joués en entier, nouveaux éléments scéniques... Ici, rien. Du très classique, du déjà vu. Alors oui c'est toujours bon car le groupe a pris ces dernières années une dimension incroyable, mais rien de mémorable. Et il faudrait clairement faire une intervention pour leur nouveau logo qui est vraiment complètement claqué au sol. Mitigé, donc.
Seth
Quinn : Il est rarement aisé de jouer du black metal en pleine journée, et encore moins quand la scène est en plein air et non sous un chapiteau. Avec un son très brouillon (comme pour malheureusement beaucoup de groupes jouant sous la Suppositor Stage) et un vent qui n’arrange rien à tout ça, il est compliqué d’apprécier le set des Français à sa juste valeur. Pourtant sur scène c’est énergique, les décors et les animations sont là, qu’on les juge kitschs ou non. Mais côté son rien n’y fait et tout se mélange un peu, les guitares étant les grandes perdantes de la partie face au chant, au clavier et à la batterie. Malgré une setlist de qualité, on préférera revoir Seth dans de meilleures conditions et surtout en salle.
Schammasch
Quinn : Schammasch est un groupe étrange. Etrange mais doué et ambitieux comme l’est son black avant-gardiste lorgnant sur le post-black voire parfois le progressif. En salle le groupe m’avait convaincu mais il est toujours plus difficile de convaincre en festival lorsqu’on pratique une musique reposant autant sur l’atmosphère et le visuel. Les impressionnantes et longues tenues de scène des Suisses sont de sortie et l’attitude assez stoïque du groupe également. Si courir entre deux groupes et arriver en plein milieu du premier morceau n’aide pas à entrer dans la cérémonie proposée par Schammasch, la qualité du son ne rattrape pas le coup. On se retrouve avec une bouillie de basses dès que le tempo augmente, avec notamment quelques soucis de son sur le kick. Il reste donc les très longs passages ambiants pour espérer se raccrocher à quelque chose. Même "Metanoia" de l’excellent album Triangle ne suffit pas à m’éveiller, notamment car la voix claire de C.S.R ne ressort que trop peu. Frustrant car Hearts Of No Light semble également être un album intéressant. Il faudra revoir Schammasch dans de bien meilleures conditions.
Imperial Triumphant
Michaël : C'est un doux euphémisme que de dire que Imperial Triumphant était attendu. Si la foule n'était pas hyper compacte sur la Supositor Stage, leur récent opus Spirit of Ecstasy a créé une putain de hype, y compris dans les rangs de Horns Up. Alors quand au bout de quinze minutes de prestation, tout le monde commence à se regarder dans le blanc des yeux, les questions sont nombreuses. Malgré un son très bon, le groupe a proposé une prestation étrange. Beaucoup de silences, de moments de flottements, d'instants bizarres (comme ces longs moments passés à fixer la foule sans jouer la moindre note ou bien encore le bassiste qui passe 4/5 minutes à gifler sa basse à travers la scène et dans le pit photo). Une prestation définitivement avant-gardiste mais, in fine, au détriment de la musique. Même ceux qui semblaient musicalement convaincus dans les premiers rangs ont fini par lâcher. La douche froide sans qu'il soit besoin que la petite pluie bretonne habituelle ne pointe son tarbouif. Je ne doute pas une seconde du talent des gonzes, mais une prestation aussi incompréhensible, en festival, en pleine journée, ne m'a certainement pas transportée. A revoir dans d'autres conditions, pour savoir s'ils se foutent un peu de notre gueule ou si tout ce qu'ils ont fait sur scène ce dimanche était du génie.
Exodus
Di Sab : La dernière fois que j’avais vu Exodus, Rob Dukes officiait encore en tant que chanteur, et Gary Holt était à l’autre bout du monde en train de faire du blé avec Slayer. J’adore Exodus mais ça fait 30 ans que je n’en ai rien à branler de ce qu’ils sortent, au bas mot. De fait, en ce dimanche soir, je me sens comme un gosse à la cantine qui avale son céleri rémoulade en attendant le dessert. Alors d’accord, l’enthousiasme de Zétro est aussi gros que sa bedaine. OK ça fait plaisir de voir Gary Holt et Tom Huntings. OK on sent le groupe sincèrement heureux d’être là. Mais l’écart qualitatif entre les titres récents et les classiques est abyssal. Du coup on patiente sagement, on s’ambiance sur Blacklist, on hausse les sourcils devant la parodie de Slayer qu’est "Prescribing Horror" et on profite sur "Bonded by Blood","Toxic Waltz" et "Strike of the Beast". Toujours la même rengaine, impossible d’avoir autre chose que celles-ci + "A Leasson in Violence" alors que l’absence de "Piranha" et de "Metal Command" est toujours plus douloureuse. Un concert honnête donné par un groupe motivé. Mais je donnerais énormément pour les voir avec une setlist purement old school.
God is an Astronaut
Quinn : All Is Violent, All Is Bright, sorti en 2005 par God is an Astronaut est un de mes albums préférés de post-rock et un classique du style pour un grand nombre de fans du style. Et les Irlandais contiennent bien d’autres perles dans leur discographie. Cette dernière est d’ailleurs très fournie et j’avoue ne pas avoir bien été assidu après ce qui a suivi l’étrange album Origins en 2013. Et malheureusement ce set de GIAA n’arrivera pas à me replonger dans le groupe autant qu’espéré. Pourtant l’assistance présente semble globalement réceptive, la setlist comporte quelques pépites d’antan et le groupe propose une prestation honnête mais qui peine à décoller. Le son n’est plus aussi puissant (surtout en passant derrière Tesseract), les derniers morceaux me semblent loin du niveau de composition jadis atteint par le groupe, la fatigue dûe aux enchaînements de concerts se fait sentir et c’est au final l’étrange sensation de désintérêt qui l’emporte. Comme un vieux copain qu’on croise et à qui on a finalement plus grand chose à dire. Dommage car God is an Astronaut en a visiblement encore sous le pied.
Svalbard
Di Sab : Pour une raison que j’ignore, depuis son buzz, j’ai le sentiment que Svalbard a généré de la circonspection.When I Die Will I Get better est pourtant un assez bon album. Lui reproche t’on d’être un peu trop académique ? De cocher toutes les cases de « l’album de post hardcore composé pour buzzer ? » C’est sans a priori ni attente que je me place devant les Anglais. Il n’est jamais facile d’écrire sur quelque chose de ni mauvais, ni marquant. Mais sachez que le concert de Svalbard peut être ainsi qualifié. Servis par un son excellent, le groupe présente ses compos où un post hardcore un peu urgent fricote avec un post rock assez classique. Le set passe bien, l’attitude du groupe est impeccable (avec notamment un discours sur les femmes dans la scène, le seul du festival) mais le propos reste tout de même relativement générique. Agréable de ouf mais sans plus.
Belphegor
Quinn : Les Autrichiens sont de grands habitués du Motocultor et on attend une prestation huilée et théâtrale comme toujours. L’intro sur la Sarabande d’Haendel, les flammes et les divers éléments morbides posent l’ambiance et "Baphomet" se charge d’ouvrir les hostilités. Mais on se rend compte au bout de quelques morceaux que tout n’est pas aussi carré qu’à l’accoutumée, c’est notamment criant sur un "Hell’s Ambassador" assez bancal. Certains moments de vide entre les morceaux, les étranges rires de vilain de dessin animé d’Helmuth (guitare/chant) trop fréquents, un public globalement réceptif mais poli…tout ça m’empêche de pleinement entrer dans une prestation de Belphegor pourtant loin d’être catastrophique. L’étrange décision de terminer par 3 morceaux consécutifs du tout fraichement sorti nouvel album The Devils vient renforcer ce sentiment d’un set correct mais sans génie.
*
Les découvertes
Groupes évoqués : Aephanemer | Ten56 | Ho99o9
Aephanemer
Michaël : Enfin ! Cela fait un paquet d'années que je suis le groupe toulousain et je n'avais jamais eu l'occasion de les voir en live. Comme vous le savez certainement, le groupe distille un death metal mélodique vraiment quali' dont les sonorités se rapprochent parfois de Kalmah (yummy). Sur scène, c'est très propre, très souriant (la bassiste, surtout !) et les titres défilent très rapidement avec minutie et puissance. Une excellente découverte live, assurément, bien aidé par le fait que le Motocultor donne des créneaux assez importants aux "petits" groupes. Il faut bien trouver un point positif à cette politique communiste. Et cela fait toujours plaisir de voir un groupe français faire du death mélo de qualité.
Ten56
Quinn : Je ne connaissais pas leur musique, mais les franciliens de ten56 ne sont pas réellement une découverte pour deux raisons. La première étant que le groupe a déjà pas mal fait parler de lui sur la toile au vu du line-up aux allures d’”All Star Band” Parisien, étant composé d’exs ou d'actuels de Betraying The Martyrs, Kadinja, Uneven Structure, et Novelists. La seconde est que le groupe a tout simplement déjà joué la veille ! ten56 a la lourde tâche de remplacer au pied levé les américains de Lorna Shore ayant annulé le jour même leur venue en raison d’une blessure au dos du batteur Austin Archey. Grosse désillusion pour la visiblement bonne partie du public venue supporter le groupe de deathcore symphonique. Ayant raté le set ten56 et curieux des bons retours à propos de celui-ci, je vais donc voir ce que me réserve ce lot de consolation. Musicalement on est plutôt sur les terres d’un Emmure avec des breakdowns incessants et agrémentés d’effets (pédale whammy en tête) et de samples. En effet, c’est la bagarre sur scène et dans le pit. Les festivaliers conquis par la prestation d’hier sont à nouveau au rendez-vous, ce qu’Aaron Matts ne manquera pas de souligner et d’apprécier dans un français de plus en plus maîtrisé (le chanteur étant anglais). On ne va pas se mentir, ten56 ne va pas chercher bien loin musicalement et est bâti pour le live mais la prestation est carrée et l’énergie est au rendez-vous pour le plaisir de tous. Une bonne découverte live (même si on pleure toujours l’annulation de Lorna Shore).
Ho99o9
Michaël : Les natifs du New Jersey jouissent d'une certaine popularité dans l'Hexagone. Tout le monde a déjà pu expérimenter, en streaming ou sur YouTube, les samples, les riffs dynamiques et ce subtil mélange entre punk rock et hip hop. Il faut dire que le groupe a quand même un style assez inimitable, qui retient l'attention - qu'on aime ou pas, d'ailleurs. Sauf que peu sont ceux qui ont pu les voir en live. Alors forcément, le public était présent en masse pour découvrir les Américains ; et je pense que personne n'a été déçu. On a pas toujours compris ce qui se passait sur scène, on a clairement pu regretter l'absence d'un vrai guitariste (les samples c'est cool, mais ça casse parfois un peu l'effet live), mais c'était clairement un des highlights du weekend. La Bruce Dickinscène n'avait pas connu une telle déferlente de bordel pendant ces 4 jours ; bordel connaissant son paroxysme sur la fameuse "Bite my Face". On en arrive qu'à regretter un manque cruel de communication avec le public pour un groupe pourtant aussi prompt à vouloir nous faire bouger dans tous les sens et à communiquer son énergie.
Le récit de Dolorès : l'envers du décor, côté artistes
Motocultor jour 1 – Jeudi 18 août 2022
J'ai fait mon premier Motocultor en 2012 et me voilà, exactement dix ans plus tard et pour la première fois, de l'autre côté des barrières. Je me souviens avoir de nombreuses fois critiqué l'organisation du festival morbihannais et, pourtant, je m'apprête aujourd'hui à plutôt l'encenser.
Si le festival souffre toujours de quelques soucis, je peux toutefois dire que l'accueil côté artistes a tout bonnement été parfait pour nous. Des renseignements clairs en amont (feuille de route) et dès l'arrivée sur le site le matin même (bénévoles disponibles), des loges spacieuses avec tout ce qu'il faut, disponibles toute la journée (!), un bar artistes bien chouette (avec une super équipe de bénévoles, des bisous aux copaings), un accès à des toilettes et douches propres, un des meilleurs caterings que j'aie mangé de ma vie (avec beaucoup de choix végétariens) et une chambre d'hôtel bien plus que correcte. Franchement, une expérience au top.
Pour ce qui est de l'aspect technique du concert, je peux moins développer car je n'étais là que pour chanter sur un seul morceau, mais le fait que le concert ouvre l'une des scènes pour la journée nous a permis de ne pas du tout nous presser et de prendre carrément notre temps pour les balances. Rien à signaler : j'entends bien tout ce qui m'intéresse dans le retour disposé devant mon micro et les techniciens présents sont bien accueillants. Un point fort puisque ce n'est pas toujours le cas et que cela m'a permis d'être complètement à l'aise, sur scène avec moi-même comme avec l'équipe et le groupe, pour délivrer une prestation qui m'a semblé qualitative.
Ce jour-là, le concert de Sang Froid démarre les hostilités pour la Supositor Stage, la petite scène tout au fond du site. Le festival ayant ouvert avec 40 minutes de retard, le début du set tarde à arriver face à une fosse assez bien peuplée qui attend les premières notes. Le public, qui se densifie, a clairement l'air emballé par ce début de journée, certain(e)s n'ayant peut-être pas eu l'occasion de refaire de gros concert ou festival depuis un sacré moment.
Première surprise : le son est vraiment bon à cet instant (ce que je remarque en retournant dans le public après mon apparition sur scène), une impression qui se renforcera sur une bonne partie des concerts du week-end. C'est clairement l'un des points forts de cette édition du Motocultor pour ma part et cela m'a rassurée sur ce que j'ai pu renvoyer de mon côté en tant que chanteuse. Le second point fort, c'est cette programmation un peu différente accordée à la journée du jeudi. Ce jour plutôt orienté « rock » permet aussi de de mettre en avant une scène « goth » avec Sang Froid, Qual et She Past Away. « Undead, undead, undead » comme disait Peter Murphy de Bauhaus ! Les différentes prestations qui ont oscillé entre coldwave, gothrock, post-punk, EBM et darkwave semblent avoir conquis le public et rappelé que ces scènes, qui ont toujours autant d'adeptes, ont leur place dans une programmation comme celle-ci. Une bonne nouvelle pour de futures éditions car il reste des tas de bons projets à mettre en avant dans nos événements français !
*
Nos remerciements au Motocultor et notamment à Julien Oliba pour l'accréditation et les conditions d'accueil.
Retrouvez par ailleurs toutes les photos de Michaël par ici.